Marine - L'hélicoptère embarqué
Quelques repères chronologiques…
À la veille de la Première Guerre mondiale (1914-1918), le capitaine de vaisseau René Daveluy, donnant sa conception de l’aéronautique navale naissante, la voyait composée d’avions lourds basés à terre et d’aéronefs légers embarqués soit en groupe sur un même navire – on se souvient du transport d’hydravions Commandant Teste, ancêtre du porte-avions – soit isolément sur différents types de bâtiments tels que les croiseurs et les cuirassés. Cette classification préfigurait, non sans acuité, la réalité d’aujourd’hui avec les grandes composantes que sont l’aviation de patrouille maritime, les porte-avions et leur groupe aérien, et les hélicoptères embarqués.
S’agissant de l’hélicoptère, longtemps après les premières esquisses de l’inventeur que lui prête l’histoire, Léonard de Vinci, il effectua son premier vol en France, puis, fut mis au point et construit en série aux États-Unis à partir de 1943. Durant les hostilités, l’appareil à voilure tournante montra rapidement ses qualités, complémentaires de celles de l’avion. En France, il fit son apparition dans l’aéronautique navale dans les années cinquante.
En 1961, le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc est lancé à Brest et l’année suivante on embarque pour la première fois une Alouette (hélicoptère léger polyvalent) sur un bâtiment non spécialisé, l’escorteur La Galissonnière. Après cette expérience, la présence de l’hélicoptère à bord des frégates et des corvettes commence à se généraliser, et à partir de 1974, considérée comme année de référence, on ne conçoit plus le bâtiment de surface sans la précieuse complémentarité de l’hélicoptère. D’abord limité, son emploi va s’étendre à de nombreux domaines, grâce aux améliorations continuelles de la technique (aérodynamique, utilisation de matériaux composites, motorisation, avionique…).
…et tactiques
Sa manœuvrabilité et l’atout que constitue le vol stationnaire désignaient tout naturellement l’hélicoptère pour diverses tâches de soutien et de servitude : transport de personnel, transfert de charges, sauvetage en mer. Facteur de sécurité, il s’en acquitte avec une extrême souplesse. Autour du porte-avions, la silhouette de l’hélicoptère « Pedro » prêt à porter assistance aux pilotes est désormais familière. L’aéronef est particulièrement utile pour les liaisons de bâtiment à bâtiment et simplifie les manœuvres au sein d’une force navale.
C’est avec la lutte anti-sous-marine que l’hélicoptère embarqué va devenir un élément majeur du système d’armes du navire. En effet, la mise en service des sonars basse fréquence fit avancer considérablement la détection ASM (anti sous-marine) : les progrès portaient essentiellement sur les distances de détection. Mais pour intervenir avec quelques chances de succès sur un contact sous-marin à grande distance, il fallait pouvoir en effectuer une classification et une localisation précise, et délivrer une arme en demeurant, si possible, hors de portée de l’ennemi. Pour ce faire, l’hélicoptère s’imposait. Discret parce qu’il évolue dans un autre milieu que lui, l’hélicoptère se mit à traquer le sous-marin à l’aide d’un détecteur d’anomalies magnétiques puis, grâce à la capacité de vol stationnaire, à un sonar « trempé ». Il fait aujourd’hui peser sur le sous-marin la menace de ses moyens de détection immergés performants (sonars, bouées acoustiques) et de ses armes (torpilles).
Il faut rappeler ici la mission première du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, utilisé en temps de paix comme bâtiment-école pour la formation des officiers de marine, mais conçu pour mettre en œuvre des hélicoptères lourds à vocation ASM. En version « guerre », la Jeanne d’Arc pourrait aussi servir de porte-hélicoptères d’assaut ou de transport de troupes.
La lutte antisurface devait également bénéficier des remarquables qualités de l’hélicoptère. Devant le développement spectaculaire des missiles antinavires, l’appareil offrait l’avantage d’augmenter notablement l’allonge du bâtiment. Précédant le navire qui le porte et s’élevant au-dessus de lui, il améliore nettement ses capacités d’information et élargit son champ d’action : identification, tenue de situation, désignation d’objectif au-delà de l’horizon…
Le tandem hélicoptère-bâtiment porteur
L’efficacité du tandem – qui n’a plus à être démontrée – réclame tout à la fois un hélicoptère spécifique et un porteur adapté.
Le bâtiment porteur est désormais construit pour un hélicoptère d’un type donné. Les diverses installations qu’exige la présence de l’aéronef – dimensions et résistance de la plate-forme, volume du hangar, soute pour le stockage des munitions, locaux de maintenance – ne sont pas sans conséquences sur la taille et sur le tonnage du navire. La mise en œuvre de l’appareil nécessite aussi une plate-forme stabilisée où l’effet du roulis sera moins sensible, et un « harpon » destiné à faciliter l’immobilisation à l’appontage.
Quant à l’hélicoptère embarqué, il lui est difficile d’être un appareil civil qu’on aurait simplement « navalisé ». Les particularités du milieu marin et les contraintes de mise en œuvre qu’il implique justifient, à elles seules, la création de véritables hélicoptères navals, comme le Westland WG.13 Lynx qui équipe actuellement nos frégates. Cet hélicoptère, dit « réactif », est dépendant du bâtiment porteur qui traite les informations. Limité par sa masse, il ne peut emporter armes et équipements que pour un type de mission bien défini.
Les hélicoptères de l’an 2000
Disposer d’un hélicoptère « multifonctions » est l’un des impératifs opérationnels, auxquels sont venues s’ajouter des considérations politiques, économiques et industrielles, qui ont présidé à l’étude d’un hélicoptère moyen-lourd, dont la version navale était à l’origine destinée à la future frégate de l’Otan. On sait que la France s’est retirée l’an dernier du projet NFR-90. En revanche, celui d’un hélicoptère naval de neuf tonnes, conçu et réalisé en commun par plusieurs marines occidentales, est toujours à l’examen. Parce qu’ils possèdent des hélicoptères de cette classe, comme le Sikorsky SH-60 Seahawk, les États-Unis ont renoncé à cette coopération, mais quatre partenaires européens y travaillent toujours et viennent de mettre un terme aux études de préfaisabilité et de définition de l’appareil. L’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et la France espèrent aujourd’hui s’accorder sur les objectifs opérationnels, les coûts et les échéanciers.
Le NHIndustries NH-90 et le Sud-Aviation SA365 Dauphin
Pour la marine nationale, le NH-90 est un programme majeur qui doit permettre de remplacer, à la fin du siècle, les Lynx et les Sud-Aviation SA321 Super-Frelon par un hélicoptère unique. L’architecture de l’appareil autorise son embarquement sur les bâtiments existants sans obliger à modifier de façon importante leurs installations d’aviation actuelles. En outre, grâce à la polyvalence du système d’armes, le NH-90 pourra assurer les missions de lutte ASM et de lutte ASF (au-dessus de la surface) en totale complémentarité avec le porteur. Enfin, sa capacité d’emport est telle qu’on prévoit une version cargo pour les missions d’hélitransport opérationnel.
On cherche cependant à réduire encore la masse à vide de l’appareil, et par conséquent son coût, en ramenant le nombre des membres de l’équipage de quatre à trois : un pilote, un opérateur tactique et un copilote-opérateur armement. Une variante civile, pouvant transporter vingt passagers, est étudiée par ailleurs.
Au début du XXIe siècle, le parc d’hélicoptères embarqués de l’aéronautique navale devrait comporter trois types d’appareils : un hélicoptère moyen-lourd, un hélicoptère léger de combat et un hélicoptère léger de soutien. Pour ces deux derniers, la France a retenu le Dauphin.
En conclusion
L’avenir de l’hélicoptère reste intimement lié à celui du bâtiment de surface. Pour le futur, on évoque les appareils convertibles ou mixtes équipés de rotors orientables, avions à décollage vertical associant vitesse et maniabilité. Mais les performances des prototypes d’avions convertibles sont plus faibles qu’escomptées et les drones sans pilote n’ont pas encore atteint leur maturité. Il convient toutefois de suivre attentivement l’évolution de ces engins qui pourraient à long terme supplanter les hélicoptères à l’arrière des frégates. ♦