Dans cette chronique circonstanciée des difficultés que rencontrent les relèves de pouvoir au Sénégal et au Mali, l’auteur montre que l’État de droit progresse tant bien que mal en Afrique de l’Ouest et que les organisations régionales africaines, grâce au soutien international qu’elles reçoivent, y contribuent.
Fragilités de la démocratie et de l’État de droit en Afrique de l’Ouest
Weaknesses of Democracy and the Rule of Law in Western Africa
In this column particularizing the difficulties that meet the development of power in Senegal and Mali, the author shows that the Rule of Law progresses equally successfully and poorly in Western Africa and that regional African organizations, thanks to international support they receive, contribute to it.
La démocratie et l’État de droit sont des plantes fragiles. La « parenthèse » de Vichy ou le putsch des généraux à Alger en 1961, pour prendre des exemples français, montrent que rien n’est jamais acquis et incitent à l’humilité quiconque voudrait jouer les donneurs de leçon. À l’évidence en Afrique, l’enracinement desdites plantes est difficile et leur épanouissement incertain. Au printemps 2012, l’Afrique de l’Ouest s’est révélée un terreau délétère avec une élection présidentielle a priori périlleuse au Sénégal en février-mars, un coup d’État au Mali le 22 mars, suivi d’un autre en Guinée-Bissau le 12 avril. Si dans ce dernier cas, les changements non constitutionnels sévissent à l’état endémique sur fond de trafic de drogue, en revanche le Sénégal et le Mali sont, jusque-là, présentés comme deux des pays africains pratiquant l’alternance démocratique de longue date (tout comme le Bénin depuis 1991 ou le Ghana depuis 1992). Le Mali le fait depuis 1992 et le Sénégal constitue à cet égard un idéal type, puisqu’il n’a jamais connu de coup d’État depuis son indépendance en 1960. Pourtant, début 2012, se sont manifestées dans ces deux pays des fragilités paradoxales. Le paradoxe s’est retourné contre le Mali aux racines affaiblies en profondeur.
Les paradoxes de la fragilité africaine
Au printemps 2012, le paradoxe tient à ce que depuis un certain temps, les plus grands risques pour la démocratie et l’État de droit semblent courus au Sénégal avec la perspective d’une élection présidentielle problématique, alors qu’au Mali, certes aux prises avec des difficultés dans le nord du pays, les règles du jeu électorales et constitutionnelles sont, semble-t-il, appelées à fonctionner normalement. Puis, en l’espace de trois jours, entre le 22 et le 25 mars, le Mali bascule dans la violation de l’ordre constitutionnel alors que le Sénégal connaît une alternance politique exemplaire. Les fragilités ne sont pas toujours là où on les attendait.
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