Armée de terre - Catastrophes naturelles : l'Armée de terre monte au feu
Incendies forestiers dans le sud de la France, cyclone Hugo aux Antilles : les catastrophes naturelles ont fait l’actualité cet été. Elles posent une question de fond aux responsables de la défense civile et militaire : face à un « ennemi » imprévisible et multiforme, comment combiner au mieux rapidité d’intervention et efficacité dans la lutte sur le terrain ? Autant de défis que les personnels de l’Armée de terre s’emploient à relever depuis plusieurs années.
Lors des feux de forêts de l’été 1988, l’organisation mise en place sous l’égide du Commandement des formations militaires de la sécurité civile (Comformisc) a parfaitement fonctionné. Relativement méconnue du grand public, cette structure vient compléter efficacement les secours civils classiques.
Une organisation éprouvée
L’ampleur des sinistres de la période estivale en France métropolitaine et en Corse a nécessité la mise en place d’une véritable armée du feu. Entre le 1er et le 21 août 1989, les forces militaires employées ont représenté l’équivalent de 25 000 hommes/jour.
La mobilisation extrêmement rapide d’une telle force d’intervention anti-incendies ne s’improvise pas. Ses chances de succès dépendent essentiellement du degré de liaison existant entre les différents corps en présence, tant civils que militaires. L’organigramme adopté favorise l’adéquation optimale des besoins humains et matériels, d’une part, et des impératifs dictés par l’événement, d’autre part.
Au sommet de l’édifice, sous les ordres du ministre de l’Intérieur et du Directeur de la sécurité civile, se trouve le Comformisc. Créé en avril 1988, il supervise un État-major et trois Unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC), basées à Nogent-le-Rotrou, Corte et Brignoles. Elles regroupent 1 500 hommes au total. Chacune d’entre elles comprend une Compagnie de commandement et de services, deux compagnies d’intervention et une d’instruction, sauf celle de Corte (une CCS, une compagnie d’intervention) notamment spécialisée dans les techniques de lutte contre les incendies. La plupart des personnels d’active proviennent de l’arme du Génie, tandis que les appelés choisis par cooptation sont issus pour l’essentiel des corps de pompiers municipaux ou départementaux. Ils suivent initialement une instruction militaire sommaire puis sont formés pendant deux mois afin d’obtenir le Brevet national de secourisme (BNS).
Une formation particulière s’adresse également au second ensemble clé du système : douze unités militaires spécialisées, de la valeur d’une compagnie chacune. Programmée sur une semaine, l’instruction fait alterner cours théoriques et exercices afin d’accroître la capacité d’intervention des militaires dans les feux de forêt. Ces unités militaires spécialisées sont équipées par le ministère de l’Intérieur.
Enfin, aux côtés de ces troupes spécialement préparées, l’Armée de terre dans son ensemble est à même de fournir des UMR (Unités militaires de renfort), qui, ne recevant pas d’instruction ni d’équipement spécifiques, se voient confier des missions adaptées à leurs capacités, telles que l’intervention sur des foyers d’importance réduite ou la « veille au feu ». C’est alors le département bénéficiaire qui prend leur équipement à sa charge.
La combinaison de ces trois structures garantit une intervention fiable et massive sur tous les sites exposés. Cependant, l’extinction de certains foyers inaccessibles par voie routière requiert l’utilisation de moyens aériens rapides et maniables. L’Aviation légère de l’Armée de terre (Alat) trouve là un prolongement naturel à sa vocation strictement militaire. Outre un commando héliporté de 2 Sud-Aviation SA.330 Puma basé à Brignoles en période estivale, elle a mis 7 hélicoptères Puma et 4 Sud-Aviation SA.316 Alouette III supplémentaires à la disposition du ministère de l’Intérieur entre le 1er août et le 15 septembre 1989. Ils ont été particulièrement utilisés dans le cadre de missions à haut risque, l’évacuation des populations sinistrées notamment.
Cyclone Hugo
L’Armée de terre s’est également résolument engagée dans l’organisation des secours après le passage du cyclone Hugo en Guadeloupe dans la nuit du 16 au 17 septembre 1989.
À partir du début de la période cyclonique – le 15 juin 1989 –, toutes les unités stationnées aux Antilles, à savoir celles des 33e et 41e Régiments d’infanterie de marine (RIMa), des 1er et 2e Régiments de service militaire adapté (RSMA), se préparaient à prendre, sur préavis de 12 heures, une « configuration cyclone », après avoir perçu du matériel spécifique, nécessaire aux transmissions à longue distance et au dégagement des routes. Dès que le cyclone Hugo était annoncé d’une façon sûre sur la Guadeloupe, des équipes de reconnaissance fournies par le 41e RIMa et le 2e RSMA, ont été prépositionnées dans les zones les plus menacées, tandis qu’était armé un PC militaire cyclone, aux ordres du PC Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) situé à la préfecture du département.
Ces équipes de reconnaissance, équipées de moyens légers de dégagement d’itinéraires et d’appareils de transmissions en modulation d’amplitude, ont pu, après le passage de l’ouragan, informer les autorités sur les zones les plus touchées qui nécessitaient les interventions les plus urgentes.
Dès le lundi 18 septembre 1989, les unités de Guadeloupe, quoique très durement éprouvées, les militaires des UIISC 1, 5, 7, venus de métropole et dont le nombre atteignait 410, après l’arrivée des derniers renforts le 19 septembre 1989, ouvraient en 3 jours environ 600 kilomètres d’itinéraires, afin de pouvoir accéder aux sinistrés les plus isolés répartis sur une zone d’environ 1 500 kilomètres carrés détruite à 50 %.
Cette mission une fois remplie, le commandement militaire de la Guadeloupe s’est vu confier par le préfet l’organisation et la mise en œuvre d’une chaîne logistique, afin de répartir le flux de marchandises estimé à plus de 500 tonnes/jour, destinées à secourir les Guadeloupéens et qui arrivaient sur le port et l’aéroport de Pointe-à-Pitre. Cette tâche devait nécessiter le renfort de 2 compagnies provenant de la Martinique.
Si l’on totalise les personnels de l’Armée de terre chargeant les avions ou les navires en Martinique, en Guyane, en métropole et ceux intervenant directement dans le département éprouvé, ce sont environ 1 200 hommes qui ont été employés chaque jour au profit des populations civiles dans la semaine qui a suivi le passage de Hugo.
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Ces deux catastrophes survenues cet été, auxquelles il faut associer l’accident du McDonnell Douglas DC-10 au Niger, permettent d’illustrer parfaitement l’action de l’Armée de terre pour défendre les populations face au déchaînement des éléments naturels ou pour remplir des tâches qu’elle est la seule à pouvoir assumer compte tenu de la spécificité de ses moyens.
Cette défense des populations contre les risques naturels procède d’une démarche très proche de celle d’une défense purement militaire. Elles nécessitent toutes deux les mêmes qualités d’organisation, de vitesse de réaction et de clairvoyance par les cadres ; de courage, de résistance et d’acceptation du risque pour tous : l’Armée de terre a compté cet été dans ses rangs 3 morts et 52 blessés lors de ses actions humanitaires.
Penser que ces deux types d’action se mènent au détriment l’une de l’autre serait donc une grave erreur : les interventions à l’occasion des catastrophes naturelles constituent non seulement un devoir pour l’Armée de terre, mais aussi une excellente source d’entraînement et un test particulièrement pertinent pour éprouver ses structures de crise. ♦