Armée de terre - Finabel : un forum de coopération entre armées de terre européennes
Dans l’ensemble des institutions ayant vocation à promouvoir la coopération européenne dans le domaine de la défense, existe une organisation, Finabel, atypique et peu connue (1), qui fonctionne avec un certain bonheur, si l’on en juge par le volume et la qualité des études qu’elle fournit.
Le sigle Finabel est constitué par les initiales des nations qui participent à cette organisation : France, Italie, Pays-Bas (Nederland), Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Espagne, Luxembourg. Le Portugal et la Grèce y ont adhéré officiellement en mars 1996. L’organisation rassemble donc, à ce jour, les armées de terre des dix pays membres de plein droit de l’UEO, associées pour mener en commun des études sur les doctrines et les équipements.
Finabel a vu le jour en 1953, par entente directe entre les chefs d’état-major des armées de terre française, italienne, néerlandaise, belge et luxembourgeoise. La République fédérale d’Allemagne l’a rejointe en 1956, le Royaume-Uni en 1973 et l’Espagne en 1990. La Grèce et le Portugal viennent d’être admis. Le comité des Cemat a en effet décidé d’admettre les nations appartenant à l’UEO qui en feraient la demande.
Le statut juridique de Finabel est celui d’une association de fait, à caractère international, dont les membres sont désignés ès qualités par leurs gouvernements respectifs. L’organisation n’est pas une personne morale de droit international et ne peut pas traiter comme telle avec un gouvernement. Ses propositions et recommandations ne peuvent être transmises aux gouvernements intéressés que par leurs propres mandataires, qui sont les chefs d’état-major de leurs forces terrestres. Finabel bénéficie d’une reconnaissance de facto comme organisation à caractère régional de la part de l’Otan et de l’UEO.
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L’organisation Finabel comprend :
— au sommet : le comité des chefs d’état-major (Cemat), auquel est directement subordonné le comité des experts militaires principaux (EMP), du niveau sous-chef d’état-major ;
— relevant de ce dernier comité : le secrétariat permanent à Bruxelles, le groupe des adjoints aux EMP, les groupes de travail.
Les groupes de travail traitent chacun d’un domaine particulier : concepts, emploi des forces, C3, renseignement, logistique, instruction et entraînement, artillerie sol-sol, troisième dimension, terrain, aéromobilité, défense nucléaire, défense chimique, guerre électronique.
Chaque groupe travaille pendant deux ans sur deux études, qui commencent généralement décalées d’un an entre elles, et dont les sujets sont choisis sur proposition ou après approbation des EMP. Par exemple, le groupe de travail « emploi des forces » travaille actuellement, d’une part sur l’emploi des forces terrestres en zone urbanisée dans les opérations autres que la guerre, d’autre part sur l’emploi des armements « non létaux » dans le même type d’opérations. Les résultats sont annoncés, le plus souvent, sous forme de rapports qui doivent avoir été approuvés officiellement par tous les EMP. Les groupes de travail se réunissent deux fois par an, successivement dans tous les pays membres.
Les EMP se réunissent également deux fois par an pour faire le point des travaux effectués et donner leurs directives, à la fois pour les études futures et pour la vie de l’organisation en général. Lors de leur dernière réunion, ils se sont fait présenter les résultats d’une étude sur les problèmes juridiques liés aux opérations de maintien de la paix, menée par un groupe ad hoc créé l’année dernière à leur demande. Ils ont demandé que, pour l’année à venir, l’effort soit porté sur les questions liées au partage des tâches en ce qui concerne l’instruction et l’entraînement. Ils ont consacré l’essentiel de cette réunion à un échange de points de vue officieux particulièrement riche, tenue en la seule présence des interprètes.
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La première originalité réside dans le fait que la langue officielle de Finabel est le français. À une époque où l’anglais semble avoir submergé les circuits internationaux de tous ordres, il est intéressant de constater que notre langue peut aussi, dans la pratique, être une langue de travail admise par un ensemble de pays européens.
La méthode de travail est également une spécificité de Finabel, car elle impose à chaque groupe une production effective dans des délais fixés, ainsi que la contribution active de toutes les nations à chaque étude.
Finabel se singularise enfin par l’ambiance de travail qui y règne. Malgré les divergences qui ne peuvent manquer d’apparaître au cours des discussions dans les différents groupes, une réelle camaraderie existe entre les représentants nationaux à tous les niveaux. Celle-ci est favorisée par le fait que chaque réunion comporte une partie culturelle, à laquelle peuvent être associées les épouses. Cela entretient une atmosphère conviviale qui permet de traiter plus sereinement les oppositions en séances de travail.
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En conclusion, Finabel, forum des armées de terre européennes, permet de réaliser des études de fond qui constituent une référence concernant la doctrine et la coopération particulièrement appréciée et utilisée par chaque armée, et de tisser des liens personnels durables entre officiers de différentes nations. Ce dernier aspect n’est certainement pas le moins important, tant il est vrai qu’au-delà des structures, ce sont les hommes qui donnent un sens à l’histoire. Ainsi se bâtit l’Europe : par les hommes. ♦
(1) NDLR : cette organisation avait célébré son quarantième anniversaire en 1993. Elle avait alors fait l’objet de cette même chronique.