Revue des revues
• Dissuasion élargie et escalade nucléaire en Europe. Armed Forces and Society, organe officiel du séminaire interuniversités fondé par Morris Janowitz, publie dans son numéro d’automne 1988 un article de Stephen J. Cimbala, de l’Université de l’État de Pennsylvanie, sur l’extension à l’Europe de la dissuasion américaine. Pour l’auteur, il s’agit d’un problème difficile que les événements récents n’ont guère clarifié.
Pour cet auteur, il existe deux logiques dissuasives. La première repose sur un équilibre des forces, l’autre sur le risque partagé où le plus faible a les moyens de dissuader le plus fort s’il peut lui causer des dommages inacceptables. Dans ce dernier cas, la guerre ne peut survenir que si l’un des protagonistes est poussé au désespoir. Pour l’Europe, la logique de l’équilibre exige qu’il existe à tous les niveaux, celle du risque partagé reposant sur l’incertitude qui règne dans l’esprit des Soviétiques sur ce qui se passerait si les forces américaines en Europe étaient engagées au niveau classique. En fait, sur ce théâtre, classique et nucléaire sont étroitement liés et un agresseur est toujours obligé d’envisager la possibilité d’une escalade.
Stephen J. Cimbala étudie d’abord la soi-disant dissuasion classique où l’on verrait un attaquant potentiel renoncer à son projet s’il ne peut obtenir un succès rapide et serait acculé à une guerre d’usure. En pratique, l’Otan n’aurait guère le temps de mobiliser et il se poserait très vite le problème de l’emploi en premier de l’arme nucléaire, mais aurait-on intérêt à l’escalade ? Pour beaucoup d’Européens, la différence est faible entre une guerre nucléaire et une guerre classique : les deux ruineraient l’Europe en quelques semaines. Les principaux alliés européens en reviennent à la logique du risque partagé pour expliquer l’importance d’une escalade ou d’une « intrawar deterrence ». Celle-ci peut être interprétée de façon différente à l’Est et à l’Ouest et il en est de même de la « stratégie maritime » de l’amiral James D. Watkins (chef des opérations navales de 1982 à 1986 (1) qui pense terminer la guerre grâce à la destruction progressive des sous-marins stratégiques des Soviétiques, ce qui changerait l’équilibre des forces nucléaires. Il semble surtout que la marine de 600 navires doit servir à refouler l’influence communiste partout dans le monde, peut-être au détriment de l’Europe.
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