Défense dans le monde - Le Nigeria : puissance régionale
Le Nigeria s’étend sur 924 000 kilomètres carrés et compte 105 millions d’habitants. Selon les estimations, sa population atteindrait 380 M en 2030, ce qui le mettrait au 4e rang démographique mondial.
Le pays est potentiellement riche, avec des capacités agricoles importantes et des matières premières intéressantes. Le pétrole (70 M de tonnes en 1988, soit de l’ordre de 8 milliards de dollars, 7e rang parmi les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, Opep) est sa principale ressource d’exportation.
Ces données socio-économiques font du Nigeria le grand pays du golfe de Guinée qui aspire à accéder à une des premières places en Afrique en général, dans l’ouest du continent en particulier.
Un pays sous régime militaire
Le Nigeria est difficilement gouvernable. Il compte 250 ethnies plus ou moins antagonistes. La guerre du Biafra a opposé, de 1966 à 1969, les Haoussas et les Yorubas d’une part aux Ibos d’autre part, faisant de l’ordre d’un million de morts. Comme dans d’autres pays d’Afrique de la même latitude, les affrontements d’origine religieuse sont fréquents.
La situation économique est très difficile. Le PNB par habitant est de l’ordre de 700 dollars, soit le 100e rang mondial. La dette extérieure dépasse 26 milliards de dollars, soit 66 % du Produit national brut, avec un service annuel qui représente 45 % des recettes d’exportation. Les conséquences sociales de cette situation sont nombreuses et profondes (chômage, sururbanisation, délinquance…).
Sur le plan politique, le Nigeria s’est donné une Constitution fédérale avec 21 États, ce qui accroît les particularismes régionaux. Dans ce pays turbulent et instable, les militaires ont été à plusieurs reprises au pouvoir. Le dernier coup d’État remonte à 1983.
L’actuel chef de l’État, le général Babangida est en place depuis 1985. Agissant avec un mélange de souplesse et de rigueur, il a su ramener un calme relatif et prépare le retour d’un gouvernement civil pour 1992. L’armée, nombreuse et bien équipée, tient tous les rouages de l’État : gouvernement, administration, sociétés nationales…
Des ambitions extérieures
Conscientes de la force actuelle et des potentialités de leur pays, les autorités nigérianes veulent jouer le rôle qui leur revient dans la région et en Afrique.
Dans la zone des pays du golfe de Guinée, en majorité francophones, le Nigeria se montre de plus en plus actif : participation épisodique au règlement du conflit libyo-tchadien, manifestations de présence au Togo et au Niger, menace d’intervention en Guinée-Bissau et à Sao Tome…
Sur le plan africain, le Nigeria se veut à l’avant-garde de la lutte contre l’apartheid. S’il apporte une aide militaire certaine aux nationalistes noirs, il n’a pas concrétisé l’annonce répétée d’envoi d’un contingent dans les pays de la ligne de front. Il dénonce aussi régulièrement le développement de la présence israélienne dans la zone.
Les moyens militaires
Avec près de 110 000 hommes et un budget de Défense de l’ordre de 200 M de dollars, les Forces armées nigérianes n’ont pas d’équivalent en volume en Afrique au sud du Sahara. L’Armée de terre est organisée en 4 divisions réparties sur l’ensemble du pays : 1 blindée, 2 mécanisées, 1 division « composite » à vocation amphibie et aéroportée. Elle met sur pied, si besoin est, des groupements d’intervention (700 hommes environ) qui pourraient être utilisés dans des opérations extérieures. Elle dispose d’un important parc de matériel d’origine diverse : environ 850 chars moyens et légers, 450 canons et obusiers, artillerie antiaérienne. L’Armée de terre nigériane détache occasionnellement des contingents pour les opérations organisées par l’Organisation de l’unité africaine (OUA). En 1981-1982, elle a ainsi fourni 3 000 hommes à la force d’interposition au Tchad.
L’Armée de l’air, avec un effectif d’environ 10 000 hommes, est dotée de quelque 80 avions de combat (SEPECAT Jaguar, Mikoyan-Gourevitch MiG-21, Avions Marcel Dassault-Breguet Aviation [AMD-BA]-Dornier Alphajet), et d’une douzaine d’appareils de transport. Elle est la plus puissante de l’Afrique de l’Ouest. Récemment, elle a participé à la fête nationale togolaise avec une quinzaine d’avions.
Le Nigeria s’est doté d’une marine dont l’importance dépasse la stricte nécessité de surveiller les 800 kilomètres de côtes nationales, et qui dispose d’une cinquantaine de petites unités de combat : 2 frégates, 3 corvettes, 6 patrouilleurs lance-missiles dont 3 Combattante… Elle arme aussi 2 bâtiments amphibies et quelques hélicoptères de reconnaissance maritime.
Puissantes à l’échelle régionale, les forces armées nigérianes ont des faiblesses. La baisse des revenus pétroliers n’a pas permis de mener à bien divers programmes, notamment pour l’achat ou la modernisation du matériel. L’absence de nombreux cadres utilisés à des tâches civiles se fait sentir dans les unités. Le matériel, d’origine disparate, est difficile à soutenir.
Il n’en reste pas moins que les armées nigérianes représentent une force considérable, à la fois pour la gestion d’un pays turbulent et comme appui d’une politique étrangère ambitieuse en Afrique. ♦