Afrique - Afrique australe : premier faux-pas - La coopération franco-africaine à l'heure du choix
Le retour de la paix en Afrique australe ne peut être obtenu, nous l’avons déjà remarqué, sans l’évolution progressive et simultanée vers une solution raisonnable des problèmes que connaît cette région. Dans certains cas, des négociations ont débouché sur l’établissement de calendriers précis ; le cheminement des autres est laissé à l’appréciation des tenants des pouvoirs concernés, qui sont soumis aux vicissitudes communes à tout être mortel et, de surcroît, aux méandres que sont obligés de tracer les dirigeants des formations politiques sous les influences contradictoires de leurs partisans. L’évacuation des troupes cubaines d’Angola et la mise en place du processus d’indépendance en Namibie se rangent dans le premier cas ; les réformes constitutionnelles de l’Afrique du Sud et la réconciliation nationale en Angola appartiennent au second, mais, bien que les dirigeants sud-africains ou angolais n’aient pas inclus l’évolution de leur politique intérieure dans un engagement international, celle-ci l’est implicitement : elle aura des effets à la longue sur l’intensité et la nature des condamnations que provoquera, chez les signataires de l’accord et les témoins garants de son application, tout manquement à ses termes.
L’accord en question, comme chacun sait, fut signé à New York le 22 décembre 1988, sous l’égide américaine et en présence d’un vice-ministre soviétique ; il engageait Luanda, La Havane et Pretoria. En deux traités, il définissait le rythme de l’évacuation des troupes cubaines d’Angola, des troupes sud-africaines de Namibie, ainsi que celui de la mise en application de la résolution 435 de l’ONU sur l’indépendance de la Namibie (adoptée quelque dix ans auparavant, le 29 septembre 1978). Un premier accord avait été signé cinq mois plus tôt à Genève : un cessez-le-feu serait proclamé le 22 août 1988, les troupes sud-africaines devraient avoir quitté l’Angola le 1er septembre 1988, les forces cubaines s’étaient engagées à ne plus se déployer, à compter de la même date, au sud d’une ligne située à environ 40 kilomètres de la frontière namibienne. Les rythmes définis par les traités de New York devinrent calendriers lorsque l’Assemblée générale de l’ONU eut choisi le 1er avril 1989 comme date de mise en route du plan. Par ailleurs, la SWAPO (Organisation du peuple du Sud-Ouest africain), qui n’était pas partie dans les accords précédents, s’était engagée le 8 mars 1989, en République fédérale d’Allemagne (RFA), lors d’une rencontre de son président, M. Sam Nujoma, et d’un représentant sud-africain, à appliquer un cessez-le-feu à compter du jour de l’entrée en vigueur du processus d’indépendance (accord que le président de la SWAPO avait signalé, fin mars 1989, au secrétaire général de l’ONU). Aucun accord particulier n’avait été signé avec l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) ; ce mouvement ne participait pas non plus aux négociations, mais ses forces sont stationnées sur le territoire qu’il aspire à diriger, ce qui n’est pas le cas des guérilleros de la SWAPO ; en outre, les accords de New York précisaient que ces hommes devaient rester cantonnés hors de la Namibie jusqu’au début de leur retour contrôlé dans ce pays, retour que le calendrier fixait au 4 juin 1989.
Malgré le soin apporté à la conclusion de ces préliminaires diplomatiques, un premier faux pas ne se fit pas attendre. Il fut le fait de la SWAPO. Maladresse ou calcul ? Les forces armées de ce mouvement commencèrent à s’infiltrer sur le territoire namibien dès le 1er avril 1989, en dépit des accords signés par La Havane et Luanda, et de ses propres engagements. Le retard qu’a connu l’installation du Ganupt (1) obligea M. Martti Ahtisaari, délégué finlandais du secrétaire général de l’ONU, à faire appel à des unités des armées namibienne et sud-africaine pour détecter, regrouper et refouler les groupes armés de la PLAN (Armée populaire de libération de la Namibie). Leur intervention provoqua quelque 300 morts en 7 jours d’une crise durant laquelle une trentaine de soldats sud-africains fut tuée. Malgré les protestations du Zimbabwe et de la Zambie, le Conseil de sécurité approuva unanimement les décisions qu’avait prises son délégué dans le feu de l’action. Cette décision internationale permit à des représentations sud-africaine, angolaise et cubaine (en présence des observateurs américains et soviétiques) de trouver une solution à l’incident : les maquisards du PLAN seront regroupés, sous le contrôle des unités de l’ONU qui seront renforcées par voie aérienne grâce à l’aide américaine et soviétique, dans 18 points de rassemblement ; elles seront refoulées ultérieurement sur l’Angola et la Zambie. La solution, pourtant approuvée par ses alliés les plus directement intéressés, représente évidemment un échec pour la SWAPO, dont les forces doivent reculer. Il n’est pas certain toutefois que les appels au regroupement soient entendus par les membres du Plan infiltrés en Ovamboland, qui est le territoire de leur peuple et où ils peuvent se fondre dans la population après avoir enterré leur armement.
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