Aéronautique - Le soutien aux opérations aériennes extérieures
Les nombreuses interventions extérieures auxquelles l’Armée de l’air a été confrontée ces dernières années ont été marquées par une grande diversité du niveau d’engagement et des composantes engagées (avions de combat, de transport ou de ravitaillement en vol, radars, transmissions, moyens de recueil électronique, systèmes de défense sol-air).
Jusqu’à l’opération Daguet, les dispositions qui étaient retenues pour le soutien logistique des éléments déployés étaient apparues adéquates. Par contre, l’ampleur du dispositif engagé lors de la crise puis de la guerre du Golfe en 1990-1991 a mis en évidence les faiblesses et les limites du dispositif.
Les cellules Rapace
Les moyens de combat susceptibles d’être mis en œuvre par l’Armée de l’air sur les théâtres d’opérations extérieures ont été définis par cellules désignées sous le nom de code Rapace. Elles sont décrites dans l’instruction ministérielle qui fixe la planification des actions extérieures comme les cellules Guépard et Tarpon respectivement pour l’Armée de terre et la Marine nationale.
La définition de ces cellules est le fruit de l’expérience des opérations des années 1970-1980 au Tchad et en Mauritanie. Imaginées à partir de fonctions élémentaires (4 avions de combat, 1 SDA [NDLR 2023 : Système de défense aérienne], 1 système d’arme Crotale…), elles permettent d’utiliser les moyens de combat ponctuels correspondants en intégrant le soutien spécifique et vertical de la fonction prise isolément.
Ces cellules étaient adaptées à l’ampleur limitée des opérations aériennes en Afrique pendant la période considérée, leur caractère isolé et parcellaire permettant une certaine souplesse d’emploi. Il en est de même dans une certaine mesure aujourd’hui pour les détachements en Italie dans l’opération Crécerelle, en Turquie pour l’opération Aconit ou en Arabie saoudite avec l’opération Alysse, qui bénéficient de l’infrastructure et de l’environnement de bases italiennes ou américaines.
Par contre, la guerre du Golfe, mais aussi la nature, la diversité et surtout la durée des détachements que l’Armée de l’air doit assurer montrent que la formule des cellules autonomes et spécialisées, malgré ses avantages en souplesse d’emploi, n’est plus adaptée à tous les cas.
Des fonctionnalités à l’image des bases aériennes
Une Armée de l’air à la dimension de la nôtre doit pouvoir projeter et soutenir au moins 200 avions de combat sur plusieurs sites. Dans ce contexte, il lui appartient de mettre sur pied non seulement des cellules Rapace capables de fonctions spécialisées au sens large (avions de combat tactique ou de défense aérienne, ravitaillement en vol, défense sol-air, transmissions…), mais aussi une structure de support horizontale englobant l’ensemble des activités nécessaires à un fonctionnement autonome.
En effet, les cellules Rapace ne sont qu’une juxtaposition de fonctions isolées car issues d’un découpage vertical, et lacunaires car non organisées pour fonctionner dans un ensemble plus large.
Or, le fonctionnement courant de l’Armée de l’air repose sur la structure de bases aériennes dont la cohérence d’ensemble est obtenue à partir de fonctionnalités complémentaires avec moyens opérationnels, moyens techniques, moyens de sécurité et de protection, moyens généraux, services administratifs et service médical.
Aussi, pour permettre sur les théâtres extérieurs cette même cohérence nécessaire à l’autonomie de fonctionnement, il s’agit de projeter des ensembles complets à l’image des fonctionnalités assurées sur les bases aériennes en métropole. Par exemple, s’agissant des fonctions assurées par les moyens techniques, il convient de planifier la projection d’un bureau technique incluant la fonction comptabilité des matériels, d’un escadron de ravitaillement technique mobile avec des capacités de traitement et de transmission des informations logistiques et d’un groupe d’entretien et de réparation de matériels communs. De même, il faut pouvoir couvrir toutes les responsabilités d’un commissaire sur une base aérienne, en matière de finances, d’administration du personnel et du matériel commissariat, de restauration et d’hôtellerie, ce qui dépasse la simple cellule Rapace commissariat.
Le volume de moyens alloués à chaque fonctionnalité doit être modulable en fonction du niveau de l’intervention extérieure et des facilités disponibles localement. Néanmoins, chaque fonctionnalité doit comporter un noyau minimum pour assurer la cohérence de l’ensemble.
Enfin, comme sur une base aérienne en métropole, un chef du grade adapté à l’ampleur du dispositif doit être placé à la tête de chaque fonctionnalité.
La structure air du soutien
La nouvelle dimension des moyens projetables par l’Armée de l’air conduit à réévaluer la structure même de soutien des opérations extérieures.
Aujourd’hui, parmi les trois régions aériennes, la région aérienne Méditerranée est seule responsable de ce soutien. Or, des nouvelles hypothèses d’emploi des avions de combat de l’Armée de l’air découle un volume d’avions projetables équivalant aux moyens aériens de trois bases aériennes. Il est donc nécessaire que l’Armée de l’air donne à chaque région aérienne la responsabilité de mettre sur pied une base aérienne déployable et pouvant être soutenue de manière autonome par la région aérienne correspondante, à l’image du rôle joué par la Force aérienne tactique (Fatac)–1re région aérienne vis-à-vis de la base d’Al-Asha lors des opérations de la guerre du Golfe. Néanmoins, la région aérienne Méditerranée devrait conserver la responsabilité de l’escale aérienne militaire de la base aérienne d’Istres qui est le point d’embarquement de nombreux éléments de chacune des armées.
Cette organisation du soutien répartie entre les trois régions aériennes doit comprendre un organisme de coordination. C’est le rôle du Centre d’opérations de l’Armée de l’air (COAIR). Interlocuteur du COIA (Centre d’opérations interarmées) pour l’Armée de l’air, il centralise en permanence l’ensemble des informations relatives aux capacités opérationnelles et logistiques de celle-ci. Il est en outre chargé d’organiser et de réaliser la montée en puissance des forces aériennes, ainsi que de coordonner les actions nécessaires pour satisfaire les besoins logistiques correspondant aux actions aériennes sur tous les théâtres. Après la modernisation de ses moyens de communication, d’échange avec les systèmes air de gestion des moyens, de traitement et de représentation des informations, modernisation qui doit être effectuée avant fin 1994, il disposera de véritables « tableaux de bord » faisant apparaître les moyens opérationnels et logistiques projetés ou projetables des commandements organiques et des directions de l’Armée de l’air.
Conclusion
Pour faire face à l’augmentation du volume et de la durée des actions que l’Armée de l’air doit se préparer à conduire, la structure du soutien des opérations aériennes extérieures doit évoluer et de nouvelles capacités de soutien être développées. Chaque région aérienne devrait être responsable de la préparation d’une base aérienne projetable comportant de manière modulable l’ensemble des fonctionnalités de support et de soutien sur lesquelles repose la cohérence de fonctionnement des bases aériennes de métropole.
Le Centre d’opérations de l’Armée de l’air est le coordonnateur de cet ensemble de dimension nouvelle. Disposant d’une connaissance exhaustive des ressources, il est l’autorité qui définit et ordonne la contribution de chaque région aérienne en matière de soutien, puis décide des priorités d’acheminement des moyens correspondants.
Cette évolution paraît nécessaire pour permettre à l’Armée de l’air de mieux optimiser sa capacité de mobilité stratégique, dans la ligne directe des orientations réaffirmées par le Livre blanc sur la Défense.
Benoît d’Albion
INFORMATION
Colloque Air 94 : « En 1944, l’aviation a-t-elle gagné la guerre ? »
Le Service historique de l’Armée de l’air organise, à l’occasion de la célébration du 50e anniversaire de la Libération, un colloque international d’histoire militaire sur le thème de la guerre aérienne en 1944. En cette circonstance, sera évoquée la grande figure du commandant aviateur Antoine de Saint-Exupéry, combattant volontaire, disparu en mission de guerre le 31 juillet 1944. Un hommage lui sera rendu au cours de la première matinée de cette rencontre ; les séances suivantes porteront sur les stratégies aériennes alliée, allemande et japonaise en 1944. Ce colloque réunira de nombreux universitaires français et étrangers les 15, 16 et 17 novembre 1994 à l’École nationale supérieure de techniques avancées, 32, boulevard Victor, 75015 Paris. Pour recevoir des informations plus précises sur cette manifestation, on peut s’adresser au service historique de l’Armée de l’air, château de Vincennes, B.P. 110, 00481 Armées - Tél. : (1)49 57 32 00.