Armée de terre - « Réserves 2000 » : le renouveau des forces de réserve
En France, les trente années de guerre froide après les opérations d’Afrique du Nord avaient maintenu les réserves dans une situation de non-emploi tant était puissante la dissuasion nucléaire qui neutralisait deux blocs antagonistes. L’appel aux réserves ne se concevait que lors d’une mobilisation générale des forces vives du pays.
Les bouleversements stratégiques, la réduction du format des forces terrestres, la durée du service militaire ramenée à 10 mois qui diminue la proportion des unités en disponibilité opérationnelle immédiate, rendent indispensable pour l’Armée de terre le recours à une réserve adaptée et efficace, susceptible d’être employée de façon sélective dans certaines situations de crise et même dès le temps de paix si les circonstances le justifient. C’est ainsi que le projet « Réserves 2000 », élaboré dès 1992, a vocation de répondre aux nouveaux besoins exprimés par l’évolution du concept d’emploi des forces armées (voir nos chroniques « Armée de terre » de mars 1994 et « Défense en France » d’août-septembre 1994).
Plutôt que de suivre la totalité de la ressource constituée par les obligations légales du service dans la réserve militaire jusqu’à 35 ans, il importe désormais de concentrer les efforts de gestion, d’administration et d’équipement sur les seuls réservistes correspondant aux besoins estimés à environ 200 000 hommes pour l’Armée de terre (spécialistes, sélectionnés, complément des unités d’active et personnels des formations mises sur pied) en s’appuyant largement sur le volontariat, notamment des cadres. Ces derniers ont la possibilité, par la Loi 93-4 et l’instruction ministérielle du 14 juillet 1993, de souscrire un engagement spécial dans la réserve militaire. L’entrée en vigueur de ce système (ESR) concrétisera, dès les premiers mois de l’année 1995, le coup d’envoi du plan « Réserves 2000 ».
Les réservistes de l’Armée de terre se classent désormais en quatre catégories.
La réserve disponible : c’est la plus nombreuse (140 000 à 150 000 hommes). Elle est issue du système de la conscription et constituée des appelés du contingent qui viennent de terminer leur service actif. Fraîchement instruits, on ne les conserve pas plus de quatre ans (et chaque fois que possible pendant à peine deux ans) pour compléter leur unité d’origine ou constituer des formations de réserve. On ne ferait appel à eux qu’en cas d’engagements très importants.
La réserve sélectionnée (40 000 à 50 000 hommes) : formée pour l’essentiel de cadres officiers et sous-officiers qui auront souscrit un engagement spécial dans la réserve pour un emploi éventuel dès le temps de paix. Ils sont destinés à compléter les unités d’active (états-majors ou régiments) ou encadrer les unités de réserve (71 régiments à l’horizon 2000 au profit de la logistique opérationnelle et du dispositif de sécurité générale).
La réserve spécialisée : à faible effectif, regroupe quelques centaines de réservistes recrutés pour leurs compétences professionnelles civiles utilisables par les armées (linguistes, juristes, personnel médical…).
Enfin, l’institution militaire peut faire appel, si nécessaire, à la réserve générale, à partir de la ressource légale gérée.
Les personnels de la réserve disponible ne sont conservés par les armées que pendant une courte période à l’issue du service militaire actif. Aucune instruction complémentaire ne leur est donc dispensée dans la réserve. En cas d’emploi ou de besoin, une période de remise en condition est prévue.
La réserve spécialisée, recrutée en fonction des qualifications détenues, n’a pas, par essence, à suivre de cycle d’instruction. Tous les efforts d’instruction sont ainsi concentrés sur les cadres de la réserve sélectionnée. L’engagement spécial souscrit par ces réservistes définit leur emploi et donc la formation à acquérir. L’ESR permet aussi de faciliter le suivi de chaque cadre, de préaviser le réserviste de ses obligations annuelles, d’inscrire ses activités dans un cursus de carrière en tenant compte de ses aptitudes et de sa disponibilité, de préaffecter avec précision les enveloppes budgétaires, de contrôler facilement l’activité globale du réserviste et les dépenses afférentes.
Ces mesures récentes, auxquelles s’ajouteront d’autres, fruits des études et expérimentations en cours dans les circonscriptions militaires de défense, viennent confirmer ainsi l’effort qui est désormais entrepris pour rénover les réserves conformément à la loi de programmation militaire 1995-2000. « Demain s’affirmera le rôle accru, dès le temps de crise, d’une réserve plus réduite, plus disponible, mieux instruite, accordant la priorité aux cadres volontaires, véritables professionnels de la défense à temps partiel », comme le précise le Livre blanc sur la Défense. ♦