Défense dans le monde - Sahara occidental. Sixième « mur » de défense marocain : vers une modification de l'équilibre régional au Maghreb ?
La construction du sixième « mur » de défense marocain (550 kilomètres) dans l’ex-Rio de Oro constitue un indéniable succès pour le roi Hassan II, une défaite pour le Polisario, une source d’inquiétude pour la Mauritanie et, dans une moindre mesure, pour l’Algérie.
Nota. Les flèches n’indiquent pas des itinéraires mais les zones de présence des unités de l’ALPS.
Décidée en fin de l’année 1986, la construction de cette nouvelle ligne de défense a débuté vers la mi-février pour s’achever deux mois plus tard, à Guerguerat sur la côte atlantique. Ce mur longe sur près de deux cents kilomètres la frontière mauritanienne dont il n’est distant que de deux kilomètres. L’entreprise, menée au rythme quotidien de 10 kilomètres, montre la maîtrise acquise par les Marocains dans les domaines de la planification, de la préparation puis de l’exécution des travaux. La « zone sécurisée », selon l’expression marocaine, couvre maintenant environ les deux tiers de l’ex-Sahara occidental et la totalité de son littoral atlantique, dans une région riche en ressources halieutiques.
Le Polisario se trouve ainsi privé de son moyen d’action le plus spectaculaire : l’attaque des navires de pêche et de plaisance. Sur terre, les unités de l’ALPS (1) ont dû évacuer la zone occupée par les forces marocaines et les attaques lancées dans la Seguiet el Hamra n’ont pas eu d’incidence significative sur le déroulement des travaux. Fort de ce constat, le roi Hassan II pourrait chercher maintenant à s’assurer du contrôle de la totalité du Sahara occidental, réalisant ainsi le dessein de son règne qu’un référendum viendrait consacrer aux yeux du monde.
Pour le Polisario, privé de ses zones refuges habituelles, désormais la tentation est grande d’utiliser la Mauritanie comme zone de transit et base de repli, avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter pour Nouakchott : exercice du droit de poursuite par les forces marocaines, représailles éventuelles exercées sur les installations minières de Zouerate ou sur le chemin de fer minéralier reliant cette localité à Nouadhibou. Cette perspective explique l’inquiétude grandissante de Nouakchott de voir son territoire devenir le champ de bataille des deux protagonistes ; les forces mauritaniennes (2) sont en effet insuffisantes pour faire respecter l’intégrité de leur territoire. Le gouvernement mauritanien va donc s’efforcer de convaincre le Polisario d’appliquer à la lettre le Traité du 5 août 1979 (3) et de concentrer son effort militaire dans la Seguiet el Hamra.
Depuis 1979 et jusqu’à présent, les différents gouvernements mauritaniens se sont évertués à entretenir des relations équilibrées avec le Maroc et l’Algérie. Cette politique de neutralité a peut-être atteint ses limites. La visite, le 26 avril 1987, du président Chadli Benjedid à Nouadhibou montre que la construction du sixième mur est, pour les dirigeants algériens, un sujet de préoccupation.
L’Algérie soutient le Polisario depuis sa création et accueille les tribus sahraouies sur son sol, au sud de Tindouf. L’incapacité des combattants sahraouis à conserver leur territoire constitue pour Alger un échec qui risque de remettre en cause les succès diplomatiques précédemment obtenus et qui ont abouti à la reconnaissance de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) par 69 États (4). Enfin, l’Algérie peut craindre de voir les liens tissés avec la Mauritanie se distendre sous la pression marocaine, malgré le Traité de fraternité et de concorde qui lie les deux États depuis décembre 1983.
Ainsi la construction du sixième mur ne représente pas seulement une péripétie du conflit du Sahara occidental, mais ne va pas manquer de modifier considérablement les relations entre les États de la région.
(1) ALPS : Armée de libération populaire sahraouie, organisation militaire du Front Polisario. Environ 4 000 hommes, 50 à 60 blindés moyens et légers.
(2) 10 000 hommes ; un groupement blindé (AML, automitrailleuse légère) ; quelques avions de reconnaissance et d’appui léger. Les nombres mentionnés sur la carte correspondent aux forces engagées face au Nord. De même, les nombres mentionnés pour les Forces armées royales (FAR) correspondent à celles engagées dans la défense du mur.
(3) Traité signé entre la Mauritanie et le Polisario : chacune des deux parties renonce à toute visée sur le territoire de l’autre.
(4) Cependant, aucun État européen à l’exception de la Yougoslavie n’a reconnu la RASD.