Aéronautique - L'avion de pénétration : une arme redoutable
Depuis le début de la Première Guerre mondiale, le fait aérien a pris une place de plus en plus importante dans l’élaboration et la conduite des opérations militaires. Marginale en 1914-1918, l’intervention de l’aviation de combat a joué en 1939-1945 un rôle décisif que les divers conflits limités qui se sont succédé depuis n’ont cessé de confirmer. Cette évolution, qui a mis en évidence les capacités originales de l’arme aérienne, s’est aussi traduite par la nécessité de se protéger contre la redoutable menace qu’elle représente.
Selon l’éternel principe de la lutte du glaive contre le bouclier, les possibilités de pénétration des vecteurs aériens et leur armement se sont constamment améliorés face à une défense antiaérienne de plus en plus performante. C’est ainsi que l’avion de pénétration, grâce aux progrès de la technique, conserve son aptitude à évoluer dans un environnement de plus en plus dangereux. De plus sa polyvalence et sa souplesse d’emploi fournissent au pouvoir politique un excellent moyen pour « gérer les crises ».
Le danger : la défense aérienne adverse…
La vitesse, la mobilité, le rayon d’action sont les caractéristiques principales de l’avion de pénétration. Il représente donc en permanence une menace extrêmement dangereuse face à laquelle l’adversaire doit, pour tenter de s’en prémunir, prendre des mesures de défense aérienne très coûteuses tant en personnel qu’en matériel, ce qui réduit d’autant son potentiel offensif.
C’est pourquoi chaque Nation dispose d’une défense aérienne dont l’efficacité globale dépend essentiellement de ses choix politico-militaires, de ses capacités techniques et de ses moyens financiers. Cependant, quel que soit l’effort consenti, le concept de défense aérienne reste identique : détecter puis détruire.
L’interception puis la destruction d’un raid aérien résultent, schématiquement, d’un processus qui se déroule en trois phases : la détection qui doit être la plus lointaine possible, l’acquisition et la poursuite de l’hostile, le tir. Pour l’avion de pénétration, tout le problème consiste à dégrader au maximum les capacités de l’adversaire à réaliser les deux premières phases afin d’interdire l’exécution de la troisième. Cet objectif ne peut être atteint que si l’on réussit à combiner judicieusement de nombreux éléments tant techniques que tactiques. Dans le cadre de cette rubrique nous n’aborderons que le vecteur aérien.
Technologie « furtive »
La première approche consiste à diminuer la « signature radar » de l’avion. Les États-Unis (très certainement l’URSS aussi) poursuivent activement des recherches dans ce domaine. On pense, bien que l’Armée de l’air américaine n’ait jamais confirmé l’information, qu’une unité de chasseurs « furtifs » est opérationnelle. Cette nouvelle technologie, qui allie une étude approfondie des formes avion à l’utilisation de nouveaux matériaux capables d’absorber une grande partie de l’énergie des ondes électromagnétiques émises par les radars adverses mais aussi celle des rayonnements infrarouges et ondes acoustiques produite par le système de propulsion, doit permettre de construire des avions très peu détectables.
Un système de navigation et d’attaque très performant
À la discrétion structurale, dont bénéficieront largement les avions futurs, s’ajoute celle procurée par les progrès réalisés en matière de navigation et d’attaque. Depuis très longtemps on sait que plus un avion se déplace vite et bas plus ses chances de succès augmentent. Lorsque les conditions météorologiques sont bonnes, ces exigences sont faciles à réaliser. Il suffit de disposer d’un très bon système de navigation horizontale (centrales à inertie) dirigeant l’appareil sur l’objectif, le pilote assurant la sécurité générale de la mission.
Le problème est tout autre lorsqu’on ne peut plus maintenir les conditions de vol à vue. Il faut alors faire appel à des systèmes permettant d’effectuer, en toute sécurité, une navigation et une attaque en « aveugle ».
Dès à présent on dispose d’un dispositif qui permet d’assurer cette fonction. Il s’agit du Radar de suivi de terrain (RST) associé bien sûr à un système inertiel de navigation. Le pilote ayant déterminé l’altitude de vol, le système, en fonction des échos de sol détectés par le RST, élabore une trajectoire qui épouse le terrain survolé à l’altitude prévue. Dans la plupart des cas, cette manœuvre se déroule d’une façon totalement automatique sous la surveillance du pilote. L’avion, se déplaçant à plus de 1 000 kilomètre-heure et à une altitude inférieure à 100 mètres, profite ainsi du relief, ce qui limite énormément les volumes de détection des moyens adverses.
D’autres matériels, électro-optiques, utilisant les rayonnements infrarouges ou lasers et les procédés d’intensification de lumière, dont certains sont déjà en service, permettent d’améliorer grandement les capacités tout temps de ces vecteurs.
Des contre-mesures électroniques efficaces
Pour espérer franchir les défenses adverses, l’avion de pénétration doit être le plus « furtif » possible et posséder des systèmes de navigation et d’attaque, tout temps, très performants, mais cela n’est pas suffisant. En effet, ces deux éléments lui permettent seulement de retarder l’instant où il sera détecté. L’avion invisible n’est pas encore pour demain.
Il faut donc lui fournir des moyens supplémentaires pour se défendre, en particulier dès qu’il est détecté : c’est le domaine de la Guerre électronique (GE). Introduite dans les opérations lors de la Seconde Guerre mondiale, la GE a pris une place très importante dans toute opération aérienne. Elle couvre entièrement les trois phases de notre processus de défense.
Dans un premier temps, grâce à des moyens spécialisés en GE (sols ou aériens) agissant en deçà des lignes, on va aider indirectement les vecteurs de pénétration en effectuant un brouillage offensif, ponctuel ou de barrage, des moyens de détection et de communication adverses. Ce type d’action, particulièrement efficace, nécessite cependant la mise en œuvre de nombreux matériels mais surtout une très grande coordination dans leur emploi.
La GE s’applique bien sûr aux deux autres phases : l’acquisition et le tir. C’est le domaine des Contre-mesures électroniques (CME). Après avoir acquis la certitude d’être « poursuivi » par un radar ou un missile, il faut agir pour faire cesser la menace. C’est le rôle des détecteurs brouilleurs. Ces derniers, en comparant les signaux électroniques reçus avec les « signatures » des radars adverses mis en mémoire (importance du renseignement électronique) fournissent à l’équipage le secteur, le niveau et la nature de la menace. Après analyse, les mesures actives de brouillage sont déclenchées au moment opportun sous forme d’émissions électromagnétiques et de largage de leurres électromagnétiques ou infrarouges.
Un armement « stand-off »
Il existe un autre moyen pour améliorer la capacité d’intervention d’un tel avion, c’est de le doter d’un armement type « stand-off ». Ces munitions tirées à grande distance des objectifs permettent d’éviter les concentrations de missiles sol-air ou de canons antiaériens qui assurent la protection rapprochée des objectifs importants tout en augmentant la distance d’intervention. Le missile ASMP (Air-sol moyenne portée), développé par l’Aérospatiale, qui équipe le Mirage IVP et sera associé au Mirage 2000N à compter de 1988, appartient à ce type de munition.
Un biplace
L’avion de pénétration est une machine extrêmement performante mais très complexe. Malgré l’importante intégration de ses systèmes et un fonctionnement automatique d’un grand nombre de matériels embarqués, la charge de travail imposée est très lourde compte tenu de l’environnement particulièrement hostile dans lequel il est amené à évoluer. C’est pourquoi, si l’on désire obtenir l’efficacité maximale d’un tel système d’arme, la présence de 2 personnes à bord est indispensable.
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Les industries qui se sont développées autour de l’aéronautique militaire connaissent une activité intense dans le monde. Études, développements et réalisations abondent dans le domaine des avions, de leurs équipements et de leurs armements. Elles traduisent la pérennité de l’intérêt opérationnel de l’aviation de combat et l’importance de sa place dans les forces armées modernes.
En dépit des progrès indéniables accomplis en matière de défense aérienne, l’avion de pénétration conserve une très bonne aptitude à atteindre ses objectifs grâce aux apports technologiques qui le rendent de plus en plus discret et qui autorisent des manœuvres de guerre électronique de plus en plus efficaces.
Disposant simultanément de la vitesse, du rayon d’action, de la puissance et de la diversité dans l’armement classique ou nucléaire, de l’aptitude à repérer un objectif, même mobile, avec une extrême précision, de la possibilité de contrôle durant toute la mission, d’une souplesse d’emploi incomparable, le vecteur aérien piloté de pénétration reste un moyen fondamental de notre défense.