Armée de terre - Trois siècles d'histoire de l'Armée de terre
De juin à novembre 1988 le Service historique de l’Armée de terre (SHAT) présente au public « Trois siècles d’histoire à travers les archives de l’Armée de terre ». Organisée dans le cadre prestigieux du Château de Vincennes, l’exposition se déroulera dans les appartements royaux du pavillon du roi qui seront à cette occasion, et pour la première fois, ouverts au public.
L’exposition : mémoire et armée
Le thème retenu pour cette manifestation est volontairement étendu. Il s’agit en premier lieu de retracer l’histoire de l’Armée de terre à travers les archives prises au sens large, c’est-à-dire :
• Les peintures et dessins d’artistes renommés comme Van der Meulen ou moins connus comme Trinquier, qui tantôt servent à glorifier le prince, tantôt sont réalisés dans le but de servir à l’enseignement de l’art de la guerre dans les écoles et les états-majors et auxquels la photographie s’est, depuis, substituée.
• Les cartes et plans des ingénieurs-géographes et des officiers d’état-major ; dressés en prévision d’une organisation défensive du terrain ou dans la perspective d’une campagne de l’attaque d’une place, ils constituent un fidèle témoignage de l’aménagement et de la vie d’une région ou d’une ville à une époque donnée.
• Les documents, livres et maquettes des anciens dépôts, des fortifications et de l’artillerie qui, non seulement retracent l’histoire de l’attaque et de la défense des places fortes depuis la fin du Moyen-Âge, mais encore constituent une source incomparable pour l’étude de l’urbanisme. Pour illustrer plus particulièrement cet aspect, le public pourra admirer un plan-relief de la ville d’Antibes exécuté en 1754, par Nézot. Cette maquette appartient à l’importante collection des plans-reliefs constituée entre 1669 et 1861, à l’initiative de Louvois (1668). À l’origine elle était destinée à fournir au roi et à ses chefs militaires une documentation exacte sur les places fortes françaises et étrangères, vocation qu’elle aura jusqu’en 1870. Installée d’abord aux Tuileries, puis dans la Grande Galerie du Louvre, elle fut transférée aux Invalides en 1777. À la révolution, elle devint propriété nationale et fut rattachée, successivement, en 1793, au comité des fortifications du corps du génie, en 1886, au service géographique de l’armée et en 1944, au service des monuments historiques. Antibes constitue l’exemple type d’une ville très ancienne (origine gallo-grecque) remodelée à diverses époques et qui a tout récemment fait l’objet d’un projet d’insertion de l’urbanisme moderne.
• Les rapports, correspondances officielles et privées qui donnent toute leur signification à un événement, comme la bataille d’Austerlitz (1805) ou la signature de l’armistice de 1918, les dossiers administratifs des personnels qui permettent la connaissance de la société militaire.
• Les ouvrages de la riche bibliothèque du ministère de la Guerre (60 000 volumes) où l’on trouve des livres remontant à la fin du Moyen-Âge.
• La symbolique militaire enfin qui regroupe les emblèmes et les insignes grâce auxquels on peut reconstituer l’histoire des unités.
Le second objectif de cette exposition est de montrer comment l’Armée de terre gère ses archives et l’utilisation qui peut en être faite dans les domaines de la recherche de l’histoire non pas seulement militaire mais aussi politique, économique et sociale, de la géographie tant humaine que physique, de l’archéologie et des beaux-arts ; la liste n’est pas limitative.
C’est pourquoi la manifestation vise un très large public, tout en insistant plus particulièrement sur trois catégories de visiteurs : les scolaires des classes de seconde des lycées qui ont à leur programme la méthodologie de l’histoire et de la géographie, en particulier celle de la cartographie ; les archivistes français et étrangers qui vont tenir leur prochain congrès international en août 1988 à Paris ; les Parisiens qui pourront admirer sur plus de 30 mètres carrés les 3 cartes des chasses du roi effectuées pour le roi Louis XV par le lieutenant-colonel Berthier, père du maréchal, sur ordre de Choiseul. Ces cartes reproduisent l’image fidèle de l’Ile-de-France, de Rambouillet à Vincennes et des méandres de la Seine à Montlhéry dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elles n’avaient jamais pu être présentées au public jusqu’alors et le seront désormais dans le cadre prestigieux des salons royaux.
Cette exposition permettra en effet à tous les visiteurs de découvrir les appartements restaurés du pavillon du roi. L’actuel bâtiment qui s’élève sur la partie sud de l’enceinte de Charles V édifiée au XIVe siècle, fut construit par Le Vau en 1654 à la demande de Mazarin. Le roi Louis XIV et la jeune reine Marie-Thérèse s’y établirent quelques années entre 1660 et leur installation à Versailles ; si l’on excepte un séjour ici du petit Louis XV en 1715, les rois dédaignèrent ensuite Vincennes pour d’autres résidences. Les appartements du couple royal où subsistent quelques décorations d’origine dues aux meilleurs artistes du Grand Siècle, Simon Vouet et Michel Dorigny, ont beaucoup souffert des injures du temps et des hommes jusqu’en 1944. Les travaux de réfection, entrepris en 1965 par le ministre de la Culture André Malraux, se poursuivent de nos jours. Cette exposition entre dans le cadre de la mise en valeur du Château de Vincennes actuellement à l’étude entre les ministères de la Culture et de la Défense.
La présentation de l’exposition s’effectue en collaboration avec le Musée de l’Armée et les musées nationaux du Louvre et de Versailles, avec l’Institut géographique national et la section géographique militaire. En effet, en raison d’événements passés et des nombreuses réorganisations, un certain nombre d’œuvres des anciennes collections du dépôt de la guerre sont conservées maintenant au sein de ces divers organismes. Ainsi seront regroupés pendant près de six mois plusieurs centaines d’œuvres d’art, d’archives et d’objets. Il sera également proposé au public une animation audiovisuelle sur le Château de Vincennes et les différentes institutions organisatrices de cette manifestation, en particulier le Service historique de l’Armée de terre.
Le Service historique de l’Armée de terre
Il est l’héritier direct du plus ancien dépôt d’archives de France : le dépôt de la guerre. Dès 1637, le cardinal de Richelieu avait prescrit à son secrétaire d’État à la Guerre Sublet de Noyers de faire « des copies de toutes instructions, ordres, dépêches qu’il avait envoyés qui peuvent servir de mémoire pour l’histoire ». Et en 1688, Louvois créa le premier fonds d’archives militaires qui devint le dépôt de la guerre. 1988 est donc le 300e anniversaire de la fondation du service d’archives militaires.
La naissance de l’actuel service historique date de 1919 et son installation dans le Château de Vincennes de 1948. Il faut noter que seuls les ministères de la Défense et des Affaires étrangères sont habilités à gérer leurs propres archives. Les autres ministères et administrations doivent verser les leurs aux archives de France.
Aujourd’hui, l’ensemble des activités du SHAT se répartit sur cinq missions principales :
– gestion et communication des archives : suivant la loi du 3 janvier 1979 les archives sont ouvertes au public 30 ans après la parution. Cependant, pour les documents intéressant la défense nationale, la sûreté de l’État et ceux qui mettent en cause la vie privée, ce délai est porté à 60 ans ;
– études et documentation sur l’Armée de terre : chargée d’exploiter les archives, la division étudie des ouvrages ou des articles, participe aux colloques nationaux ou internationaux d’histoire et répond aux demandes du ministre ou du chef d’état-major. Le centre de documentation, chargé de répondre aux demandes de renseignements dispose de 500 000 volumes consacrés à l’histoire, et d’une collection impressionnante de périodiques ;
– coordination de l’enseignement de l’histoire militaire dans les écoles de l’Armée de terre ;
– mission de recherches administratives : afin de déterminer les droits des combattants et délivrer les attestations d’états de services militaires ;
– symbolique et traditions : le service a la charge de la conservation et de la restauration des drapeaux et étendards, de la garde des drapeaux des régiments dissous, de l’homologation des insignes des unités et de la conservation des collections du ministère. Le musée de l’insigne, inauguré en 1980, présente une collection unique de 8 500 pièces.
Pour faire face à ces différentes missions, le SHAT est articulé en un certain nombre de sections : recherches administratives, administration, archives, documentation, études, publications. Aux ordres d’un officier général, assisté d’un conservateur en chef, il dispose d’un effectif de 146 personnels civils et militaires : conservateurs, archivistes paléographes, diplômés universitaires d’histoire.♦