Défense dans le monde - Le 9e Sommet de l'Otan
Le neuvième sommet de l’Otan s’est tenu à Bruxelles les 29 et 30 mai 1989. Deux ans après la rencontre de Reykjavik (juin 1987), et un an après l’entrée en application du traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) signé en décembre 1987 à Washington par l’URSS et les États-Unis, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Alliance atlantique ont été amenés à examiner les bases de leur politique commune en matière de maîtrise des armements et de désarmement.
Un bref rappel des faits majeurs qui ont marqué pendant cette période les relations entre l’Est et l’Ouest est utile.
Le désengagement de l’Armée soviétique de l’Afghanistan a eu lieu, ce qui n’empêche pas la poursuite du soutien que Moscou apporte au régime de Kaboul dans les domaines politique, économique et de l’aide militaire.
Le processus d’élimination des missiles SS-20, MGM-31 Pershing II et missiles de croisière, sous contrôle d’observateurs américains ou soviétiques, s’effectue normalement depuis un an et déjà un tiers des armes concernées par le traité sur les FNI ont été détruites.
Les mesures de confiance et de sécurité en Europe, adoptées le 19 septembre 1986 et entrées en vigueur le 1er janvier 1987, sont appliquées depuis maintenant deux ans et demi sans qu’aucune difficulté majeure ne soit apparue entre les 35 cosignataires du traité. La notification des exercices militaires, en fonction de seuils numériques bien précis de matériels et d’effectifs des troupes participantes, la conduite des observations prévues pendant l’exécution de ces exercices et celle des inspections inopinées, tout cela a presque pris un caractère de routine qui est pour le moins l’indice d’une attitude nouvelle dans les relations des forces en présence en Europe.
On sait que les 16 pays de l’Alliance atlantique et les 7 pays du Pacte de Varsovie sont convenus, le 10 janvier 1989, de tenir des négociations sur la réduction des Forces armées conventionnelles (FAC) en Europe. C’est ce qui a lieu actuellement à Vienne dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) à laquelle participent les 35 signataires de l’accord de Stockholm.
Cette évolution prend place dans un cadre plus général qui est celui des relations soviéto-américaines, en particulier dans les domaines du nucléaire stratégique, de l’espace, des armes antimissiles, telles celles prévues par l’Initiative de défense stratégique (IDS) américaine, et du contrôle des armements nucléaires et classiques. Depuis le début de l’année, on assiste à une série d’initiatives prises par MM. Gorbatchev et Bush, qui se sont même traduites, du côté soviétique, par des retraits limités de forces accompagnés d’un battage médiatique soutenu.
C’est donc dans ce contexte et à un moment où les opinions publiques occidentales sont dans leur ensemble plutôt enclines à croire à la bonne foi de M. Gorbatchev que les chefs politiques de l’Alliance, qui vient de fêter son quarantième anniversaire, ont eu à arrêter une position commune.
L’analyse qui va suivre est celle du consensus des Alliés sur deux points essentiels, celui des principes de sécurité de l’Otan et ce qui pourrait être un concept global pour la maîtrise des armements et le désarmement, tels qu’ils ont été exposés dans le long communiqué publié après le sommet de Bruxelles de 1989.
Principes de sécurité de l’Otan
L’Alliance cherche à préserver la paix par le maintien de la solidarité politique la plus étroite possible entre ses membres et de la puissance militaire nécessaire à la prévention de la guerre et à l’obtention d’une défense efficace.
Son objectif étant par nature défensif, l’Alliance fonde sa stratégie sur la dissuasion qui s’obtient par une combinaison appropriée de forces conventionnelles et nucléaires. Observons dans ce domaine que la force nucléaire française, par son indépendance, contribue au renforcement global de la dissuasion en compliquant les plans et évaluations de l’adversaire. En outre, les forces nucléaires de niveau substratégique, à courte portée, telles les SNF (Short-Range Nuclear Forces) sont considérées comme un des moyens de la dissuasion et ne sont pas destinées à compenser les déséquilibres conventionnels. Leur maintien en Europe est donc un élément indispensable de la politique de sécurité de l’Alliance. Enfin, les armes chimiques ne sauraient être oubliées. L’Otan doit conserver un potentiel minimal de riposte tant que le désarmement dans ce domaine ne sera pas complet de part et d’autre.
On retiendra que l’Alliance conçoit sa sécurité selon une approche qui recouvre à la fois la maîtrise des armements, le désarmement et aussi le maintien d’une défense suffisante. Il en découle un concept global de maîtrise des armements et de désarmement que l’on peut résumer ainsi.
Concept global de maîtrise des armements et de désarmement
Sur le plan des principes :
– les forces armées n’existent que pour prévenir la guerre et assurer la légitime défense ;
– la maîtrise des armements doit renforcer la sécurité de tous les Alliés, sans création de zones de sécurité inégale, et en tenant compte des intérêts de sécurité légitimes de tous les États membres ;
– les mesures adoptées doivent donner des résultats militairement significatifs qui renforcent la stabilité ; il faut qu’elles visent à éliminer les possibilités d’attaque par surprise et d’action offensive de grande envergure ;
– une vérification efficace et fiable constitue une exigence fondamentale.
Les objectifs de la maîtrise des armements sont :
– d’obtenir l’accroissement de la sécurité à des niveaux moins élevés de forces et d’armements ; c’est l’objectif primordial ;
– de supprimer les asymétries déstabilisantes dans les forces ou les matériels ;
– d’instaurer une confiance mutuelle ;
– de réduire le risque de conflit en favorisant une meilleure prévisibilité et une transparence accrue dans le domaine militaire.
Les principes et les objectifs d’une politique de sécurité de l’Alliance ayant été ainsi posés, il en découle logiquement une série de propositions à faire au Pacte de Varsovie que le communiqué énumère à la suite.
En ce qui concerne l’armement nucléaire stratégique, il est proposé une réduction de 50 % des arsenaux américain et soviétique, ce qui permet à l’Alliance de conserver une « ultime garantie de sécurité ». En outre des restrictions spécifiques seront établies, portant en particulier sur les capacités d’emport, concernant les missiles balistiques à grande vitesse que les deux parties seront autorisées à conserver.
En ce qui concerne l’armement nucléaire substratégique, il sera proposé le maintien d’un nombre minimum nécessaire d’armes avec des plafonds égaux et vérifiables pour les deux alliances. Pour les armes basées à terre, il s’agira de parvenir au niveau le plus bas possible sachant qu’une modernisation pourra entraîner une réduction. La question du successeur du MGM-52 Lance ne sera abordée qu’en 1992, mais, entre-temps, les États-Unis poursuivront leurs recherches dans ce domaine.
Priorités dans les négociations
Enfin, le communiqué final du neuvième sommet de l’Otan rappelle les quatre priorités dans la conduite des négociations.
1. Il faut aboutir avant tout à un accord sur les réductions des forces classiques, et l’Otan émet l’espoir d’y parvenir dans un délai de 6 à 12 mois, ce qui signifierait un accord dès 1990.
2. Si des négociations sur les Armes nucléaires à courte portée basées à terre (SNF) aboutissaient, elles ne seraient pas, en tout état de cause, mises en œuvre avant les accords concernant l’armement classique.
3. La dynamique créée par le succès des Mesures de confiance et de sécurité (MDCS) doit être maintenue.
4. Il faut enfin rechercher un accord aboutissant à l’interdiction complète des armes chimiques.
Conclusion
Le neuvième sommet de l’Otan insiste sur la conception qu’a l’Alliance de sa sécurité. Les Alliés sont soucieux de préserver leurs intérêts communs et, dans le même temps, les préoccupations spécifiques de chacun sont prises en compte.
L’Otan a repris l’initiative dans le dialogue Est-Ouest sur la maîtrise des armements et le désarmement. D’une part, elle propose une accélération des négociations dans le domaine des forces classiques, en avançant une échéance de 6 à 12 mois, ce qui ne semble pas irréaliste si on se souvient de la rapidité avec laquelle avait été conclu le traité FNI, et d’autre part, elle laisse le champ libre à l’ouverture de pourparlers sur les armements nucléaires substratégiques.
Cette dernière ouverture apparaît comme un compromis interne à l’Alliance qui satisfait l’ensemble des pays membres et met fin au différend qui avait opposé l’Allemagne de l’Ouest et les États-Unis sur le problème de la modernisation des armes nucléaires à courte portée. Leur réduction pourra être envisagée et mise en œuvre après l’application effective d’accords dans le domaine des forces classiques, sans toutefois empêcher la poursuite des recherches pour trouver un successeur au Lance dont le remplacement éventuel sera discuté en 1992. ♦