Défense en France - La reconversion des militaires dans la vie civile (I)
En permanence les armées rendent à la vie civile les personnels qui excèdent leurs besoins quantitatifs et qualitatifs. Sans doute le dégagement des cadres prend-il une importance accrue à la fin des conflits : on se souvient des situations difficiles qu’ont rencontrées les demi-soldes après 1815 et les « dégagés » de 1945. Le même phénomène s’est reproduit à la fin de la guerre d’Algérie, où il a fallu en trois ans congédier 270 000 militaires de carrière ou sous contrat. Mais ce phénomène n’est pas seulement lié à la conjoncture guerrière. L’encadrement des armées exige en effet des hommes jeunes, en pleine possession de leurs moyens. D’autre part la structure pyramidale des armées exclut que tous les jeunes cadres accèdent aux plus hautes fonctions ; le système de promotion au mérite des officiers en particulier favorise les plus jeunes et élimine, à qualité égale, ceux qui n’ont pas bénéficié d’un avancement rapide. Enfin, les réductions d’effectifs fixées par la loi augmentent encore le flux annuel des départs. La disponibilité des forces et leur efficacité opérationnelle imposent donc tout un arsenal de mesures pour encourager les départs. Il s’ensuit que 80 % des militaires d’active ont quitté le service à l’âge de 50 ans.
Diverses mesures législatives et statutaires contribuent à organiser les flux de départs : abaissement des limites d’âge par les lois de 1925, 1940 et 1943, droit précoce à une retraite proportionnelle à la durée des services, mise en disponibilité avec jouissance d’un tiers de solde (loi de 1925). En 1943 fut créé le Bureau de reclassement des militaires de carrière (BRMC), qui jouait le rôle d’un office de placement. En 1962, l’importance de la déflation fit prendre en considération toutes les dimensions du problème. Quelques années plus tard, l’évolution des mentalités et des politiques sociales ont conduit les plus hautes autorités de l’État à reconnaître la seconde carrière des militaires comme relevant du droit au travail (1). On a donc favorisé la reconversion des officiers en instituant une aide officielle, sous forme d’intégration dans la fonction publique et de stages d’initiation aux affaires (2). Cette aide a ensuite été étendue aux sous-officiers, puis aux conjoints, tandis que l’insertion professionnelle des Militaires du rang (MDR), engagés et appelés, était progressivement prise en compte.
La nécessité d’une deuxième carrière a fini par s’imposer pour des raisons matérielles et morales. La pension proportionnelle accordée par l’État n’est pas en effet une véritable retraite. Pour le cadre qui se retire au moment où il a des charges de famille encore lourdes, et parfois un endettement immobilier, elle représente une régression de revenus. La pension accordée est surtout une compensation reconnue par l’État pour les servitudes du métier militaire (mobilité, risques encourus, séparation familiale, astreintes de service). Le deuxième emploi constitue une mesure de justice pour les veuves bénéficiant d’une pension de réversion. Considéré comme un droit acquis par les pensionnés qui poursuivent une activité professionnelle, sa remise en cause en 1982 et 1985 a été très mal ressentie par l’ensemble de la communauté militaire, dont les associations se sont constituées en groupe de défense (UNCAM, Union nationale de coordination des associations militaires).
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