Aéronautique - L'armement antiradar
En cas de conflit en Europe, le potentiel aérien des forces du Pacte de Varsovie ferait peser un grave danger sur les installations nationales et la manœuvre des troupes au sol. Aussi, pour faciliter l’action de la défense aérienne, est-il indispensable de mener des actions de contre-offensive dans la profondeur afin de neutraliser les forces aériennes ennemies au sol.
La densité des moyens de détection et de défense mis en œuvre par l’ennemi est telle que le succès d’une mission offensive au-delà du corps de bataille dépend non seulement des performances de l’avion et de son armement, mais surtout de ses capacités de survie face à toutes ces menaces.
Les différentes menaces
Au cours d’une mission offensive en ZSA (zone satellite avancée), un raid de chasseurs bombardiers serait confronté à deux types de menaces : les avions de défense aérienne adverses et les défenses sol-air très denses, au niveau du corps de bataille et des objectifs à détruire.
L’apparition d’intercepteurs performants (MiG-29) possédant des capacités de détection et de tir vers le bas et la mise en œuvre de systèmes de détection aéroportés (Mainstay) augmentent la vulnérabilité de nos avions d’assaut. Cette menace peut être en partie déjouée par l’adoption de tactiques adaptées et la mise en place d’escortes composées d’intercepteurs performants travaillant en étroite collaboration avec les Systèmes de détection aéroportés (SDA) alliés.
La menace la plus importante est, actuellement, constituée par les systèmes de défense sol-air ennemis. Sur le champ de bataille, la densité des radars d’acquisition et de tir, leur modernisation, l’adjonction de systèmes optiques ou infrarouges et de systèmes de transmissions de données augmentent la probabilité de destruction des raids amis.
Autour des points sensibles, l’évolution des systèmes de défense, par l’intégration des différents moyens d’acquisition qui permettent une veille alternée et aléatoire des systèmes de détection, une redondance des informations et une plus grande discrétion, rend très difficile la connaissance de la position et de la fréquence des radars à détruire. La redondance des sites, leur mobilité et leur dispersion augmentent donc leur sécurité de fonctionnement et rendent aléatoire toute action visant à les détruire par des moyens classiques.
Les moyens pour se protéger
Compte tenu du nombre limité d’avions disponibles, la résistance à l’attrition est un élément primordial dans la conduite des opérations.
Sur le théâtre Centre-Europe, la survie du vecteur requiert une capacité tous temps, l’emport d’armement stand-off et des moyens de guerre électronique efficaces : système de suivi automatique de terrain et évitement d’obstacle ; armements à guidage autonome tirés à distance de sécurité ; systèmes de brouillage (contre-mesures d’autoprotection, brouillage à l’aide de nuages de paillettes, brouillage offensif des émissions radars).
Les Contres mesures électroniques (CME) d’autoprotection couplées à un détecteur de menace permettent de contrer certaines conduites de tir et missiles sol-air. Le brouillage offensif, en théorie très efficace, requiert des moyens spécialisés très coûteux ; leur nombre reste donc limité. Enfin, la mise en place de paillettes est une opération délicate qui nécessite la connaissance précise des vents et le survol de la zone à traiter.
Si l’emploi combiné et judicieux de ces moyens augmente déjà de manière appréciable la sécurité des vecteurs, il n’en demeure pas moins que l’utilisation des systèmes spécialisés, adaptés à l’attaque des systèmes sol-air de l’ennemi, diminuerait de façon considérable la vulnérabilité de nos moyens offensifs.
Comment les détruire
L’utilisation de missiles antiradar tirés à distance de sécurité des objectifs permet la création de couloirs de pénétration à moindre risque sur le corps de bataille et d’axes privilégiés pour l’attaque des objectifs. Précédant les raids offensifs et équipé de moyens d’autodéfense et d’autoprotection, l’avion antiradar augmente donc la sécurité des chasseurs bombardiers et concourt de façon efficace à la réussite de la mission.
La force aérienne tactique (Fatac) dispose d’une escadre de chasse (45 avions) équipée du missile antiradar Martel, développé en coopération franco-britannique dans les années 1965-1970 ; l’Armée de l’air a commandé un Autodirecteur amélioré (Adam) opérationnel en unité depuis 1986. Ce missile relativement important (masse 500 kilogrammes, charge militaire 120 kg), supersonique, se dirige de façon autonome sur l’objectif grâce à l’émission du radar à détruire. Il peut être tiré entre 30 et 150 km en fonction de l’altitude et de la vitesse de l’avion tireur.
L’autodirecteur d’une grande sensibilité permet l’accrochage à des distances supérieures à la limite de détection du radar cible. Grâce à une bonne protection contre les coupures momentanées d’émission de la cible et des capacités de discrimination des radars « parasites » et des leurres, le missile Martel est parfaitement adapté aux objectifs actuels. Le tir impose cependant la connaissance de la fréquence de la cible ou de sa position. Ces données essentielles, compte tenu de la mobilité des systèmes, nécessitent des moyens de reconnaissance permettant la prise en compte de la menace en temps réel (satellites, avions de reconnaissance, moyens Elint, Remotely Piloted Vehicle [RPV], drones…).
Les tirs constructeurs (essais de validation) et ceux effectués au sein des unités de l’Armée de l’air ont démontré la fiabilité et l’efficacité de ce missile. Plus récemment, ses capacités ont été testées « en vraie grandeur » à l’occasion d’un raid de représailles de l’aviation française au Tchad contre les radars de Ouaddi-Doum.
L’avenir
L’environnement électromagnétique du théâtre européen ne cesse d’évoluer et toute mission offensive dans la profondeur exige des moyens spécifiques pour détruire les moyens sol-air de l’ennemi. L’avion antiradar futur nécessite donc des équipements adaptés qui permettent la détection et l’analyse des émissions radar ainsi que leur localisation, et des missiles très performants à guidage inertiel (contre les coupures d’émission) et dotés d’autodirecteur passif (discrétion électromagnétique).
À la suite d’une demande de l’Armée de l’air, deux sociétés françaises poursuivent des études sur un missile (Matra-Mécanique Aviation Traction) et un autodirecteur (ESD) dont les caractéristiques répondent parfaitement aux exigences opérationnelles de la prochaine décennie. Équipant des avions du type Mirage 2000 ou ACT (Avion de combat tactique) et associé à une nacelle Astac (Analyseur superhétérodyne tactique), un tel système permettra : la destruction de cibles dont la position est connue (mission préparée) ; le tir sur des objectifs d’opportunité ; la protection du porteur contre tout accrochage de système sol-air (mission d’autodéfense).
Conclusion
La réussite d’une mission offensive nécessite non seulement des vecteurs tous temps, fortement protégés (CME), équipés d’armements modernes et adaptés aux objectifs, mais aussi l’utilisation d’avions spécialisés dans l’attaque des moyens électromagnétiques adverses.
Équipé de missiles très performants, doté de CME d’autoprotection et bénéficiant du concours du SDA, l’avion antiradar est capable d’acquérir et de détruire les défenses sol-air ennemies : il augmente ainsi la sécurité de nos avions d’assaut et participe directement au succès de la mission.