Défense en France - Les élèves officiers de réserve (EOR)
La chronique de juillet 1989 faisait le point de la participation au service militaire des diplômés de haut niveau : élèves officiers d’active et de réserve, scientifiques du contingent et juristes, professions médicales. Elle montrait que les armées appelaient au service beaucoup plus de diplômés que les formes civiles du service national, et que le reproche d’écrémage des élites adressé à ces formes civiles n’était pas exactement justifié. Cette chronique se propose de comparer la situation des EOR dans les trois armées, dans les domaines des effectifs et des filières de recrutement, des niveaux scolaires, de la formation militaire et des emplois tenus.
4 460 EOR ont été appelés en 1989, dont 2 900 terre, 550 marine et 1 010 air (1). Parmi eux, 2 350 provenaient de la préparation militaire supérieure (PMS), 800 étaient recrutés directement dans les grandes écoles et les facultés, et 1 310 étaient sélectionnés soit dans les centres de sélection (aptes cadres de l’Armée de terre), soit à l’incorporation dans les unités (terre et air).
Une première remarque concerne la diminution des effectifs de la PMS. Partant de 4 900 candidats en début d’année, il reste 2 960 brevetés PMS à l’été 1988, alors qu’en 1985 il y en avait 4 000. Cette réduction devrait s’accentuer en raison du report des incorporations à 24 ans, âge auquel les jeunes de bon niveau terminent leurs études et n’ont pas intérêt à demander un report supplémentaire par le biais de la préparation militaire (2).
Parmi les mesures mises en œuvre pour pallier la déflation des PMS, figure le recrutement direct dans les grandes écoles et les facultés. La Marine a montré la voie depuis longtemps, puisqu’elle recrute ainsi 80 % de ses EOR. L’Armée de l’air est en retrait (5 % en 1989), parce qu’elle trouve dans ses centres d’instruction une ressource répondant aux qualifications recherchées. L’Armée de terre a entrepris un effort de recrutement direct : 275 hauts niveaux en 1988-1989, probablement plus de 300 en 1989-1990. Ces bons résultats sont dus à la fois à l’information dispensée dans les établissements par des aspirants du contingent bien choisis, et à la demande des chefs d’établissement (HEC compris) et d’entreprise, qui souhaitent que les futurs cadres acquièrent une expérience de commandement. Désormais la motivation pour les EOR tend à concurrencer le volontariat pour les Volontaires du service national d’entreprise (VSNE).
Le niveau scolaire des EOR a ainsi atteint une bonne valeur, que la thèse du colonel de réserve Mifsud a mise en lumière (3). Tous les EOR sont désormais bacheliers, et 45 % possèdent le niveau bac +4 et 5, soit 1 460 dans l’Armée de terre, 475 dans la Marine et 30 dans l’Armée de l’air. En plus de 140 scientifiques du contingent, la Marine recrute une centaine d’assistants scientifiques dits matelots enseignants.
Les conditions d’instruction sont assez différentes d’une armée à l’autre, sauf pour la PMS qui comprend 5 jours d’instruction et 3 semaines de stage. Les durées de formation de la Marine sont de 3 mois pour les opérationnels, 1 mois pour les spécialités de soutien. Dans les autres armées, elle est de 4 mois pour les titulaires de la PMS et les diplômés de haut niveau, de 5 mois pour les Volontaires service long (VSL) terre et pour les sélectionnés air. Dans l’Armée de l’air, et pour les spécialistes terre, une partie de cette formation est dispensée dans les unités d’affectation.
Les emplois tenus par les aspirants du contingent sont à 80 % des emplois opérationnels : chefs de section ou de peloton pour les Armées de terre et de l’air, et les fusiliers marins, chefs de quart ou d’équipe de techniciens pour la Marine. Pour les fonctions opérationnelles, le volontariat pour un service long de 16 mois est imposé par la Marine (310 postes), et recommandé par l’Armée de terre (320 postes en unité de combat). L’Armée de l’air n’en a que 85. Des fonctions plus spécialisées sont d’autre part confiées aux EOR, parfois en remplacement d’officiers d’active (état-major, cabinet, relations publiques, administration, etc.). Ils s’y adaptent rapidement et y donnent toute satisfaction. Les EOR sont nommés aspirant à 4 ou 6 mois, selon qu’ils ont fait la PMS ou non, sous-lieutenant et enseigne de vaisseau de 2e classe à 12 mois de service pour les VSL (4). À l’issue du service, un certain nombre d’aspirants servent en situation d’activité (20 ans maximum) ou reçoivent un emploi dans les réserves.
Dans l’ensemble, les armées sont satisfaites de la qualité des EOR qu’elles reçoivent, qu’ils soient agrégés ou simples bacheliers. Les directions de personnels s’efforcent en permanence d’améliorer les méthodes de recrutement, et de diversifier les emplois confiés aux aspirants du contingent : l’expérience a montré qu’on pouvait faire confiance à ces jeunes de haut niveau. La ressource en diplômés, surabondante, suffit à répondre à la fois aux besoins du service militaire et des services civils. Peut-être la réflexion devrait-elle porter sur l’utilisation de ceux qui ne sont retenus ni par l’un ni par les autres, sur la possibilité de pallier le déficit des cadres d’active en augmentant le nombre des EOR, et de développer d’autres formes de service national (voir chronique de janvier 1990). ♦
(1) En raison du non-recouvrement des périodes de référence, les chiffres cités sont des ordres de grandeur.
(2) Le report à 24 ans, qui présente l’autre inconvénient de vieillir le contingent, profite cependant à l’ensemble des bacheliers, dont la moyenne obtient le baccalauréat à 20 ans.
(3) Voir « La nation française en armes », dans les excellents Cahiers de Mars (n° 4/1989).
(4) La solde des EOR est de 450 francs, celle des aspirants de 1 350 (2 700 pour les VSL), des sous-lieutenants de 3 600 (taux célibataire, en métropole, à terre).