Dans les armées, l’approche du risque est bien souvent intuitive et liée au caractère du chef. Pourtant, le monde anglo-saxon a développé avec succès le risk management, décortiquant les mécanismes de la prise de décision. Adopter une culture du risque, c’est connaître et assumer les risques pris.
Le commandement à l’épreuve de la « maîtrise » des risques
Command and Risk Management
The approach to risk in the armed forces is largely intuitive and dependent on the character of the commander. Nevertheless, the English-speaking world has fine tuned the process of risk management and in doing so analysed the mechanisms of decision-making. Adoption of a culture of risk requires knowledge of the risks taken and assumption of responsibility for the outcome, whatever it might be.
Ma droite est enfoncée, ma gauche cède ; tout va bien, j’attaque ! Action insensée ? Baroud d’honneur ? Instinct du chef de guerre ? Cette phrase fameuse prononcée par Foch lors de la bataille des marais de Saint-Gond (6-9 septembre 1914) nous plonge directement au cœur de la grandeur et de l’essence même du rôle de chef militaire : celui de prendre des décisions. Le commandant ordonne, dirige, agit… mais pour réaliser tout cela, il doit d’abord décider, choisir et s’engager. Avec toutes les conséquences, positives ou négatives, que son choix peut entraîner pour lui-même, pour les hommes qu’il commande et le succès de sa mission. Ainsi prendre une décision, quelle qu’elle soit, c’est toujours prendre un ou plusieurs risques. Celui d’échouer ou de se tromper bien sûr, mais aussi celui de perdre des vies, et d’une manière générale toute sorte de risque qui amène à perdre bien plus que ce que l’on cherche à obtenir. La prise de décision nécessite donc des qualités individuelles fortes parmi lesquelles la capacité de jugement, la clairvoyance, mais aussi le courage et même l’audace parfois. Dans le cas du chef militaire, une force morale toute particulière est en plus nécessaire lorsqu’il s’agit d’engager sa vie et celles des autres pour le bien supérieur qu’est la défense de la Nation et de ses intérêts.
On comprend bien ainsi que la notion de prise de risque est intimement liée à l’exercice du commandement, essentiellement en raison de la place centrale qu’y occupe la décision. Pourtant « prendre des risques » ne procède pas uniquement d’une démarche intuitive qui serait seulement l’apanage de certains chefs au caractère bien trempé, comme on le croit trop souvent. Cela peut être le résultat d’un processus méthodique et raisonné qui ne travestit en rien le rôle du commandement. Ce type de processus, connu sous le nom de Risk Management, a mis longtemps à s’imposer en France, mais son étude et son appropriation par les officiers pourrait permettre de développer une vraie culture du risque propre à aider certains à exercer de manière pleine et entière leur responsabilité de commandement. Pour peu que l’on ne se méprenne pas sur le sens de certains termes.
L’avènement de la société du risque
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