La lente évolution de l’assistance militaire aux États étrangers s’est faite par le développement des capacités de souveraineté, la normalisation démocratique et stratégique, et aujourd’hui la soustraitance à des sociétés de services militaires, extensions informelles des États. Cette externalisation s’impose de plus en plus comme un axe de recomposition critique de la stratégie indirecte des grandes puissances.
Assistance militaire aux États étrangers : une diplomatie sous pression
Military Assistance to Foreign States: Diplomacy Under Pressure
The slow evolution of military assistance to foreign states occurs through the development of sovereign capacities, democratic and strategic normalization, and today, the subcontracting of military service societies as informal extensions of states. This externalization imposes itself more and more as a line of critical re-composition concerning indirect strategy of great power.
La France dispose aujourd’hui, avec la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), organe du Quai d’Orsay, et le programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp), rattaché au bureau Afrique de l’état-major des armées (EMA), d’un dispositif de coopération militaire d’une grande efficacité par rapport à ses dimensions budgétaires et humaines. La DCSD a une fonction amont et gère la coopération structurelle sur le moyen et le long terme dans un but de prévention des crises tandis que l’EMA pilote en aval la coopération opérationnelle dans une optique davantage immédiate de gestion des crises.
L’Afrique subsaharienne, terre d’élection historique de l’influence française, agrège aujourd’hui 70 % des formations et des missions gérées par la DCSD (300 par an au total pour un budget d’une centaine de millions d’euros), le reste se répartissant entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (15 %), l’Asie (7 %), l’Europe (5 %) et le continent américain (3 %). L’Afrique reste donc la principale plateforme d’accueil de la politique de coopération militaire et de sécurité de la France. Avec un contingent de 350 coopérants permanents (269 militaires, 50 gendarmes, 47 policiers et 2 sapeurs-pompiers), la DCSD a ainsi formé l’année dernière directement 2 000 stagiaires en France et localement 2 400 dans les Écoles nationales à vocation régionale (ENVR) qui représentent, à travers la diffusion de notre langue, un outil d’influence fondamental. En tout, plus de 10 000 stagiaires étrangers ont ainsi pu bénéficier d’un apprentissage de la langue française et 36 000 soldats et policiers étrangers ont été touchés au total par son action. Grâce à ce dispositif, la France peut encore se flatter d’exercer une influence majeure en Afrique, l’histoire et la longue expérience de nos militaires sur le continent y étant pour beaucoup. Notre pays continue, notamment grâce à son capital linguistique dont la valeur ajoutée est immense, à jouir d’un léger temps d’avance sur les deux principales puissances que sont les États-Unis et la Chine, pour lesquels les ressources fossiles et minières du continent africain constituent sans doute la priorité stratégique.
Il conviendrait donc dans l’idéal, à défaut de pouvoir le faire monter en puissance, de sanctuariser l’actuel dispositif. Ce serait néanmoins faire fi des contraintes budgétaires liées à la crise économique qui affecteront en priorité sur la défense. Un certain nombre d’inconnues vont peser à l’avenir et pèsent déjà sur la capacité de notre pays à maintenir cet effort et à en assurer la pérennité et l’intégrité sur le moyen et le long terme. Rappelons que sur les 105 millions d’euros du budget de la DCSD, 60 % sont consacrés à la masse salariale. Une Armée de terre réduite à 90 000 hommes n’aura plus les moyens de remplir les missions périphériques qui sont actuellement les siennes et n’aura d’autre choix que d’opérer un repli capacitaire et budgétaire sur son cœur de métier.
Il reste 81 % de l'article à lire