Notre siècle, 1918-1988
Cet ouvrage est le sixième tome d’une Histoire de France publiée sous la direction de Jean Favier. Il n’est point besoin de présenter son auteur principal, professeur émérite à l’Université Paris X, président de la Fondation nationale des sciences politiques, ancien membre du conseil d’administration de la revue Défense Nationale. Il a eu pour collaborateur Jean-François Sirinelli qui a rédigé deux chapitres sur la culture et celui sur la cohabitation.
Un livre de plus de mille pages qui n’est pas un dictionnaire a un aspect dissuasif. Le lecteur aurait le plus grand tort de se laisser arrêter par cet aspect extérieur, car M. René Rémond nous décrit d’une manière passionnante soixante-dix ans chargés d’événements graves, de changements nombreux et importants dans nos modes de vie et de pensée. En même temps, il constate une continuité qui explique bien des choses du temps présent et les mentalités des différentes parties de notre opinion. Il en ressort qu’il n’y a pas « de réalités aussi capables de défier les siècles et de résister à l’adversité que la communauté fondée sur l’appartenance à une nation forgée par l’histoire ».
Personne ne s’étonnera de voir M. René Rémond abondamment utiliser les nombreux scrutins qui jalonnent cette époque. Il se demande s’il n’a pas fait trop grand cas de l’acte électoral, mais « les citoyens eux-mêmes y attachent du prix… La plupart des Français ont conscience que les élections affectent leur existence et leur activité professionnelle ». L’ouvrage comporte cependant beaucoup plus. On y trouve toute notre vie, avec une difficulté majeure : tous les moments de cette période ont encore des témoins d’autant plus nombreux que ces moments sont proches. Parmi ces témoins, il y a eu des acteurs, à des rangs plus ou moins modestes. Certains d’entre eux, comme les officiers de ma génération, risquent de réagir assez vivement à quelques affirmations sur leur rôle en Indochine et en Algérie. Des données mériteraient pourtant vérification, comme le nombre des morts à Madagascar en 1947. Je regrette personnellement que le rôle et même l’existence des classes moyennes soient un peu passés sous silence ; elles ont eu leur importance et leur mode de vie a considérablement évolué ; elles ont payé un lourd tribut aux deux guerres mondiales. Il est vrai que l’on ne peut pas tout dire dans un exercice de ce genre.
M. René Rémond s’était fixé pour but de « substituer aux préjugés et aux légendes une représentation plus conforme à la réalité ». Il ajoute : « Mais l’objectivité n’est ni indifférence aux hommes ni neutralité à l’égard des décisions et des comportements ». C’est dans cette double perspective que nous devons apprécier son œuvre où il a sciemment pris des risques importants, avec beaucoup d’honnêteté et de courage, avec le talent que nous lui connaissons. ♦