Afrique - Maghreb : les difficiles regroupements
La situation intérieure de chaque État affecte, de façon visible, la sérénité des relations entre les pays du Maghreb, en ce sens qu’elle oblige les gouvernements, d’un côté, à radicaliser, plus qu’ils ne le voudraient peut-être, les positions qu’ils ont adoptées à l’occasion des crises antérieures, de l’autre, à se montrer plus conciliants à l’égard des pouvoirs étrangers qui peuvent avoir une influence sur leurs opinions publiques, plutôt qu’envers ceux vers lesquels devrait les conduire une saine analyse des conditions diplomatiques. Bien entendu, la situation intérieure de ces États est conditionnée en grande partie par la crise économique qu’ils traversent pour la plupart, crise qui, elle-même, provient de la chute des cours du pétrole et des limitations imposées par la conjoncture à l’extraction de ce produit ; ces difficultés sont aussi accentuées parfois par les erreurs d’un dirigisme trop dogmatique. Les points de fixation que sont, par exemple, le problème palestinien et celui des Sahraouis prennent plus ou moins d’importance, dans les relations intermaghrébines, selon que la situation intérieure d’un ou de plusieurs de ces États oblige leurs dirigeants à chercher des palliatifs en « ressortant » les principes qu’ils estiment honorés par la majorité de leurs peuples. C’est une façon comme une autre d’adapter l’esprit démocratique à des pays où les consultations électorales ont rarement valeur de test.
L’Algérie traverse une crise économique suffisamment grave pour que le président Chadli ait remis en cause, en termes voilés il est vrai, l’efficacité du capitalisme d’État, lors de la réunion d’octobre 1986 du secrétariat permanent du comité central de son parti. Transformer l’État en principal employeur et en fournisseur presque exclusif des investissements industriels n’a jamais été la doctrine du Front de libération national (FLN) qui se voulait plus largement socialiste, mais cela fut rendu nécessaire, après l’indépendance, par l’obligation de fonder l’État, pour souder la nation, à partir des débris d’une organisation territoriale et économique dont les nerfs aboutissaient en France et non dans la capitale algérienne. Lors de cette réunion, le président Chadli assortit ces observations critiques d’une remarque de politique étrangère ; elle concernait la rencontre de M. Shimon Pères, Premier ministre d’Israël, et du roi du Maroc Hassan II à Ifrane (Maroc). Cette rencontre ne saurait avoir d’autre résultat, selon lui, que d’intensifier la mésentente entre les États du Maghreb. M. Chadli semblait vouloir indiquer, par ses propos, que la réunion d’Ifrane aurait pour conséquence d’empêcher que le problème du Sahara occidental fût résolu par la négociation, la population sahraouie se montrant plus sensible aux intérêts supérieurs de la nation arabe qu’au retour à la paix sur son propre territoire.
L’argumentation, dite ou suggérée par le président Chadli, illustre notre propos antérieur. L’obligation de rejoindre le sentiment populaire sur un problème de politique intérieure (dans le cas particulier la libération de l’économie voulue par la population) s’accompagne d’un raidissement, ou d’une affectation de raidissement, en politique étrangère, ne serait-ce que pour donner une compensation, au moins verbale, à la fraction la plus radicale de l’opinion.
Il reste 76 % de l'article à lire