En faisant l’inventaire des conditions de la victoire dans les conflits modernes, on peut être frappé par la part désormais relative qu’y prend le chef tactique. C’est en réfléchissant à la modernisation de l’idée de victoire que l’auteur nous entraîne dans une réflexion sur le lien entre responsable militaire et décideur politique.
La victoire moderne
A Modern Concept of Victory
When looking at the conditions under which victory is achieved in modern conflict, it is striking just how great a part the tactical commander now takes in the process. The author’s thoughts on modernisation of the idea of victory lead naturally to consideration of the link between the political decision-maker and the military authority.
L’observation des conflits contemporains et de leur résonance au sein de nos sociétés tend à démontrer que les paramètres de la guerre évoluent, et plus précisément parmi eux, les critères de la victoire. Le monde moderne et ses équilibres apportent quotidiennement la preuve que la définition clausewitzienne de la victoire, dont « l’unique prix est celui du sang », est devenue bien réductrice et trop partielle. Existence de belligérants non conventionnels, exposition médiatique incessante, puissance du sondage d’opinion, exigence de l’information instantanée et positionnement encore indécis des actions militaires au sein du continuum diplomatico-humanitaire de l’approche globale, nombreux sont les motifs d’une définition modernisée de la victoire. Dépoussiérée et acceptée, la notion même de victoire, ce « véritable objet de la guerre » que justifiait le général MacArthur devant le Congrès américain en 1951, doit retrouver sa place dans l’esprit populaire et servir de trait d’union, voire de réconciliation s’il en est besoin, entre le militaire, le politique et le pays.
Moderniser l’acception de la victoire
Le terme de victoire implique celui de succès, sous tous ses aspects, à l’issue d’une lutte, fût-elle seulement d’influence sans que les armes aient forcément eu à s’exprimer. La victoire militaire inclut tant le succès ponctuel de niveau tactique, comme l’issue d’une bataille, que le gain stratégique, en tant qu’objet d’influence politique ou « monnaie d’échange » diplomatique. Aussi la modernisation des critères de la victoire se manifeste essentiellement au niveau stratégique, en prise directe avec des évolutions sociétales dont on mesure désormais l’influence croissante sur les conditions d’engagement des forces armées. À l’échelle tactique, l’évolution des conditions de la victoire demeure restreinte et reste essentiellement sujette aux performances technologiques et aux ajustements doctrinaux tirés des expériences opérationnelles récentes. L’Histoire semble prouver que même les batailles contemporaines se gagnent, ou se perdent, selon des critères de conduite de la guerre relativement inchangés. Les conditions de la victoire tactique n’ont donc pas évolué à la différence de son écho, tant au niveau populaire que politique. Et ce seul écho relève déjà d’un enjeu stratégique. Les critères de la victoire moderne imposent désormais au chef tactique de rendre son succès militaire « compatible » avec la tendance de l’opinion publique, avec pour devoir d’accorder son action sur le « diapason » politique qui prévaut, jusqu’aux plus bas échelons opérationnels.
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