Marine - Le Rafale marine : situation du programme
Le 21 avril 1988, la Direction [technique] des constructions aéronautiques commandait à la société Dassault Aviation le développement du programme Rafale, avion destiné à remplacer progressivement, à partir de la fin du siècle, les avions de chasse de l’Armée de l’air et de la Marine.
Le 19 avril 1993, soit pratiquement cinq ans après jour pour jour, le Rafale prototype M01 effectuait son premier appontage sur le porte-avions Foch. Cet événement largement commenté dans la presse constitue une étape importante du programme en confirmant la justesse du choix de la formule aérodynamique retenue : avion à aile delta avec canards frontaux. D’autres échéances attendent cependant encore le Rafale avant sa première mise en service opérationnelle dans l’aéronautique navale. À mi-parcours du développement, il est donc intéressant de connaître l’état d’avancement du programme.
Un avion de combat commun à la Marine et à l’Armée de l’air
Auparavant, sans doute est-il bon de rappeler les objectifs du programme Rafale. L’avion est destiné à la fois à l’Armée de l’air et à la Marine ; les travaux de faisabilité qui remontent à 1979 ont eu pour objectif une communauté maximale étendue à l’ensemble des composants de l’avion, au système d’arme et à la maintenance, afin de limiter les coûts spécifiques de chaque version. Finalement, il convient davantage de parler de nuances entre avions plutôt que de versions différentes entre le monoplace air Rafale C, le monoplace Marine Rafale M et le biplace air Rafale B.
La complexité du système d’arme a conduit à mettre en place un plan de développement par étapes prévoyant trois standards successifs de série :
– le premier standard utilisateur SU0 est celui de la première flottille de Rafale M devant remplacer les Crusader ; ce sera un standard air-air caractérisé par une conduite de tir multicible employant les missiles Mica et Magic 2 ;
– le deuxième standard utilisateur SU1 ajoutera aux fonctions air-air du standard SU0 des fonctions air-sol ; ce sera le standard des avions des premiers escadrons de l’Armée de l’air fin 2000 ;
– le troisième standard utilisateur SU2 complétera les deux précédents par l’introduction d’équipements et d’armements nouveaux, comme l’équipement d’optronique secteur frontal (OSF), ainsi que par l’extension des principales fonctions opérationnelles ; ce standard équipera les avions air ainsi que les avions Marine devant remplacer les Super-Étendard à partir de 2005.
Un avion de combat performant et puissant
De par son allonge, sa puissance de frappe, sa capacité à opérer de jour et de nuit même par conditions météorologiques dégradées, le Rafale M augmentera de façon considérable les capacités d’action des porte-avions : il emportera deux fois plus d’armements deux fois plus loin qu’un Super-Étendard ou qu’un Crusader dans des conditions de sûreté accrues et avec une vulnérabilité moindre.
Sa pleine efficacité reposera sur sa bonne intégration au système de combat de la plateforme à partir de laquelle il sera mis en œuvre. Demain, le Rafale M, bras armé de la force aéronavale, le Grumman E-2C Hawkeye, et leur plate-forme d’accueil le porte-avions Charles-de-Gaulle constitueront l’outil puissant dont la France et l’Europe auront besoin pour appuyer leurs actions diplomatiques et intervenir si nécessaire dans les relations interétatiques. C’est dans cette perspective que s’inscrit le programme Rafale M.
L’avancement du programme
La mise en service opérationnelle du Rafale M est prévue en 1998. Cinq ans après son lancement, qu’en est-il de l’avancement du programme ? Comme dans tout développement d’un matériel de haute technologie, ce programme est confronté à un certain nombre de difficultés et d’aléas. Les difficultés rencontrées sont de trois ordres : celles du programme avion lui-même, celles inhérentes aux programmes liés au Rafale et enfin celles dues aux incertitudes pesant aujourd’hui sur le budget de la Défense.
Pour ce qui concerne les premières, elles se rencontrent principalement dans le développement et la mise au point de quelques équipements majeurs (radar, système d’autoprotection Spectra). En particulier, les catapultages et appontages ont confirmé des contraintes de mise en œuvre sévères qui incitent à améliorer encore la tenue aux chocs de quelques équipements (Radar, OSF, Spectra…). À ce jour, toutes les difficultés identifiées sur le programme doivent pouvoir être résolues dans des délais compatibles avec la livraison des avions de série.
Pour ce qui concerne les secondes, l’aboutissement de certains programmes importants (porte-avions Charles-de-Gaulle, missile air-air Mica, système de communication Saturn pour la phonie et MIDS pour la liaison de données tactiques, système de préparation et de restitution de mission…) est essentiel pour le programme Rafale. Les officiers et équipes de programme sont extrêmement attentifs au déroulement de tous ces programmes. Des structures de concertation ont d’ailleurs été mises en place afin de veiller à leur cohérence tant technique que calendaire. Aujourd’hui, cette cohérence est une réalité.
Enfin, les turbulences budgétaires actuelles n’épargnent pas le programme Rafale ; leur incidence est en cours d’examen par les états-majors et la Délégation générale pour l’armement (DGA).
Toutes ces difficultés ne doivent cependant pas occulter les réussites du programme, au rang desquelles il convient de citer : la remarquable fiabilité du moteur M88-2 ; l’excellent comportement de l’avion en vol, au catapultage et à l’appontage grâce à des commandes de vol électriques très performantes ; l’adéquation des performances avion aux dispositifs de mise en œuvre du porte-avions Foch (catapultes, brins d’arrêt, ascenseur) ; la mise en place d’un plan de soutien logistique intégré prenant en compte dès le développement l’ensemble des éléments (documentation, instruction, formation, infrastructure…) qui interviendront dans la mise en œuvre de l’appareil en unité opérationnelle.
Dès à présent, on peut affirmer que le rendez-vous du porteur (moteur, cellule) sera acquis. L’effort doit désormais porter sur la poursuite du développement et la mise au point du système d’arme.
Les prochains essais du Rafale M
Fin octobre 1993, un 4e prototype, le Rafale M02, viendra rejoindre la flotte des avions d’essais. Avec ou sans alternance avec le premier prototype Marine, il permettra de mener à leur terme les essais spécifiques au porte-avions à l’occasion de campagnes à terre, à Lakehurst (États-Unis), pour valider le catapultage de l’avion en configurations air-air en octobre 1993, puis en mai 1994 celui de l’avion dans les configurations air-sol qui seront mises en œuvre à partir du porte-avions Charles-de-Gaulle ; à bord du Foch en janvier 1994, juillet 1994 et avril 1995 ; à bord du Charles-de-Gaulle à partir de mi-1997.
Ces campagnes permettront d’étendre le domaine d’utilisation de l’avion, de vérifier la tenue des équipements et l’aptitude à la mise en œuvre et à la maintenance sur porte-avions.
Un rendez-vous impérieux pour le Rafale M
L’appontage du Rafale M01 sur le porte-avions Foch était une étape importante : elle a été franchie avec succès. Elle concrétise la maîtrise technologique de nos industriels. La deuxième phase du développement du programme – déjà entamée – est l’intégration du système d’arme et des capteurs à l’avion. C’est un défi technique difficile, mais rien aujourd’hui ne permet de penser qu’il ne pourra être gagné. Pour la Marine, ce défi s’inscrit dans un calendrier serré, car le remplacement de ses Crusader à partir de 1998 (ils auront alors 34 ans !) par des Rafale est, faute d’autre solution, impérieux. ♦