Afrique - Soudan : aux confins de deux mondes - Les non-alignés au secours de la Libye
Soudan : aux confins de deux mondes
Les pays africains éprouvent tous de grandes difficultés à promouvoir une unité nationale dans le cadre des frontières artificielles laissées par la colonisation. L’esprit tribal demeure vivace, notamment dans les nations où des ethnies d’égale importance peuvent justifier leurs affrontements actuels par des rivalités antérieures à l’arrivée des Européens, qui avaient, pour un temps, figé leurs expansions. Dans ce cas, l’affrontement se circonscrit aux territoires soumis à l’autorité d’un État. Au Soudan, en revanche, s’il existe des rivalités tribales, celles-ci ne tiennent pas un rôle déterminant dans la politique nationale ; les heurts, plus violents qu’ailleurs, sont surtout causés par la cohabitation de deux cultures, qui se parent chacune d’un passé historique et qui ont leurs racines ou des prolongements dans les pays voisins. La présence du Nil, qui coule du Sud au Nord, celle de la mer Rouge, qui rapproche plus qu’elle ne sépare ses riverains, ont facilité les relations entre des peuples d’origines ethniques différentes, à partir de pays, constitués en États, ou de tribus, dont les populations étaient attirées par l’opulence de régions plus tempérées. Cette facilité des échanges Nord-Sud n’existait pas dans les autres parties du désert saharien. La constitution d’États sur le pourtour de la mer Rouge a favorisé également le jeu des influences, dans ce passage que l’Égypte des pharaons appelait le pays de Kouch ; de tout temps, les luttes d’influence y ont suscité une prise de conscience plus vive des différences culturelles.
Sans remonter trop loin dans l’histoire, la comparaison des poussées arabes à l’Est et à l’Ouest du lac Tchad montre bien le rôle joué par la vallée du Nil dans la pénétration du monde noir. À l’Est, il s’est agi d’une migration de tribus entières qui atteignirent la Nubie dès le VIIe siècle, puis qui submergèrent, au XIVe siècle, les royaumes chrétiens qui s’y étaient créés. De là, les pasteurs arabes gagnèrent les régions peuplées de Noirs du Kordofan, du Darfour puis du Ouaddai. Ils entreprirent par la suite, à partir de ces bases, des campagnes, pour ainsi dire militaires, vers l’Est et le Sud. À l’Ouest du lac Tchad, la pénétration se fit en partant du Maghreb à travers le Sahara, et fut l’œuvre de commerçants isolés sans qu’il y eût migration de populations arabes ou islamisées ; elle fut donc lente et suivie très tardivement d’une islamisation par la force destinée davantage à essayer de purifier les croyances qu’à développer l’aire d’expansion de l’islam. Cette tâche reste, jusqu’à nos jours, le fait d’une pénétration pacifique de commerçants.
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