Revue des revues
• La Strategic Review, organe du United States Strategic Institute, publie dans son numéro d’automne 1985 plusieurs articles intéressants, dont un par le lieutenant-colonel Donald R. Baucom de l’US Air Force, intitulé « The Professional Soldier and the Warrior Spirit » [Le militaire professionnel et l’esprit guerrier].
Le colonel Baucom reprend l’analyse du socialiste américain Morris Janowitz qui distingue les chefs héroïques, les managers et les techniciens militaires. Les premiers verraient le métier militaire comme un genre de vie (Curtiss LeMay), les seconds tendent à être absorbés par les aspects pratiques de la guerre et la mobilisation des ressources (Georges Marshall). La solide formation scientifique et technique des troisièmes leur permet de « dramatiser les nécessités du progrès technologique » (Uyman Rickover). Pendant la 1re moitié du siècle, on a vu la lutte entre les managers et les chefs héroïques, mais Janowitz prévoit que l’évolution des armées vers une force de « police » (Constabulary Force) entraîne la fusion de ces deux catégories vers un seul modèle hybride. Le sommet de la hiérarchie serait occupé par des managers, avec quelques chefs héroïques chargés de maintenir l’esprit guerrier.
Cette analyse est évidemment outrancière mais permet d’étudier la composition actuelle du corps des officiers. Le colonel Baucom passe alors en revue les facteurs qui lui paraissent avoir agi de manière néfaste ces dernières années. Le 1er lui paraît être la suppression de la conscription. Les Américains sont maintenant coupés de leur système militaire. Celui-ci est fortement influencé par une société individualiste, orientée vers le profit. Le recrutement utilise des procédés de publicité commerciale : une partie de la vie militaire a été « civilisée », les problèmes sociaux accaparent l’activité des officiers, en partie en raison de la présence des femmes dans l’armée. On utilise par trop les méthodes de conduite d’entreprises civiles. Le chef héroïque n’a plus sa place. L’institution militaire est envahie par les civils et le département de la Défense en utilise 1 pour 2 militaires. Au sein du système, il existe ainsi 2 groupes d’individus ayant des systèmes de valeurs fort différents. Les civils sont payés à l’heure et reçoivent des indemnités pour les heures supplémentaires ; ils sont syndiqués. Le plus souvent ce sont les militaires qui, par économie, effectuent les travaux hors cloche. Il en résulte une érosion du sens du devoir militaire et du dévouement.
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