En retraçant le parcours historique de la puissance en Europe, on mesure combien la médiocre prise en compte par l’Union européenne de l’hétérogénéité du système international, qui combine le transnational et l’international, lui interdit toute vision, tout projet stratégique sans lesquels la puissance est orpheline, voire inconsistante.
Le refus de la puissance
Refusal of Power
Recounting the historical pathways of power in Europe, one measures how the European Union’s modest consideration of the heterogeneity of international systems—combining the transnational and international—forbids it all vision and every strategic project without which power is an orphan of shallow vision.
La puissance repose sur de nombreux facteurs, qui vont de la force militaire à la puissance économique, financière, au rayonnement scientifique et culturel, etc. La puissance est une synthèse dynamique. Mais elle peut être latente ou en acte. En effet, pour être actuelle et pas seulement potentielle, la puissance nécessite une perception stratégique de l’environnement international, c’est-à-dire une compréhension du fait que cet environnement est parfois coopératif, mais toujours compétitif et souvent carrément antagonique. La puissance réelle suppose donc la reconnaissance de la dialectique des volontés, et donc une vision et un projet stratégiques.
Dès les débuts de la construction européenne, la question d’une personnalité européenne de défense a été posée. Ce fut le projet d’armée européenne (Communauté européenne de défense - CED) en 1950, la création de l’Union de l’Europe occidentale en 1948 et son élargissement en 1954, année où la CED a échoué. Ces différents projets ou réalisations restaient néanmoins subordonnés à l’Otan, ils n’avaient été imaginés que pour trouver un cadre plus acceptable pour le réarmement allemand. Néanmoins les Pères de l’Europe étaient conscients de l’importance et de la légitimité de la puissance : s’ils acceptaient de s’en remettre à l’Alliance atlantique et au leadership américain, c’est qu’ils comprenaient que face à la puissance soviétique il n’y avait pas réellement d’autre option de défense.
De Gaulle et Adenauer fondèrent largement leurs relations sur la conviction partagée que l’Europe devait retrouver les éléments de la puissance économique, technologique, mais aussi militaire. Le Traité de l’Élysée de 1963 avait une dimension stratégique essentielle. Les Allemands furent par la suite beaucoup plus réservés (à cause évidemment du passé, mais aussi de leur nécessaire loyauté atlantique), mais les Français continuèrent à penser dans cette direction et évoquèrent souvent dans les années 1990 le concept d’« Europe-puissance ». D’ailleurs le Traité de Maastricht de 1992, l’Agenda de Lisbonne de 2000 affirmaient aussi un projet de puissance économique, monétaire, technologique, politico-militaire. Et le chancelier Schroeder, lors de son discours devant l’Assemblée nationale à Paris en 1999, reprit à son compte l’expression d’« Europe-puissance ».
Il reste 85 % de l'article à lire