In Memoriam - Georges Pompidou
La mort dépouille celui qui vient de succomber de tout ce qui n’est plus l’essentiel, et fait apparaître tout-à-coup les traits profonds et durables de sa vie.
Ainsi de Georges Pompidou, et du souvenir qu’il laissera dans nos mémoires et dans l’Histoire.
Le destin de celui qui fut pendant si longtemps le collaborateur du Général de Gaulle avant d’en être le Premier Ministre pendant six ans et le successeur pendant cinq ans, apparaît maintenant, en pleine lumière, comme marqué d’une grande passion : celle de l’indépendance. Mais aussi d’une conviction : que, pour un pays comme le nôtre, l’indépendance ne va pas sans la puissance qui la garantit et la préserve.
Qui ne voit que la volonté d’indépendance – qui fut au cœur même de l’action du Général de Gaulle – a sous-tendu tous les efforts, toutes les démarches, toutes les initiatives, tous les combats qui ont jalonné les cinq années durant lesquelles Georges Pompidou a gouverné la France ? Pour lui, l’enjeu était si capital qu’il considéra toujours comme son premier devoir de chef de l’État d’affronter, pour sauver l’indépendance nationale, les menaces, les tempêtes, les conjurations, ou, plus simplement, les tentations quotidiennes de la facilité et de l’abandon. Il le fit à sa manière, qui était celle d’un homme équilibré, sachant prendre la mesure des choses mais qui gardait au fond de lui-même la plus inébranlable volonté dès lors qu’étaient en cause les grandes querelles qu’il soutenait.
Mais c’était un homme de son siècle et rien de ce qui fait le monde moderne ne lui échappait. C’est dire qu’il a su discerner, avec la plus rigoureuse lucidité, quelles étaient aujourd’hui les conditions de la puissance, garantie de notre indépendance.
De là son attachement à cette grande tâche qui est de faire de la France une véritable puissance industrielle. Il savait que là n’était pas seulement la base du progrès social qu’il voulait promouvoir mais aussi la condition indispensable pour que notre pays puisse peser de tout son poids dans le monde tel qu’il est. Aux hommes épris de justice et de paix, son action rappelait — et rappellera toujours — que l’une et l’autre supposent la force économique et l’équilibre entre les nations.
Aujourd’hui comme hier, l’indépendance de la France suppose la puissance militaire. À notre époque, et pour une nation de notre dimension, cela veut dire la puissance nucléaire. Le choix historique fait par notre pays en faveur d’une force nationale de dissuasion fut aussi celui de Georges Pompidou. Quand le général de Gaulle quitta le pouvoir, certains purent s’interroger sur la poursuite de l’entreprise : la réponse qu’apporta Georges Pompidou fut la résolution inébranlable de maintenir le choix de la France. Et l’on sait combien il dut, pour cela, affronter de pressions, d’intrigues et d’objurgations. Si nous atteignons aujourd’hui au degré de puissance nucléaire qui est le nôtre, c’est à cinq ans d’efforts délibérément poursuivis sous l’autorité de Georges Pompidou que nous le devons.
Il savait aussi qu’il n’y a pas d’indépendance qui vaille, ni de puissance crédible si le peuple tout entier s’abandonne et renonce à croire qu’il y va de son destin. Georges Pompidou n’a jamais manqué une occasion de rappeler que la Patrie demeurait la valeur suprême, sur quoi se fonde la cohésion nationale, et que le patriotisme est par conséquent pour un peuple la première des vertus. Il a rappelé aux Français, en particulier aux plus jeunes d’entre eux que, loin d’être « dépassée, la Patrie est indissociable de la liberté et du bonheur de chacun ». Trop de peuples, dans le monde entier, font tragiquement l’expérience du lien indissoluble qui existe entre l’indépendance nationale et le libre choix de chacun, entre la défense de la Patrie et la possibilité pour les citoyens de déterminer leur propre avenir, pour que ce rappel ne soit pas essentiel.
Telle est en effet l’éternelle actualité du patriotisme. Telle est aussi l’éternelle actualité de l’enseignement que nous a laissé Georges Pompidou.
Sachons ne jamais l’oublier ! ♦