Armée de terre - L'entraînement en coopération avec les armées alliées
Découlant directement des choix du Livre blanc, l’hypothèse d’un engagement des forces terrestres dans un cadre multinational ou interallié est désormais reconnue comme la plus probable et se trouve renforcée par l’expérience des conflits et crises les plus récents. Manifestation de notre solidarité à l’égard de nos alliés, affirmation d’une ambition européenne ou devoir d’assistance humanitaire, le champ est vaste qui s’ouvre sur des possibilités d’action au sein de l’UEO (Union de l’Europe occidentale), de l’ONU, de l’Otan ou de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
À l’image des changements profonds qui ont affecté les forces armées de tous les pays occidentaux, l’entraînement de l’Armée de terre connaît depuis 2 ans une mutation sans précédent qui l’oblige à rénover normes et procédés, et à développer, dans tous les domaines, la coopération avec les armées alliées.
Une nouvelle dimension de l’entraînement
Dans ce nouveau contexte d’emploi, l’entraînement a en effet évolué vers des caractéristiques à forte implication internationale qui se traduisent ainsi :
– un changement de nature, car il est dorénavant interarmées, interallié ou multinational, ce qui requiert de nombreux cadres qualifiés, anglicisants, aptes à travailler dans un environnement international le plus souvent anglo-saxon, et rompus à toutes les techniques d’interopérabilité ;
– un changement de portée dans la mesure où les exercices majeurs s’effectuent fréquemment à l’étranger, loin des lieux habituels de stationnement et où les thèmes retiennent généralement des actions de projection de forces à l’extérieur du territoire national dans un ensemble interallié ;
– un changement de procédés, car il fait de plus en plus appel aux techniques de simulation, en particulier lors d’exercices assistés par ordinateur (Computer Assisted Exercise, CAX) mettant en œuvre des systèmes américains, Janus, BBS (Brigade or Battalion Battle Simulation), CBS (Corps Battle Simulation), qui ont été francisés ;
– un changement de niveau, car l’entraînement doit prendre en compte les nouvelles modalités d’emploi des forces avec l’apparition de concepts novateurs, tels que ceux de groupements de forces interarmées multinationales (Combined Joint Task Force, CJTF).
Les responsabilités
Jusqu’à sa dissolution en 1993, la 1re Armée préparait et conduisait l’entraînement de l’Armée de terre en coopération avec les armées alliées, notamment avec l’Otan. Depuis lors, la réorganisation de la chaîne de commandement a modifié les attributions concernant l’entraînement interarmées et interallié.
L’État-major interarmées de planification opérationnelle (EMIA) est responsable, dans son domaine de compétence et selon les directives du chef d’état-major des armées, de la préparation, de la direction et de l’évaluation des exercices interarmées à caractère multinational ou interallié.
L’État-major de l’Armée de terre (EMAT) définit les besoins et objectifs de l’Armée de terre concernant l’entraînement interallié, programme les grands exercices, en assure le financement et le suivi. Il définit la politique des activités bi et multilatérales des formations de l’Armée de terre et en planifie le déroulement.
Le Commandement de la doctrine et de l’entraînement (CDE) apporte son concours aux commandements des forces pour l’entraînement et l’évaluation de leurs grandes unités.
L’entraînement interallié
Il se concrétise par la participation à des exercices bi- et multi-latéraux (dont ceux du Corps européen ou Eurocorps) ainsi qu’à ceux de l’Otan (AFCENT, AFSOUTH pour Allied Forces Central ou Southern Europe).
Exercices bi- et multi-latéraux
L’exercice trilatéral Mistral, mené sous l’égide de l’UEO et ouvert à d’autres États-membres, constitue, en raison de ses objectifs et du volume de la participation de l’Armée de terre, l’exercice majeur en 1995. Exercice annuel à direction tournante italienne (Ardente, 1993), espagnole (Tramontana, 1994) ou française – il se déroule en France en 1995 – et a pour thème le contrôle d’une zone humanitaire avec évacuation de ressortissants.
L’Armée de terre participe également, soit avec des unités prépositionnées, soit avec des unités de la FAR (Force d’action rapide), à des exercices franco-africains (N’Djambour au Sénégal en 1995), à des manœuvres avec les pays du Proche-Orient (Qatar, Koweït, Égypte) et du Maghreb (Tunisie, Maroc).
Parallèlement, sont menés de nombreux exercices bilatéraux, soit au niveau des divisions (par exemple, la 11e Division parachutiste – DP – avec l’Espagne, l’Italie et la Grande-Bretagne), soit à celui des formations, généralement par échanges d’unités. Ceux-ci s’effectuent principalement avec les pays de l’UEO et, plus récemment, avec la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et la Roumanie.
Exercices du Corps européen
Par un programme d’exercices se situant dans le contexte des alliances (Otan, UEO), le Corps européen exprime sa vocation européenne et son caractère véritablement multinational : exercices techniques d’interopérabilité, de projection stratégique (Eurotransitex), de transmissions (Pegasus) et participation à l’exercice Mistral avec un groupement multinational de 1 200 hommes.
Exercices de l’Otan
La participation s’insère généralement dans un cycle d’une année comportant, avant l’exercice proprement dit, séminaires (Study Periods), réunions de planification (Planning Conferences), études spécialisées (Workshops), une phase de planification opérationnelle et une période d’apprentissage au centre d’entraînement (Warrior Preparation Center de Ramstein, République fédérale d’Allemagne ou RFA). Ainsi, en 1995 le cycle Central Harmony s’achèvera par l’exercice Cannon Cloud de Landcent, au cours duquel le PC du 3e Corps d’armée sera joueur, ses grandes unités étant constituées en cellules de réponse au sein de l’animation.
La FAR participera en octobre à l’exercice Dynamic Mix d’AFSOUTH, exercice amphibie se déroulant en Méditerranée. De nombreux exercices techniques permettent en outre de développer l’interopérabilité entre les moyens nationaux et ceux de l’Otan (transmissions, logistique, génie, défense sol-air).
Enfin, l’Armée de terre participera en 1995 à quatre exercices dans le contexte du Partenariat pour la paix (en Pologne, Hongrie, République tchèque et Italie).
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Le développement de l’entraînement interallié répond à une nécessité, parfaitement cohérente avec le nouveau concept d’emploi des forces terrestres. Il est toutefois très lourd en investissements financiers, matériels et humains. C’est pourquoi il impose à l’Armée de terre un important effort de rationalisation visant à terme, dans des directives pluriannuelles, à définir les besoins et objectifs adaptés aux ressources disponibles et à les inscrire, à l’instar de la planification alliée, dans un cycle triennal d’entraînement. ♦