Armée de terre - La réorganisation de l'instruction
Engagée dans de profondes restructurations de ses forces depuis l’effondrement du mur de Berlin qui a totalement modifié les données stratégiques de son engagement potentiel, l’Armée de terre a dû simultanément prononcer d’importants efforts d’adaptation de ses méthodes, notamment dans le domaine de l’instruction, pour faire face aux nouveaux défis auxquels elle se trouve désormais confrontée.
Les contraintes
Base indispensable de la mise en œuvre de ses multiples fonctions opérationnelles, l’instruction consiste à donner à chacun, quel que soit son niveau de responsabilité, les connaissances nécessaires à l’exécution des tâches impliquées par sa fonction. L’instruction de base présente donc la double difficulté, d’une part de s’adresser à une population extrêmement diversifiée et nombreuse qui s’étend de la jeune recrue illettrée au diplômé de haut niveau, d’autre part de s’appliquer à des procédés et des matériels qui, outre leur grande variété, présentent la caractéristique de ne pas être très souvent en service en dehors de l’armée.
Le nouveau contexte d’emploi des forces, défini par le Livre blanc sur la Défense de 1994, impose en outre de disposer d’un volume de forces aptes à un engagement opérationnel immédiat, dans des conditions souvent délicates et parfois assez éloignées des situations traditionnellement connues des armées, il est donc nécessaire d’inculquer aux jeunes recrues les connaissances de base dans les délais les plus brefs possibles, afin de disposer au plus tôt de troupes instruites, aptes à l’emploi.
Enfin, l’Armée de terre a dû prendre en compte des contraintes extérieures, telles que la réduction du service militaire à dix mois, les limites qu’exige de plus en plus souvent le respect de l’environnement, par exemple en ce qui concerne les nuisances sonores ou la saturation des zones d’exercice, ainsi que des ressources budgétaires contenues.
Une instruction rénovée
Les dispositions adoptées dès 1992 ont donc visé à organiser d’une manière nouvelle le cycle de l’instruction, qui est désormais dispensée sous forme de modules de durée et de contenu variables. Le but général est de permettre à toute recrue de disposer des connaissances élémentaires pour devenir un militaire au terme d’un mois de formation initiale et d’être ainsi capable de s’intégrer dans son nouveau cadre de vie et de travail, puis à tout soldat d’acquérir les connaissances nécessaires à sa fonction de spécialiste et de combattant, en trois mois.
L’accélération des rythmes d’instruction et la variété des spécialités à faire acquérir ont entraîné un appel important à de nouveaux procédés, tels que la simulation et l’enseignement assisté par ordinateur, seuls capables de répondre à une formation de masse dans des délais aussi courts.
La simulation
L’Armée de terre a fait appel à la simulation pour dispenser les savoir-faire techniques et tactiques indispensables au combattant, en lui offrant ainsi la possibilité d’apprendre dans des conditions aussi proches que possible de la réalité, mais dans un environnement simplifié, permettant toutes les erreurs et une inlassable répétition, à un coût et dans des conditions d’exploitation plus acceptables que l’emploi des moyens réels. Ainsi, un jeune pilote de char peut sans danger, ni pour lui, ni pour l’environnement, ni pour le matériel, apprendre à piloter de jour comme de nuit, grâce à un simulateur de pilotage, dans des situations qu’il serait bien difficile de reproduire en réalité.
De même, l’apprentissage du tir peut être simulé dans les mêmes conditions par des simulateurs d’instruction du tir, éliminant ainsi les problèmes de sécurité, de nuisances sonores, ou de coût des munitions réelles.
Enfin, une dernière gamme de simulateurs permet de reproduire les effets du tir réel des différentes armes, facilitant ainsi l’apprentissage du combat, qui peut alors s’effectuer dans des conditions très proches de la réalité, grâce à des simulateurs de tir de combat.
Les nouveaux matériels de l’Armée de terre (char Leclerc, hélicoptère Tigre par exemple) incluent désormais divers simulateurs dans leur programme de développement, afin de permettre les apprentissages nécessaires à leur mise en œuvre.
L’enseignement assiste par ordinateur
L’enseignement assisté par ordinateur apporte également un concours décisif à cette volonté de gestion optimale des moyens d’instruction. Ainsi, le système informatisé assisté multimédia (Siam) permet de diffuser dans toutes les garnisons des « didacticiels » programmés dans les organismes de formation, ouvrant ainsi largement au télé-enseignement l’instruction de base, mais aussi l’entraînement et la préparation aux examens militaires.
De même, la prise en compte des normes européennes pour la délivrance du permis de conduire a amené l’Armée de terre à revoir l’instruction élémentaire de conduite dispensée dans ses corps de troupe, en la regroupant désormais dans quelques centres régionaux, disposant d’ensembles de systèmes pédagogiques pour l’organisation de l’instruction routière (Espoir), qui permettent une valorisation de l’apprentissage du code de la route et une formation plus dense et plus complète.
La réorganisation de l’instruction
La mise en place de ces nouveaux procédés se heurte néanmoins aux capacités financières de l’Armée de terre, qui a été contrainte, en fonction des coûts, de conjuguer une politique de décentralisation et des actions de centralisation. C’est ainsi qu’elle a cherché à équiper le maximum de formations avec les procédés nécessaires aux apprentissages fondamentaux, tels que le tir aux armes légères, car il concerne la totalité des personnels. Le simulateur d’instruction du tir aux armes légères (Sital) équipe ainsi peu à peu les différents régiments.
Par contre, elle a dû centraliser les appareils présentant un coût élevé, qui ne peuvent être mis en place dans chaque formation ou qui doivent être utilisés par plusieurs organismes pour en rentabiliser le fonctionnement. C’est notamment le cas des simulateurs de pilotage d’engins blindés, qui exigent des installations coûteuses, concentrées au centre d’instruction de l’arme blindée cavalerie (CIABC) de Carpiagne.
Pour répondre à ces objectifs, les camps connaissent eux aussi une rénovation de leurs moyens, par la création de parcours de tir informatisés utilisant une ciblerie électronique, ou la mise en place dans des centres de préparation au combat d’une combinaison de simulateurs, de moyens d’enseignement assisté par ordinateur et de systèmes informatiques.
Le maintien d’un entraînement réel
Ces procédés modernes, devenus indispensables, ne sont cependant pas suffisants, car il est nécessaire de confronter les connaissances ainsi acquises dans un environnement virtuel aux réalités de l’emploi normal, sur le terrain et dans des conditions réelles. Cette véritable « épreuve du feu », qui se traduit soit par des parcours de pilotage en tout terrain, soit par l’exécution de tirs réels sur des champs de tir, exige des espaces et des conditions qui ne sont réunis que dans les camps que l’armée de terre possède sur le territoire national.
C’est notamment à l’occasion de séjours dans ces camps que peut être réalisée la synthèse des divers apprentissages, permettant ainsi de passer au stade de l’entraînement, préalable indispensable à un emploi opérationnel de forces aussi diverses dans leurs effets et leurs procédés que l’infanterie, les blindés ou l’artillerie, pour ne citer que les armes de mêlée.
Une école de formation permanente
Quotidiennement confrontée aux impératifs d’une véritable formation professionnelle permanente, l’Armée de terre a entrepris, depuis trots ans, une profonde réorganisation de ses méthodes et de ses moyens d’instruction, afin de dispenser, au plus juste coût humain et financier, une instruction de masse de qualité.
Les succès des troupes que l’armée de terre déploie dans les différentes circonstances où elle se trouve engagée démontrent que son choix est le bon, à l’heure où les jeunes Français éprouvent les plus grandes difficultés à acquérir une qualification professionnelle reconnue. Sans doute cette réussite est-elle due au fait que cette instruction technique est complétée par une éducation physique qui exige un effort permanent et par un engagement moral de l’encadrement qui conduit au dépassement de soi. ♦