Le Nigeria, sous un régime militaire et technocratique, paraît avoir retrouvé son équilibre intérieur. Les régions Nord et Est ayant été morcelées, le pouvoir fédéral renforce encore son autorité par une utilisation judicieuse des revenus du pétrole et la mise en place progressive d’un capitalisme d’État. Simultanément, le général Gowon, nouveau président en exercice de l’Organisation de l'unité africaine (OUA), prend la tête d’un mouvement de décolonisation intégrale et pacifique du continent, mouvement qui, dans son esprit, devrait y entraîner des regroupements régionaux mieux équilibrés. L’auteur, spécialiste des problèmes africains, a suivi l’évolution du Nigeria depuis 1945. Il s’est attaché à montrer, à travers les diverses mutations de ce pays, l’originalité de la personnalité nigériane, si différente de celle des États francophones qui l’entourent.
Le Nigeria, grande puissance africaine
Le Nigeria compte parmi les pays africains les moins connus en France. Il fut longtemps considéré comme une des enclaves qui rompaient l’immensité des Afrique Occidentale et Équatoriale dont nous avions la charge. Après la dislocation de l’A.O.F. et de l’A.E.F., rangé dans les survivances de la colonisation, il devint une sorte de « colosse », formé de trois parties hétérogènes dont l’éclatement était inévitable. Depuis l’échec de la sécession biafraise, de nombreux observateurs, constatant que le général Gowon renforce son autorité et joue un rôle grandissant sur la scène africaine, craignent que le Nigeria ne représente une menace pour l’existence de ses voisins : un pays déjà bien pourvu, qui chercherait par des manœuvres adroites à monopoliser les investissements industriels afin de devenir le centre de regroupement et le tuteur des territoires plus déshérités qui l’entourent.
Ces trois jugements à l’emporte-pièce résistent mal à l’analyse de la réalité. Le Nigeria a toujours bénéficié d’un potentiel économique et humain plus important que celui de ses voisins (1) ; le système fédéral sur lequel reposent ses institutions n’est pas parfait mais il est capable de survivre aux tensions centrifuges à la condition que le pouvoir central demeure un distributeur de richesse : l’activité diplomatique que son gouvernement paraît déployer depuis quelques mois provient moins d’une volonté d’expansion encore prématurée que de la crainte de se sentir entouré de pays adoptant à son égard une politique commune et pouvant profiter de ses faiblesses internes pour le paralyser.
En réalité, les pays francophones de l’Ouest africain et le Nigeria se connaissent mal : les élites sont formées de part et d’autre sur des bases différentes, les structures des économies n’appartiennent pas à la même tradition et ne répondent pas aux mêmes nécessités.
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