Revue des revues
• Dans son numéro de printemps 1987, la revue américaine Foreign Affairs célèbre le quarantième anniversaire de la parution d’un article signé X par lequel le diplomate George Kennan donnait un cadre intellectuel à la politique dite de containment (ou Doctrine Truman) et la faisait connaître à l’opinion publique. En fait, cet article publié en juillet 1947 couronnait une série d’événements, en mars le discours de Truman prenant en charge le soutien de la Grèce et de la Turquie, en juin le discours prononcé à Harvard par Marshall où il annonçait le plan qui porte son nom.
Cet article de George Kennan sur l’Union soviétique est reproduit in extenso dans le numéro de 1987. Il est très intéressant de le relire maintenant, à l’ère Gorbatchev. L’auteur décrit l’URSS de Staline comme le produit d’une idéologie et de circonstances. Les hommes du Kremlin sont absorbés par leur lutte pour conserver le pouvoir. Pour eux, l’opposition ne peut venir que de l’extérieur, ce qui justifie leur dictature. Tout accord entre capitalisme et socialisme ne peut être qu’une manœuvre tactique, mais rien ne presse, la chute du capitalisme étant inévitable. Le Kremlin peut se permettre une retraite devant des forces supérieures, l’important pour lui étant de maintenir une pression constante. Si le monde occidental arrive à contenir la puissance soviétique pendant dix ou quinze ans, celle-ci évoluera surtout après un changement de génération et, dans le reste du monde, les objectifs du communisme paraîtront stériles. Le rôle des États-Unis doit être d’imposer à l’URSS une modération et une circonspection dont elle n’a pas encore fait preuve, par une politique « qui contienne fermement les Russes en les confrontant à une force de riposte (counterforce) en chaque point où ils montrent leur volonté d’empiétement sur les intérêts d’un monde pacifique et stable ».
Walter Lippmann, critique bien connu à l’époque, a violemment pris le contre-pied de cette thèse dans une série d’articles publiés dans le New York Herald Tribune, et dont Foreign Affairs reproduit l’essentiel. Tout en étant d’accord sur le fait de l’opposition entre URSS et États-Unis, il déclare que la conception stratégique de M. X est fondamentalement malsaine. Pour lui, c’est prendre ses désirs pour des réalités que de supposer que l’Union soviétique ira vers son déclin sous le poids de ses faiblesses internes. Il s’agit d’un rival, non d’un partenaire. Tenir dix ou quinze ans en réagissant « en des points géographiques et politiques modifiés constamment selon les changements et les manœuvres de la politique soviétique » serait laisser l’initiative à Moscou sans aucune marge de sécurité. Ce que préconise M. X n’est pas adapté aux régimes politiques des pays occidentaux, en particulier à la Constitution américaine et au système économique des États-Unis.
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