Revue des revues
« Conflits du monde et paix de Dieu », tel est le titre d’un numéro spécial du trimestriel Le Supplément, revue d’éthique et théologie morale (Éditions du Cerf ; décembre 1988 ; 147 pages). Après quatre années de rencontres mensuelles, trois prêtres et quatre officiers (Pères Jean-Marie Aubert, Jean Dumort, et Jean-Paul Durand, amiral Sevaistre, généraux Metzler, de La Motte et Chavanat), amis de notre revue, nous livrent le résultat de leurs réflexions. Une première partie traite de la doctrine de l’Église face à l’évolution du monde moderne, transformé par le progrès des techniques et le poids des opinions publiques, et d’où les conflits n’ont pas disparu : 4 millions de tués depuis 1980, dans les régions ne bénéficiant pas de la garantie nucléaire. Les critères de la guerre juste selon Saint Thomas : autorité du prince, cause juste, intention droite, ne s’appliquent parfaitement ni à la dissuasion nucléaire, ni à la guerre subversive. Seule apparaît légitime la défense contre un envahisseur, dans la mesure où les moyens employés restent proportionnés au bien à défendre, sans recourir à l’attaque préventive, ni à la guerre totale. Équilibre de la prudence, plutôt que de la terreur, la dissuasion nucléaire est considérée par Jean-Paul II comme un moindre mal, une étape vers le nécessaire désarmement. Face à l’insurrection révolutionnaire, qui selon Paul VI « entraîne de nouvelles injustices », l’Église rappelle que « la violence n’est pas un moyen de construire ».
La deuxième partie, consacrée aux « Valeurs en question », intéressera plus particulièrement les militaires en charge de responsabilités. La mondialisation des cultures et de la communication ne rend que plus nécessaire la permanence des Nations, et la recherche du bien commun, conçu comme un héritage, une promesse et un honneur. « Communauté de destin et de culture des Nations occidentales », l’Alliance atlantique (Otan) repose sur les valeurs de liberté, de démocratie et de droit ; elle doit donc s’efforcer de montrer son vrai visage, celui de l’universel humain, et de renouer avec son héritage latin et méditerranéen que la prépondérance anglo-saxonne tend à occulter. Confronté à la guerre subversive, l’État et le commandement militaire ont le devoir d’imposer le respect de la dignité des personnes, tout en faisant preuve de fermeté dans les cas limites que sont les prises d’otages, les interrogatoires, la prolifération de la drogue et le terrorisme aveugle.
Dans une troisième partie sont analysées les réponses des épiscopats et des groupes religieux, adaptées aux contextes locaux, alors que le Vatican tient un discours universel, d’exhortation et de prudence, définit une théologie de la paix et propose un idéal de justice élargi à la dimension planétaire. S’il n’est pas possible dans un bref commentaire de résumer les articles très denses du Supplément, leur évocation devrait inciter les responsables politiques et militaires, chrétiens ou non, à en prendre connaissance.
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