Défense dans le monde - La surveillance de l'Espace
Depuis qu’un objet a été placé à demeure dans l’Espace, on s’est préoccupé de le suivre. Les radioamateurs qui ont cherché à entendre le « Bip-Bip » du 1er Spoutnik (1957) ont posé la première pierre de cet édifice. Mais il restait beaucoup à faire, jusqu’au pas essentiel franchi par les Américains et les Soviétiques : non pas seulement suivre un ou plusieurs objets dans l’Espace, mais bien détecter tous les objets en orbite, en décelant rapidement tous les nouveaux arrivants.
Les motivations ne manquent pourtant pas. Tout d’abord, du simple point de vue de la « sécurité spatiale », entendue comme le prolongement de la sécurité aérienne, avec un but : éviter les collisions. À l’heure où les satellites coûtent des milliards, où certains sont habités, où les orbites sont de plus en plus encombrées, il devient nécessaire de connaître la trajectoire des corps spatiaux supérieurs avec assez de précision pour permettre à un ordinateur de calculer les interférences possibles. Sur ce plan, une détection de plus en plus fine est nécessaire, que l’on ne sait d’ailleurs pas atteindre actuellement, et que l’on n’atteindra sans doute jamais : même les petits fragments de peinture, aux vitesses de satellisation, et en l’absence de freinage atmosphérique, deviennent de redoutables projectiles.
Sur le plan militaire, deux objectifs sont visés : tout d’abord la détection des lancements d’ICBM (Missile balistique intercontinental) adverses. Elle est vitale pour les deux blocs. Elle leur permet, compte tenu de la vitesse des missiles, d’avoir un préavis d’une vingtaine de minutes, chacun s’efforçant d’ailleurs de réduire celui de l’autre en utilisant des trajectoires plus tendues. Cette détection s’obtient par la coopération de plusieurs capteurs : des satellites tout d’abord, capables de détecter dans l’infrarouge les « plumes » de départ des missiles (ou, soit dit en passant, de n’importe quel lanceur). Des radars « au-delà de l’horizon », ensuite, eux aussi capables d’observer l’adversaire dès qu’il quitte le sol. Des radars de surveillance et de trajectographie, enfin. Cet ensemble est capable de détecter, et de déterminer les trajectoires avec une précision croissante, le but étant bien évidemment de connaître le plus tôt possible le ou les points d’impact, afin de pouvoir prendre les décisions diplomatiques et militaires qui s’imposent.
Tout un système de capteurs, mais aussi de traitement a été mis en place par les deux blocs à cette fin. Mais ce système est aussi utilisé pour une autre mission, la surveillance des satellites. Bon nombre de ceux-ci, en effet, ont une vocation militaire, et la connaissance de leurs capacités, mais aussi de leurs limitations, a une grande influence sur le dimensionnement des mesures à prendre pour s’en protéger, ou sur l’utilisation de ses propres forces.
Prenons par exemple les satellites de détection des lancements d’ICBM. Si l’on apprend qu’ils ne couvrent pas une certaine partie d’océan, ou que, par suite d’une panne momentanée, la permanence n’est plus assurée 24 heures sur 24, on imagine l’avantage initial que peut s’assurer un pays agressif.
Si nous examinons maintenant le cas des satellites ELINT (Electronic Intelligence), radars, ou de reconnaissance à imagerie, on voit bien que la connaissance précise de leurs trajectoires permet de les décevoir assez facilement. En effet, un satellite de reconnaissance a un champ assez limité, depuis l’orbite basse qui lui est nécessaire pour obtenir la haute résolution voulue. Il ne voit donc pratiquement que sous lui, et ses 15 traces journalières, espacées de 2 500 kilomètres à l’équateur n’explorent qu’une faible partie du monde. Il se décale évidemment chaque jour, mais globalement, cela l’amène à ne pouvoir observer un point donné que tous les 3 à 8 jours, selon son altitude. La connaissance très précise des trajectoires, et leur extrapolation vers le futur permet donc de connaître plusieurs jours à l’avance l’heure où il passera en vue d’un point donné. Cela est vrai pour un satellite de reconnaissance, et il est facile de rendre inefficace un passage de quelques minutes tous les 3, 4… 8 jours. Pour les satellites ELINT, la contrainte est plus forte. Ils constituent en effet des réseaux de 8, 9… satellites qui s’entrecroisent. D’autre part leur « horizon visuel » est beaucoup plus étendu que celui des satellites à imagerie : il peut dépasser 3 000 km. Ces réseaux créent donc sur une journée toute une série de créneaux d’écoute, et, si la parade est simple – ne pas émettre –, la répéter 25 fois par jour devient pénalisant et risque d’entraîner erreur ou négligence, mais reste efficace. On peut évidemment aussi envisager de brouiller ou de saturer ces satellites, et là encore, la connaissance de leur position est nécessaire.
Quels sont les moyens à mettre en place pour assurer cette surveillance ? Un radar… de surveillance, bien sûr ; et même plusieurs, si l’on veut détecter tous les objets nouveaux dès leur première orbite. Il faudra aussi des radars de poursuite, pour obtenir la précision nécessaire à la prévision des trajectoires. Les systèmes modernes, à balayage électronique, peuvent assurer simultanément les deux fonctions.
Mais les radars ont une portée qui les limite aux orbites basses. Plus haut, des systèmes optiques sont nécessaires, comme le réseau GEODSS (Ground-based Electro-Optical Deep Space Surveillance) américain de stations munies de télescopes de divers champs et grossissements, certains travaillant dans l’infrarouge.
On peut aussi, assez simplement, mettre en œuvre des systèmes d’écoute, puisque, par définition, tout satellite actif émet, au moins de temps en temps. Une telle écoute, si elle ne permet pas une trajectographie, fournit cependant un bon moyen de détection.
Enfin, derrière tout cela, il faut un réseau de transmissions rapides, et un traitement par ordinateur puissant, capable de gérer en temps réel les milliers d’objets d’une banque de données, de retrouver un satellite perdu parce qu’il a manœuvré, ou de ficher un satellite nouveau.
Tout cela constitue évidemment la partie technique d’un système qui doit encore comprendre les installations nécessaires, mais aussi les hommes, quelques milliers pour chacun des deux blocs.
Un tel complexe est-il utile ? Est-il possible pour un pays comme la France ?
Il serait bien sûr utile sur les différents plans directement exploitables que j’ai décrits, mais aussi politiquement, pour assurer une certaine indépendance nationale, et même simplement pour avoir une source propre de renseignements à intégrer dans une communauté qui en démultipliera l’efficacité.
En ce sens, il n’est pas nécessaire de monter un système complet et exhaustif. Il faut bien, pourtant, les satellites en orbite basse étant militairement les plus intéressants à suivre, se doter d’un radar de surveillance. Si l’on accepte de ne pas détecter dès le départ les satellites nouveaux, un exemplaire unique est suffisant. La détection prendra quelques heures dans la grande majorité des cas, quelques jours pour certaines trajectoires.
On peut faire l’impasse sur les systèmes optiques de surveillance des orbites hautes, où la présence de satellites a une importance militaire moindre (navigation, détection des lancements, télécommunications), en tout cas à court terme.
Enfin, hors de la trajectographie elle-même, l’écoute des satellites apporterait nombre d’informations sur leur emploi ou leurs caractéristiques. Des antennes existantes pourraient être utilisées à cette fin, à condition d’y consacrer le personnel nécessaire.
Quant au radar lui-même, son coût serait évidemment important. Il ne semble pas qu’il doive mettre en jeu des techniques insurmontables, à l’échéance qu’il est possible d’envisager. Le problème des ressources financières sera sans doute le plus difficile à résoudre… Il faudra voir large : le renseignement est certes une matière où la discrétion doit primer, mais, à l’heure où trois pays se partageront les images d’un satellite militaire de reconnaissance, n’est-il pas envisageable que plusieurs pays construisent et exploitent en commun un système radar de cette envergure ? ♦
L’armée française commande au GIAT 175 canon tracté de 155 mm TR-F1
Le GIAT vient de recevoir de l’Armée de terre française la commande des 44 premiers canons de 155 millimètres tractés destinés à l’équipement des régiments d’artillerie des divisions d’infanterie et de la force d’action rapide. Ils seront livrés d’ici au 1er trimestre 1990. Ce matériel porte la désignation de 155 TR-F1.
Avec ce programme qui porte sur 175 canons, l’Armée de terre poursuit la modernisation de son artillerie, commencée depuis plusieurs années avec des canons automoteurs du GIAT, à grande cadence de tir, 155 AU-F1, qui équipent les divisions blindées.
Dans la version « armée française », le 155 TR-F1 utilise la même douille combustible que le 155 AU-F1 ; dans la version « exportation », le canon de 155 TR-F1 tire toutes les munitions au standard Otan ; la portée atteint 30 km avec l’obus basebleed (DTC) du GIAT. La cadence de tir est de 6 coups à la minute ; une source auxiliaire de puissance permet le déplacement autonome du canon et sa mise en œuvre normale et rapide sans efforts.