Afrique - Nigeria : un État qui conserve du poids malgré ses déficiences - Après la destitution du président Nimeiry au Soudan
Nigeria : un État qui conserve du poids malgré ses déficiences
Dans la partie noire du continent africain située au Nord de l’équateur, deux États, par leur position géographique et leur composition ethnique, peuvent avoir une sorte de rayonnement, sinon une influence déterminante, sur les populations des pays qui leur sont limitrophes. C’est le cas du Soudan qui se reconnaît dans une partie de l’Éthiopie ou dans la région orientale du Tchad et qui, avec un gouvernement plus représentatif, aurait pu contrebalancer l’attraction de l’Ouganda par ses voisins méridionaux, et peut-être aussi jouer sa partie dans la cohabitation harmonieuse des différentes tendances de l’islam égyptien. C’est également le cas du Nigeria qui, en Afrique de l’Ouest, a toujours été le lieu de convergence des principales ethnies et qui aurait voulu parfaire cet avantage en devenant le centre de conception du développement de l’économie régionale. L’un et l’autre ont été dotés, dès l’époque coloniale, de régimes multipartites. Toutefois, chaque parti représentant une des composantes ethniques ou religieuses de la Nation et n’étant pas animé par une idéologie répandue dans l’ensemble de la population, le pouvoir centralisateur perdit rapidement ses facultés d’arbitrage et dut s’en remettre à l’armée, nationaliste, par tradition, afin d’éviter que ne se développassent les tendances et même les pouvoirs séparatistes.
Dans chaque pays, pour faire face à des événements de nature équivalente, l’armée s’est comportée de manière différente. Pourtant, au Soudan comme au Nigeria, elle était parvenue au pouvoir dans les mêmes conditions, ayant eu, au préalable, la charge d’affronter une rébellion sécessionniste : les officiers qui dirigeaient les armées de l’un et l’autre État, avaient reçu une formation identique dans les mêmes écoles britanniques, formation dont on sait qu’elle ne prépare guère les esprits aux techniques du coup d’État. Ces officiers avaient été poussés à intervenir par un égal souci de tempérer les passions et de construire l’unité nationale. Pour ce faire, il leur avait fallu adapter les structures de l’État et les usages politiques aux exigences locales, ainsi qu’à la nature des résistances qui pouvaient limiter leur action. De là est venue leur différence de comportement : l’une remettant les partis en selle et retournant dans ses casernes, une fois sa tâche accomplie, mais reprenant le pouvoir dès qu’elle comprenait que son retour aux affaires devenait nécessaire ; l’autre enfantant bientôt un dictateur qui personnalisa l’État au point de lui imposer la hiérarchie d’une seule formation politique, créée et animée par ses soins, mouvement qui représenta, pendant seize années, l’autorité civile. Le maréchal Nimeiry a donc été renversé par les militaires en tant que chef d’un État doté d’un parti unique. Il ne s’était maintenu au pouvoir que par les liens qu’il avait contractés successivement avec différentes tendances politiques ou religieuses. Il s’était trouvé abandonné de tous ceux qu’il avait déçus l’un après l’autre et, par voie de conséquence, il perdait peu à peu toute audience auprès de ses soutiens saoudien, égyptien et américain. L’armée est intervenue, le 6 avril 1985, avec un triple objectif : assainir la situation économique suivant les directives du Fonds monétaire international (FMI), préparer l’installation d’un régime démocratique en rétablissant progressivement la liberté d’association, mettre fin à la rébellion du Soudan méridional. Elle a donc pris maintenant le rôle qu’elle n’a pas cessé de jouer au Nigeria. Ce grand pays n’a jamais connu la dictature d’un militaire mais, à plusieurs reprises, il a été doté d’un gouvernement provisoire confié à un arbitre : l’armée.
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