Israël et les territoires occupés, la confrontation silencieuse
La colonisation israélienne des territoires occupés de Cisjordanie et de Gaza bloque toutes les possibles solutions du problème palestinien. Le président Reagan, en fonction de son plan du 1er septembre 1982, avait demandé qu’elle soit interrompue ; Israël n’a tenu aucun compte de ce vœu et continue de consacrer une bonne part de l’aide américaine au financement de ces implantations nouvelles.
Excellent connaisseur des problèmes du Proche-Orient, et juriste confirmé, Jean-Paul Chagnollaud démontre que la colonisation des territoires palestiniens occupés, illégitime en droit, politiquement stérile et même désastreuse, est moralement déplorable : elle entraîne, en effet, les actions les plus arbitraires, d’abord au détriment des biens, et ensuite à rencontre des personnes qui s’élèvent contre ces spoliations. Accordant à la sécurité une priorité absolue, l’Administration israélienne justifie de la sorte toute implantation issue, en territoire occupé, d’une exigence de l’autorité militaire. Il est donc tout à fait exceptionnel que la Cour suprême d’Israël, lorsqu’elle est saisie au nom du droit international, puisse annuler une réquisition ; le fait est cependant advenu en 1979, mais les espoirs ainsi suscités chez les Palestiniens ont été déçus, car l’implantation en question a seulement été déplacée de quelques kilomètres (p. 115-124). Une nouvelle définition des terres dites « domaniales » permet désormais aux autorités israéliennes d’éviter toute objection juridique (p. 127-129). Et l’élimination, par la violence, des hommes qui incarnent « la volonté d’exister malgré tout » animant le peuple palestinien, apparaît d’ailleurs, à certains des colonisateurs, comme « un acte nécessaire » (p. 112).
Assorties, lors de leur création, de déplorables violences, ces implantations constituent, en territoire d’occupation israélienne, de redoutables obstacles concrets sur la voie de la paix. À propos de la « zone annexée » de Jérusalem, de peuplement israélien nouveau particulièrement dense, Jean-Paul Chagnollaud écrit : « Dans les années qui viennent, si le processus en cours se poursuit, cette zone peut constituer une énorme emprise israélienne du point de vue physique, démographique, économique et politique. D’ici à 1990, on peut même imaginer qu’elle aura produit un vaste réseau d’intérêts multiples capable de verrouiller efficacement des tentatives politiques du règlement pacifique du conflit israélo-palestinien » (p. 65) ; en effet, un nombre considérable d’électeurs israéliens se seront établis dans cette zone. « Quand on s’approprie la terre et l’eau d’un peuple, que peut-il lui rester à long terme ? » demande Jean-Paul Chagnollaud, qui prévoit qu’une telle situation, si elle se prolonge, « ne manquera pas d’opposer encore davantage les Israéliens et les Palestiniens, (…) de nourrir les positions les plus extrémistes et donc d’engendrer de part et d’autre des actions de plus en plus violentes qui pourraient conduire au pire » (p. 167).
L’auteur souhaite que, tout au contraire, s’établisse, entre « les forces de paix » des deux camps, soutenues par la communauté internationale, « un dialogue authentique et fécond ». Son ouvrage devrait y contribuer : à la fois éloquent, et muni d’un précieux appareil documentaire, il éclairera en effet très utilement, sur un des aspects trop rarement évoqués des problèmes orientaux, une opinion française souvent mal pourvue des nécessaires moyens d’information et de réflexion.