Armée de terre - La réforme de l'Enseignement militaire supérieur de l'Armée de terre
L’Armée de terre est engagée depuis 1991 dans une mutation profonde provoquée par la succession rapide d’événements d’ampleur internationale (disparition du Pacte de Varsovie, guerre du Golfe…) et la prise en compte de facteurs d’évolution majeurs qu’elle ne pouvait ignorer. Parmi ceux-ci, la nécessité de développer à tous les niveaux, notamment à celui des centres décisionnels, l’interopérabilité et l’interarmisation, a conduit à anticiper résolument les réformes engagées par ailleurs dans l’enseignement militaire supérieur (création du Collège interarmées de défense).
Ainsi, dès 1991, le général chef d’état-major posait les fondements du futur cursus de l’Enseignement militaire supérieur de l’Armée de terre : cohérence avec les scolarités de l’École spéciale militaire (ESM) de Saint-Cyr et de l’École militaire interarmes (EMIA), passées depuis 1986 respectivement à 3 ans et 2 ans, au lieu de 2 et 1 an : rétablissement de l’École d’état-major (EEM) dans sa vocation première qui est de former les officiers rédacteurs des états-majors des forces ou de Circonscription militaire de défense (CMD) ; affirmation de la spécificité du combat terrestre qui s’exprime par la capacité à « contrôler le milieu dans la durée » et dont la maîtrise doit anticiper l’enseignement dispensé par le Collège interarmées de défense (CID).
La création du CID le 1er septembre 1993 et, par voie de conséquence, la dissolution des trois Écoles de guerre d’armée, de l’École supérieure de guerre interarmées (Esgi) et du Cours supérieur interarmées (CSI), ont ainsi créé l’occasion de mettre en œuvre une réforme mûrie depuis 2 ans dans le contexte plus général de l’ambitieuse réflexion engagée par l’Armée de terre pour la Modernisation de sa fonction « personnel » (MFP).
L’architecture globale du projet reste inchangée : les deux niveaux (EMS1 et EMS2) et les deux voies – état-major et Enseignement militaire supérieur scientifique et technique (EMSST) – sont préservés selon la logique de l’adaptation de la formation à l’emploi qui constitue le fondement de la MFP. Les évolutions concernent essentiellement l’École d’état-major et le Cours supérieur d’état-major (CSEM) qui s’est substitué depuis le 1er septembre 1993 à la première année de l’École supérieure de guerre.
L’École d’état-major
Les conditions d’accès à l’École d’état-major ont été modifiées pour tenir compte de l’allongement de la durée des scolarités à Coëtquidan. Ainsi pourront prétendre y accéder sur titre les officiers des recrutements direct ou semi-direct, ou titulaires d’un diplôme de fin d’études de 1er cycle universitaire. Tous les corps d’officiers et les services communs sont concernés. Les officiers du corps des officiers des armes accéderont à l’École d’état-major immédiatement à l’issue de leur temps de commandement d’unité élémentaire. Deux sessions de 5 mois sont prévues chaque année. Le diplôme d’état-major sera attribué aux officiers qui auront passé avec succès un examen de fin de stage.
Ces dispositions entreront en vigueur en septembre 1995. Cependant, le principe de l’accès sur concours sera maintenu jusqu’en 1998 au profit des officiers qui ne rempliront pas les nouvelles conditions de candidature, mais qui pourraient être candidats suivant les anciennes. Ces officiers bénéficieront de stages courts de 13 semaines.
De cette façon, l’Armée de terre disposera d’un nombre accru d’officiers – ce qui est indispensable en raison des besoins nouveaux – immédiatement comme rédacteurs en état-major, rompant ainsi délibérément avec les habitudes prises au fil des années et des réformes successives d’orienter en priorité vers l’École d’état-major les officiers n’ayant pas vocation à accéder ou ayant échoué à l’un des concours du 2e niveau.
Seuls les officiers titulaires du diplôme d’état-major pourront prétendre accéder à l’une des scolarités du 2e niveau (voie état-major ou voie EMSST) par le biais de l’un des concours de l’EMS2 dont le principe et l’économie générale ne sont pas remis en cause. Des mesures d’accompagnement sont prévues au profit des officiers des recrutements tardif et semi-direct tardif pour poursuivre la formation aux techniques d’état-major des meilleurs d’entre eux. Dans ce but, ces officiers seront orientés préférentiellement vers l’examen du Diplôme militaire supérieur (DMS), puis en cas de succès et en fonction de l’affectation prévue ultérieurement, ils suivront un stage court de formation au sein de la Direction de l’enseignement militaire supérieur de l’Armée de terre (Demsat).
Le Cours supérieur d’état-major (CSEM)
Le Cours supérieur d’état-major s’est substitué le 1er septembre 1993 à l’École supérieure de guerre. En fait, cette évolution s’inscrit dans la continuité car, sous la nouvelle appellation de CSEM, le sérieux des études, la modernité de l’enseignement et l’ouverture d’esprit qui ont fait la réputation de l’ESG depuis sa création resteront les références des jeunes officiers de l’Armée de terre sélectionnés pour se voir confier des postes de responsabilité. Cette filiation est d’ailleurs réalisée par le maintien des numérotations de promotion.
Le CSEM concrétise l’affirmation de la spécificité du combat terrestre, qui requiert en effet la mise en œuvre combinée de grandes fonctions opérationnelles (contact, appui, C3I [Commandement, contrôle, communications et renseignement], logistique), elles-mêmes subdivisées en fonctions et sous-fonctions dont la complexité est liée à l’hétérogénéité et à la diversité des milieux et théâtres où l’Armée de terre pourrait être engagée. Cependant, pour tenir compte d’une part du passage à l’École d’état-major de tous les candidats potentiels à l’enseignement militaire supérieur du 2e degré, et d’autre part de l’existence dans le cycle d’enseignement du CID d’un module spécifique d’armée de 3 mois, sa durée, aujourd’hui d’une année, sera réduite ultérieurement à 5 mois.
Ce recrutement permettra de recentrer le CSEM sur la véritable spécificité des engagements terrestres en tenant compte des enseignements des crises actuelles, sans pour autant négliger les formes plus classiques du combat aéroterrestre. L’attribution du Brevet technique d’études militaires supérieures (BTEMS) sanctionnera l’enseignement du CSEM.
Le Collège interarmées de défense (CID)
Placé sous la responsabilité de l’État-major des armées (EMA), le Collège interarmées de défense regroupe des officiers français et étrangers des trois armées et de la Gendarmerie. Pour l’Armée de terre, l’accès au CID sera réservé aux officiers des deux voies « état-major » et « EMSST » issus du CSEM, en fonction des besoins en officiers destinés à tenir des fonctions à caractère interarmées.
L’enseignement du CID, d’une durée d’un an, vise à faire acquérir aux officiers stagiaires la capacité de concevoir et de conduire des opérations dans un contexte national, multinational ou interallié, d’exercer des responsabilités au sein des états-majors, de l’administration centrale ou d’organismes nationaux et internationaux, et à plus long terme des commandements importants et des fonctions de direction. Il sera sanctionné en fin d’études par l’attribution du Brevet d’études militaires supérieures (BEMS).
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Armée de haute technologie dotée de systèmes d’armes performants, l’Armée de terre de l’an 2000 sera avant tout un vaste système d’hommes, dont la compétence de chacun conditionnera fondamentalement la capacité opérationnelle.
À ce titre, la réforme conduite aujourd’hui dans l’enseignement militaire supérieur marque bien le souci du commandement de faire de la formation des cadres un système évolutif, tenant compte des mutations profondes du contexte géopolitique et, par là même, des contraintes structurelles que l’Armée de terre ne peut ignorer. Nul doute que l’enseignement militaire supérieur ainsi remodelé continuera de contribuer efficacement à fournir à la nation les officiers de qualité dont elle a besoin. ♦