Défense en France - Le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)
Créé par Michel Debré en 1969, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) célèbre son 20e anniversaire, à un moment où la contestation anonyme fait douter de sa représentativité, et où l’on envisage de le réformer. Il paraît opportun de rappeler son rôle et son organisation, et d’analyser le bilan de ces vingt années, avant d’aborder le problème de sa réforme.
Rôle et organisation
Destiné par la loi du 21 novembre 1969 à « exprimer son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des personnels militaires », le CSFM se réunit deux fois par an sous la présidence du Ministre et en présence des grands subordonnés de la Défense. Élargi en 1984, il comprend un Conseil supérieur de 49 militaires tirés au sort et de 5 retraités désignés par les associations représentatives, et 4 commissions régionales interarmées de 50 sièges chacune environ. Celles-ci se réunissent avant les sessions du Conseil supérieur, auquel elles communiquent leurs avis.
La répartition des militaires au Conseil supérieur est la suivante :
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Terre |
Mer |
Air |
Gendarmerie |
DGA |
Autres services (santé, essence) |
Total |
Officiers et assimilés |
5 |
3 |
3 |
2 |
2 |
2 |
17 |
Sous-officiers et assimilés |
10 |
5 |
5 |
7 |
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1 |
28 |
Militaires du rang |
2 |
1 |
1 |
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4 |
Totaux |
17 |
9 |
9 |
9 |
2 |
3 |
49 |
De nombreux suppléants sont tirés au sort pour pallier le non-volontariat ou l’absence des titulaires, de sorte que la population concernée comprend 1 500 militaires.
Un secrétariat permanent, dirigé par un contrôleur des Armées (actuellement le contrôleur général Bonnetête), organise les sessions et assure l’information des membres du Conseil et des commissions.
Tous les militaires peuvent s’adresser directement au secrétaire général, qui répond à tous les correspondants en respectant leur anonymat.
Bilan de l’action du CSFM
Le CSFM a tenu 40 sessions de 1970 à juin 1989. Il a joué un rôle important de 1975 à 1980, lors de la discussion du statut général et des statuts particuliers des militaires. Ce rôle est généralement ignoré, et il est juste de souligner que le CSFM a obtenu 87 modifications au statut général, en particulier : l’obligation de présenter les projets de statuts particuliers à son avis ; l’assouplissement du régime du droit d’expression des militaires ; l’application aux militaires des avantages accordés aux personnels civils ; l’indemnisation particulière en cas de difficulté de logement ; la détermination des limites d’âge par la loi ; le préavis de deux mois pour les résiliations de contrat d’engagement.
S’agissant des statuts particuliers, il convient de noter que lorsque le CSFM a émis un avis défavorable ou formulé des observations, le projet de texte a été retiré. Des améliorations notables ont été obtenues en ce qui concerne les grilles indiciaires et les échelons de solde, la disparition du corps des officiers techniciens, la création des grades de gendarme et de major, le droit au départ des officiers, l’assimilation des personnels féminins aux personnels masculins, etc.
Face à ce bilan positif, il faut constater que, depuis 1980, le CSFM n’a eu à débattre que de réformes mineures, et qu’il n’est sans doute pas intervenu avec assez de vigueur alors que la condition militaire se dégradait et que les projets annoncés n’étaient pas suivis. Ce fut le cas en particulier lors de la loi sur le non-cumul d’une retraite et d’un emploi, lors de l’adoption des 30 mesures pour le contingent (non accompagnées de dispositions pour les personnels de métier), et lors de la mise en sommeil du plan de revalorisation de février 1988 (voir chroniques de mai 1988, janvier, avril et mai 1989). Les conséquences négatives de la stagnation des dépenses de fonctionnement (depuis 1978, amplifiée en 1986), et des déflations d’effectifs (productrices de charges excessives et de sous-encadrement) n’ont également pas été suffisamment soulignées, ni critiquées.
Pour remédier à un travail trop parcellaire, des thèmes d’études ont été adoptés depuis quelques années ; ils ont concerné les difficultés familiales dues à la mobilité, le fonds de prévoyance, le logement des cadres et leur reconversion. Traduisant les préoccupations et les aspirations de la communauté militaire, ils ont permis d’aborder les problèmes de la condition militaire de façon plus globale, et de donner aux directeurs centraux l’occasion de préciser leur politique en la matière. Un autre résultat appréciable est celui de la concertation établie entre les différentes catégories de personnels.
Les réformes en cours
La 40e session de juin 1989 était consacrée à une réflexion sur une éventuelle réforme du CSFM, et au choix des thèmes de travail pour les sessions ultérieures. Plusieurs sondages avaient montré en effet que le CSFM était mal connu dans les armées, et que beaucoup se posaient la question : « À quoi sert-il ? ». Les membres du CSFM eux-mêmes reconnaissent alors que « son action est souvent jugée inefficace et insuffisante, sa crédibilité largement mise en doute », et son image médiocre. Ils ont donc demandé de choisir eux-mêmes les sujets de l’ordre du jour et de développer leur rôle de porte-parole de l’ensemble des militaires. Ils ont refusé cependant le système proposé du tirage au sort parmi des volontaires, craignant que se développe « un état d’esprit syndical » dans les Armées. Le ministre a accédé à ces propositions et décidé d’améliorer l’information en y associant les chefs de corps, et en créant à tous les niveaux des correspondants CSFM. Les thèmes de réflexion acceptés ont été ceux du déroulement de carrière (novembre 1989), des rémunérations et du pouvoir d’achat (mai 1990). Pour la première fois, le rapport complet de la session a pu être communiqué à tous les militaires intéressés.
Les manifestations de contestation de l’été 1989, particulièrement dans la Gendarmerie, ont incité les plus hautes autorités de l’État à améliorer la concertation et les relations humaines à l’intérieur de l’institution militaire ainsi qu’à revaloriser la condition militaire. Sur ce point, l’effort budgétaire est appréciable : 632 millions de francs en 1990 au lieu de 322 en 1989, et près de 340 en 1988 (avec le plan Chirac). L’augmentation de l’indemnité de charges militaires, planifiée en février 1988, est rétablie. 3 000 postes sont accordés à la Gendarmerie, mais ils seront en grande partie pris sur la substance des autres armées.
Quant à la concertation, un projet de réforme du CSFM est à l’étude. Il a été présenté le 18 septembre 1989 aux Chefs d’État-major et le 10 octobre 1989 aux membres du CSFM en session exceptionnelle.
Il devrait adopter le principe du volontariat, préalable au tirage au sort, expérimenté avec succès pour les gendarmes. Une organisation de conseils d’armée (terre, mer, air, services) paraît également préférable aux commissions régionales actuelles ; elle permettrait de conduire des études approfondies en vue d’une seule session annuelle, et de prendre connaissance des nombreux rapports (1) demandés par le ministre de la Défense. Il serait souhaitable enfin que le dialogue établi avec l’administration centrale porte non seulement sur des textes élaborés par les directions, mais aussi sur les grandes options de la défense et sur les politiques des personnels. Il reste beaucoup à faire, au CSFM et au gouvernement, pour que la communauté militaire ne se considère plus en situation d’inégalité dans la société française.
1er octobre 1989
(1) Rapport Chauveau sur la diversification du service national, rapport Alexandre sur l’action sociale, rapport Descoutures sur le pouvoir d’achat, rapport Cailleteau sur le déroulement de carrière, rapport Dabezies sur la formation des officiers, rapport Jardin sur les langues étrangères.