L'auteur étudie la genèse des conceptions ayant présidé à la nouvelle conduite de la guerre allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, résume les principaux traits, rappelle l’extraordinaire et brutal succès, ensuite le déclin, d’abord lent, puis de plus en plus précipité sous les réactions issues de son action même, afin d’en dégager quelques conclusions, au moins provisoires.
De la guerre des moteurs à l'arme secrète
Les événements les plus récents ne sont pas toujours les mieux compris, ni même les mieux observés. L’Histoire seule simplifie. Peut-être donc, n’est-il pas inutile de prendre, dès maintenant, une vue d’ensemble des doctrines et des procédés qui, nés des événements, ont tour à tour inspiré et régi la bataille. Cette étude exige une prudence extrême. Elle ne peut que signaler à la curiosité du lecteur les problèmes importants. Nous voulons lui garder une certaine unité en la centrant autour de la grande instigatrice et de la plus longue actrice de ce long drame : la Wehrmacht. Nous nous proposons d’étudier la genèse des conceptions qui ont présidé à la nouvelle conduite de la guerre allemande, d’essayer d’en résumer les principaux traits, d’en rappeler sommairement l’extraordinaire et brutal succès, ensuite le déclin, d’abord lent, puis de plus en plus précipité sous les réactions issues de son action même, afin de tenter d’en dégager quelques conclusions, au moins provisoires.
Trop de nos concitoyens s’imaginent encore volontiers que la guerre n’est toujours affaire que de professionnels. La guerre est désormais l’affaire de la nation tout entière. Il nous est difficile à nous, Français, peuple unanimement pacifique et respectueux du droit des autres nations, de saisir ce que représente la guerre aux yeux du peuple allemand. « La guerre est mère de tout », a dit Nietzsche après Héraclite. Elle est la condition de l’existence et de la grandeur du « Volk ». L’État allemand, cette réalité « Terrestre divine » de Fichte et d’Hegel, ne peut se réaliser qu’en opposant le « peuple » au « non-peuple », qu’en forgeant « par le fer et par le feu » d’abord l’Allemagne, ensuite l’Europe allemande. Le territoire allemand, mal délimité, généralement peu fertile, recouvre par contre un sous-sol extraordinairement fécond. Une industrie géante est née, puis tirant parti, tour à tour des victoires de Bismarck et des défaites de Guillaume II, s’est développée à la mesure du continent. Des faillites successives, en l’enflant encore, ont justifié une politique de repliement économique, de resserrement alimentaire et de concentration de force, d’autarcie, en un mot — quelle tentation pour une population prolifique, industrieuse et guerrière, sans espace et sans pain, d’écouter les voix tentatrices du sang et de la race, nouvelles « Lorelei » !
Issu des plus basses souches du peuple et des derniers rangs de l’armée, un primaire, à la fois inspiré et retors, animé d’une énergie farouche, doué d’une éloquence propre à enflammer les foules, Adolf Hitler vulgarise le nouvel Évangile de la Force lentement élaboré par les penseurs et les savants. Plébiscité par le Suffrage universel, il s’empare du pouvoir et conquiert sur les masses une domination plus absolue que n’en connurent jamais les plus puissants empereurs germaniques. Tous les thèmes d’une propagande prodigieusement orchestrée éveillent dans l’âme allemande d’extraordinaires résonances. La race allemande pure de tout alliage est faite pour dominer le monde. Il faut forger à nouveau l’épée allemande. Il faut refaire la Grande Allemagne, lui rendre l’espace adéquat à sa population pléthorique. Hitler a, dès la prise du pouvoir, rendu du travail à 6 millions de chômeurs, régénéré une industrie lourde que seule surclasse l’Amérique. Il transpose sur le plan mondial le dogme de la lutte des classes formulé par un autre Allemand, Karl Marx. Le peuple allemand doit être le « Peuple des Seigneurs ». Concentration de pouvoir, industrie colossale, mystique raciste, pression démographique, dumping économique, tout cela postule l’hégémonie, donc la guerre.
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