Napoléon et les Allemagnes - Le Royaume de Bavière
Le temps de la glorieuse épopée napoléonienne a été celui d’une crise décisive des relations franco-allemandes, au cours de laquelle les garanties de sécurité laborieusement échafaudées par la diplomatie de nos rois disparurent dans les remous prolongés de cet événement d’où devait dater un monde nouveau : la Révolution française. Après les tâtonnements et les guerres de la période révolutionnaire proprement dite, ces relations sont façonnées par la main toute puissante de l’héritier de la Convention et du Directoire, dont malheureusement les vues si sages du début, là comme dans tant d’autres domaines, devaient évoluer jusqu’à renier la modération initiale au profit de violences croissantes, prélude de la chute.
On peut distinguer trois grandes étapes dans la politique de Napoléon à l’égard de l’Allemagne : 1° du 18 brumaire à la campagne de 1805 ; 2° la formation par la Confédération du Rhin d’une Allemagne française de l’autre côté du fleuve, qu’un de nos diplomates de naissance germanique, Reinhard, distingue finement de la « France allemande », cette rive gauche du Rhin alors française de France, aussi bien Aix-la-Chapelle ou Cologne que Strasbourg ; 3° l’évolution de cet organisme où les empiétements répétés de l’Empereur précèdent de peu la réaction qui, les neiges de Russie ayant triomphé du colosse, balaiera tout l’édifice aux trop peu solides fondations.
La première étape, le temps du Consulat, est, comme tout ce régime lui-même, un compromis entre la tradition et la révolution inspiré par une double vue : reconstruire et pacifier. Tradition : la France consulaire a devant elle encore « les Allemagnes » de l’ère monarchique ; il s’agit pour notre Gouvernement de maintenir le morcellement où la France a cherché et trouvé jusque-là sa meilleure sécurité. Et de fait, quand le Premier Consul sera chargé d’arbitrer avec l’empereur de Russie le remaniement territorial entraîné par l’indemnisation des princes dépossédés de la rive gauche du Rhin, il s’arrangera pour que les résultats du fameux « Recès germanique de 1803 » renforcent les particularismes de nos clients traditionnels d’outre-Rhin. La Prusse, comme État protestant et comme monarchie marquée par Frédéric II de l’esprit philosophique de gauche, est encore notre alliée naturelle comme elle l’apparaissait à un Voltaire. C’est elle qui reçoit le plus gros morceau, et il y a peut-être là une première imprudence explicable par des sympathies idéologiques l’emportant sur des considérations plus machiavéliques.
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