La péremption du modèle de la puissance européenne résulte de sa difficulté à prendre en compte les nouveaux paradigmes de la puissance dont l’auteur analyse en détail la théorie fondatrice. Il montre que la force de l’Europe est d’être asymétrique et que son projet de convergence est contre-nature. Au lieu de tirer un bénéfice de sa diversité et des degrés de liberté qu’elle offre, la puissance européenne s’acharne à réduire son projet à l’alignement et à l’homogénéité, critères d’un monde révolu. Il invite à résister à ce vide stratégique.
L’Europe face à la rupture des régimes de puissance au XXIe siècle
Europe Faced with the Rupture of Power Regimes in the 21st century
The expiration of the European power model results from its difficulties taking into account the new power paradigms whose founding theory the author analyzes in detail. He shows that the force of Europe exists asymmetrically and that its plan of convergence is unnatural. Instead of extracting a benefit from its diversity and the degrees of freedom that it offers, European power desperately attempts to reduce its intentions to those of alignment and homogeneity, criteria of a finished world. The author invites resistance to this strategic void.
L’Europe est-elle en perte de puissance ? Ou la forme de puissance requise au XXIe siècle diffère-t-elle de celle qu’elle possède et dont elle a fait son projet ? Pour répondre à une telle question, il est nécessaire de s’interroger sur ce que sont les mécanismes de la puissance contemporains et dans quelle mesure l’espace européen y possède des atouts décisifs.
La notion de puissance, dans son acception française, englobe celle du pouvoir libérable et actionnable dans l’instant et sa projection dans le temps. Elle se différencie du pouvoir exercé, qui se définit par la capacité d’imposition immédiate d’une volonté. Le concept de réversibilité est central à celui de puissance aussi bien qu’à celui du pouvoir. L’économie des forces repose sur la capacité à acquérir ou préempter, des degrés de liberté qui offriront dans l’avenir des possibilités d’exercice de pouvoir. Les positions à faible réversibilité sont censées, dans une perspective inertielle, accroître la puissance. Les positions à forte réversibilité signifient que l’on peut désengager des forces ou des ressources pour les allouer à de nouveaux degrés de liberté, et ainsi à la fois se préserver de tels degrés de liberté ou en créer de nouveaux. Ainsi, contrairement à la prospective, l’exploration du futur en termes de puissance ne s’intéresse pas à « l’univers des possibles », mais à l’univers des degrés de liberté pouvant faire l’objet d’une préemption ou d’un pouvoir.
Puissance, pouvoir et réversibilité
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