Armée de terre - ADT XXI : « Armée de terre du XXIe siècle »
À la suite de l’effondrement du Pacte de Varsovie, les armées sont confrontées à une rupture politico-stratégique. La bipolarité du système international laisse derrière elle, en s’effaçant, un désordre qui oblige théoriciens et responsables à penser l’avenir dans un contexte devenu profondément mouvant et imprédictible, situation sans précédent dans l’histoire moderne et contemporaine.
Cette rupture s’est imposée avec une clarté suffisante pour justifier l’élaboration d’un nouveau Livre blanc. Celui-ci aboutit à la définition de capacités nouvelles, laquelle entérine un changement radical dans les conditions d’exercice du rôle de l’Armée de terre que celle-ci avait commencé à anticiper dès 1990.
Ce changement est radical parce que l’Armée de terre est conviée à abandonner la posture adaptée à l’ancien système international, posture qui avait profondément structuré sa pensée et son organisation. Elle reposait sur une capacité à s’engager, tous moyens réunis, sur court préavis, en deuxième échelon de l’Alliance et dans deux directions stratégiques, dans un conflit d’une extraordinaire intensité mais qu’on prévoyait de courte durée. On espérait en effet ramener l’agresseur à la raison par une manœuvre dissuasive, dont l’action des forces terrestres n’était qu’une des composantes. À défaut, le conflit se serait nucléarisé, ce qui était également supposé en arrêter la dimension classique. Cette menace, par elle-même, devait interdire toute action offensive adverse, ce qui a été le cas.
À la marge, la France s’était dotée d’une capacité d’intervention limitée aux besoins requis par ses accords bilatéraux avec certains pays africains, ainsi que par la protection des Dom-Tom, capacité qui, d’une certaine façon, donnait sa raison d’être à la stratégie d’action du pays.
L’équilibre entre dissuasion et action se trouve désormais inversé. Alors que l’Armée de terre avait préparé pendant quarante ans un engagement virtuel dans un contexte dissuasif, elle prépare maintenant des engagements certains quant à leur occurrence, incertains quant à leur forme, leur durée et leur volume, au sein d’une stratégie d’action.
Il n’est plus question de s’engager tous moyens réunis, mais de moduler les forces en fonction de la nature des crises à traiter, et si la notion de court préavis reste d’actualité, elle ne s’applique plus qu’à des fractions des forces, et non à la totalité des armées. Par ailleurs, elle s’accompagne de celle de durée, certaines crises pouvant retenir nos forces pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Si l’hypothèse du conflit majeur n’est pas abandonnée, elle est renvoyée dans un futur qu’on ne sait pas très bien définir, et liée à une montée des tensions autorisant, si le besoin s’en fait sentir, la constitution de forces supplémentaires pouvant déboucher sur un changement du format des armées.
Le caractère radical de cette transformation est cependant tempéré par les anticipations de l’Armée de terre. En effet, tenant compte de cette rupture stratégique, le « projet 1997 » visait à placer l’Armée de terre « à la poignée de l’éventail », c’est-à-dire à la faire évoluer de telle sorte qu’aucun de ces changements ne puisse structurer lourdement les choix qui seraient à opérer lorsque les orientations politiques auraient définitivement confirmé ces anticipations.
Les études ADT XXI sont donc l’aboutissement logique de cette démarche. Elles visent, dans un premier temps, à infléchir le « projet 1997 » pour adapter l’Armée de terre aux exigences posées par le Livre blanc et en retiennent les hypothèses de base (armée mixte de 227 000 hommes, scénarios d’emploi, volume de forces projetables de 120 000 hommes…). Par la suite, elles rassembleront l’ensemble des études de préparation de l’avenir conduites par l’Armée de terre sous l’impulsion de l’État-major de l’Armée de terre (EMAT), en particulier celles dont les hypothèses de base sortent du cadre strict du Livre blanc.
La démarche et la structure ADT XXI sont donc pérennes. En effet, le caractère chaotique du monde et le fort potentiel d’évolution sociopolitique de nos sociétés exigent que les grandes institutions de la nation développent des moyens de préparation de l’avenir capables de fonctionner de façon durable et régulière, en traitant en permanence les problèmes dans leur globalité. C’est pour cette raison qu’ADT XXI associe à l’administration centrale l’ensemble des forces, des services et des organismes de formation au sein d’un certain nombre de groupes d’études dont les travaux sont régulièrement coordonnés et synthétisés grâce à des mécanismes maintenant bien rodés.
Le premier résultat attendu des études ADT XXI est la description d’un modèle général d’organisation à l’horizon 2015. Conçu pour être très évolutif, c’est-à-dire adapté à la nature de l’environnement de l’Armée de terre, ce modèle du futur permettra d’élaborer une « maquette 2000 », description détaillée d’un système d’organisation intermédiaire sur la voie de cet objectif.
Bien évidemment, c’est pour répondre aux exigences opérationnelles que ces systèmes d’organisation sont conçus. À l’heure actuelle, l’examen approfondi des capacités opérationnelles requises par l’évolution du contexte stratégique est achevé, et un certain nombre de modèles théoriques d’organisation ont été élaborés. Il restera à opérer, en temps voulu, les choix et les aménagements qu’appelleront les orientations définies par le gouvernement. ♦