Aéronautique - Les élèves officiers du personnel navigant de l'Armée de l'air : sélection, formation et féminisation
Voilà huit ans déjà que l’Armée de l’air a choisi de ne recruter que des officiers pour occuper les fonctions de pilote. Depuis cette année, elle a décidé d’étendre également cette mesure à la fonction de navigateur. Ainsi, dorénavant, les pilotes et navigateurs qui ne passent pas par l’École de l’air de Salon-de-Provence sont tous recrutés en tant qu’Élève-officier du personnel navigant (EOPN) avec un statut d’officier sous contrat. Ils sont 110 par an environ, soit 70 % de la population correspondante à arriver dans les forces par cette voie.
Une première sélection : le CSAA (Centre de sélection de l’Armée de l’air) de Brétigny
À condition d’être bachelier et d’avoir entre 17 et 22 ans, il est possible de faire acte de candidature dans un des 33 bureaux air information de l’Armée de l’air. L’intéressé est alors convoqué pour passer une semaine au Centre de sélection de l’Armée de l’air (CSAA) de la Base aérienne 217 Brétigny. Tout au long de cette semaine, la sélection sera sévère puisque sur les 1 500 postulants, 340 seulement seront retenus annuellement.
Cette sélection va se faire très progressivement : tout d’abord des tests psychotechniques allant de la compréhension de lecture au simulateur d’aptitude au pilotage en passant par l’orientation spatiale, conduisant à éliminer plus de la moitié des candidats ; ensuite, une visite médicale très approfondie en vue d’acquérir l’aptitude « pilote de chasse » ; puis des épreuves (1) de sport (natation, hauteur, poids, grimper à la corde, courses de vitesse et de demi-fond) et des tests (1) de niveau de langue anglaise ; enfin, pour terminer, un entretien avec un médecin psychologue et des officiers pilotes spécialisés ayant une grande expérience aéronautique.
Une deuxième sélection : l’EFIPN (École de formation initiale du PN) d’Avord
Ainsi, les 340 candidats qui passent actuellement à travers le filtre du CSAA se trouvent répartis en 12 demi-promotions pour entrer à l’École de formation initiale du PN (EFIPN) qui, à la suite des dernières mesures de resserrement, a quitté en 1985 la base d’Aulnat pour s’installer sur celle d’Avord. Le système d’entrée par demi-promotion avec un décalage d’un mois permet la remise à niveau des plus faibles en langue anglaise et souligne ainsi la façon dont l’Armée de l’air a pris en compte la nécessité pour tous ses équipages de parler correctement cette langue.
Au cours des six mois passés à l’EFIPN, le jeune engagé devra réussir à un examen d’anglais et à des épreuves théoriques concernant l’aéronautique, effectuer un stage de parachutisme et un stage de formation d’officier ; mais, auparavant, il devra nécessairement subir avec succès les épreuves aériennes comportant une douzaine de vols de sélection sur Cap 10, au cours desquelles sont jugées rigueur, visualisation, assimilation, division d’attention, aisance, bref tout ce qui représente l’essentiel de l’aptitude aéronautique en général, et plus particulièrement de celle de pilote de combat. Cette sélection a été voulue rigoureuse, puisqu’elle ne laissera passer qu’un stagiaire sur deux.
Cependant, une vingtaine de volontaires parmi les meilleurs à ne pas être retenus pour continuer leur pilotage sont dirigés vers le Groupement école 316 de Toulouse en vue d’acquérir une formation de navigateur. Celle-ci se fera tout d’abord sur des avions Mousquetaire, puis sur Nord 262-AEN ou Alphajet, suivant la spécialité « navigateur de transport » (C-160 Transall ou DC-8) ou « navigateur de combat » (Mirage IVP ou Mirage 2000 N).
Quant aux EOPN éliminés à Avord, ils n’auront pas tout perdu. Riches d’une expérience nouvelle, ils auront le choix entre un engagement dans le corps des sous-officiers du personnel non navigant de l’Armée de l’air ou un retour au foyer avec un report d’incorporation. Cependant, ceux qui le souhaitent peuvent aussi terminer leur service national soit comme EOR (élève officier de réserve), soit en restant militaire du rang sur la base de leur choix.
Formation de base et orientation : le Groupement école 315 de Cognac
Après avoir quitté Avord, les EOPN sélectionnés vont commencer à apprendre réellement leur métier de pilote au Groupement école 315 de Cognac. Leur progression en vol, qui se déroulera entièrement sur Epsilon à partir de l’été 1986, comporte deux phases : le pilotage de base (72 heures de vol) commun à tous les stagiaires, puis les pré-stages « chasse » (56 h) ou « transport » (25 h) suivant l’orientation vers l’une ou l’autre de ces spécialités.
Trois écoles de spécialisation différentes : Tours, Avord et Toulouse
À l’issue de leur stage effectué à Cognac, les EOPN rejoignent les officiers issus de l’École de l’air de Salon-de-Provence, dans une des trois écoles de spécialisation de l’Armée de l’air, en vue de l’obtention du brevet de pilote.
Le Groupement école 314 de Tours draine la majorité de la population et forme les futurs pilotes de chasse en 93 h d’Alpha Jet, à raison d’une centaine par an.
Le Groupement école 319 d’Avord reçoit environ 35 pilotes orientés vers le transport et les amène au brevet en 108 h de Xingu.
Enfin, un petit nombre se retrouve au Centre d’instruction des équipages d’hélicoptères (2) (CIEH) de Toulouse en vue d’acquérir sur Alouette et Écureuil biturbine, le brevet de pilote d’hélicoptère.
Mais l’obtention du brevet de pilote ne signifie nullement que la formation de celui-ci soit terminée, et l’EOPN devra connaître encore d’autres écoles comme la 8e Escadre de chasse de Cazaux ou le Centre d’instruction des équipages de transport (CIET) de Toulouse. Il lui sera ensuite nécessaire d’acquérir la qualification de sous-chef de patrouille ou de commandant de bord pour commencer réellement sa carrière d’officier avec le galon de sous-lieutenant.
Les EOPN féminins de l’Armée de l’air
C’est le recrutement EOPN qui a été choisi en 1983 par l’Armée de l’air pour ouvrir les portes du pilotage au personnel féminin. Annuellement, quatre jeunes femmes se retrouvent, à l’issue de la sélection, au milieu de leurs camarades masculins, pour subir exactement les mêmes épreuves en vol et au sol. Elles sont pour le moment exclusivement dirigées vers la carrière de pilote de liaison et plusieurs d’entre elles tiennent déjà leur place dans des unités opérationnelles.
Bien que l’Armée de l’air soit tout à fait satisfaite de cette féminisation du personnel navigant, elle a ressenti la nécessité d’en fixer une limite : le quota maximum ne doit pas dépasser 10 % de la production annuelle de pilotes du transport aérien militaire, ce qui à terme pourrait représenter quand même une soixantaine d’officiers pilotes féminins.
Ainsi, à l’instar de nombreuses armées de l’air étrangères, l’Armée de l’air française a franchi dans les dix dernières années deux étapes importantes en ce qui concerne son personnel navigant : un recrutement exclusif d’officiers et une sélection de plus en plus rigoureuse pour occuper les fonctions de pilote ou de navigateur sur des aéronefs dont la complexité et les performances sont sans cesse croissantes : une féminisation significative mais progressive et limitée dans un premier temps afin de ne prendre aucun risque en ce qui concerne ses capacités opérationnelles.
(1) Dans ces deux épreuves, une moyenne inférieure à 6/20 est éliminatoire, quelle que soit la moyenne générale obtenue par le candidat.
(2) Le CIEH, suite à la fermeture de la base aérienne de Chambéry, a rejoint en 1985 le CIET à Toulouse.