Armée de terre - Le projet Credo
Le projet de rénovation de la fonction organisation de l’armée de terre, appelé Credo (conception, réalisation, études d’organisation), a été lancé le 1er juillet 1992, à la suite des premiers éléments de spécification du PMFP (plan de modernisation pour la fonction personnel).
Outre la prise en compte des concepts de description des fonctions introduits par le PMFP, qui a été une contrainte importante pour Credo, les objectifs majeurs du projet étaient les suivants : prise en compte de la continuité paix-crise-guerre ; différenciation dans la description des formations, des « missions majeures » et des « bases » ; corrélation étroite entre description en organisation et droits ouverts budgétaires ; éclairage sur l’organisation de l’armée de terre à un horizon de programmation de cinq ans ; déconcentration à certaines têtes de chaîne de la responsabilité de la description d’enveloppes d’effectifs ; refonte des documents d’organisation issus de l’ancien système.
Les quatre années écoulées ont permis de définir les concepts devant permettre d’atteindre ces objectifs, de développer les moyens informatiques pour les mettre en œuvre, d’en faire acquérir la maîtrise par les utilisateurs et d’assurer la conversion complète des données de l’ancien système dans le nouveau par une très importante opération de saisie, effectuée entièrement par les officiers traitants du bureau organisation-effectifs de l’état-major de l’armée de terre. Au moment où ce système d’information entre dans sa phase opérationnelle et devient la référence nouvelle de l’organisation de l’armée de terre, le point peut être fait sur la manière dont les objectifs fixés ont été atteints.
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L’ancien système comportait deux descriptions de l’armée de terre, entièrement exclusives l’une de l’autre : une description pour le temps de paix, et une description, une seule, pour le temps de guerre, afin de répondre à la seule menace considérée comme majeure.
L’évolution du contexte géostratégique, l’apparition de crises régionales d’intensité variable, celle de menaces nouvelles, ont rendu obsolètes l’ancienne organisation et les modes de description correspondants.
La continuité paix-crise-guerre a été prise en compte par la suppression, à tous les niveaux de description, de la dichotomie paix-guerre et l’adoption d’un ordre de bataille unique, qui rassemble toutes les formations de l’armée de terre, qu’elles soient d’active ou de réserve, qu’elles aient besoin ou non de complément à la montée en puissance. La répartition des droits théoriques en personnels et en matériels en trois ensembles « complément paix », « permanent opérationnel » et « complément opération », figurant sur le même document, permet d’avoir la description d’une formation, quelle que soit sa configuration d’emploi, avant ou après sa montée en puissance.
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Les nouveaux concepts de montée en puissance des forces et de leur emploi après cette phase ont abouti, dans la description des formations de l’armée de terre, à un partage entre « missions majeures » (projetables pour les forces), et « bases », dans lesquelles est décrit tout ce qui ne concourt pas directement à la mission principale de l’unité (instruction pour les organismes de formation, soutien pour les établissements par analogie avec la part projetable pour les forces). Il convient par ailleurs de noter que les travaux du comité stratégique, menés dans un esprit et selon une méthodologie différents, ont conduit à élaborer un concept similaire.
Cette nouvelle articulation des régiments, conçue dès 1993, qui prenait en compte les enseignements tirés de la guerre du Golfe et du démantèlement du pacte de Varsovie, se révèle aujourd’hui parfaitement adaptée aux évolutions en cours, à l’heure où l’accent est mis sur la projection des forces et la professionnalisation des unités.
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Dans l’ancien système, la contrainte budgétaire était prise en compte par une description à plusieurs niveaux : un premier qui définit un idéal souhaitable par les TED, un deuxième qui précise un « réalisable raisonnable » par les EDT, enfin un troisième qui fixe les droits ouverts budgétaires. Cependant, ces niveaux ne décrivent pas exactement les mêmes choses. À titre d’exemple, les deux premiers ne précisent pas le partage CCT-appelés, le troisième ne donne que des volumes et ignore la qualification des individus. De plus, dans les années 80, un décalage en volume non spécifié de plusieurs milliers de postes budgétaires avait été admis progressivement entre ces niveaux pour honorer les déflations successives.
Depuis 1990, l’armée de terre a produit les efforts de réorganisation et de productivité nécessaires pour combler ce déficit et retrouver une organisation cohérente avec ses ressources financières : « opération vérité », parfois douloureuse, mais indispensable. Dans Credo, la description des seuls droits ouverts budgétisés en fonctions et leur répartition en catégories de personnels et en types de populations permettent d’obtenir, d’une part une description plus fine de l’organisation, d’autre part une cohérence complète entre les postes décrits et les ressources budgétaires allouées.
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Une des lacunes de l’ancien système était le manque de clarté dans la description de l’organisation, même à un horizon relativement proche. La programmation de Credo permet de décrire l’armée de terre à une échéance de cinq ans, ainsi que le chemin, année après année, pour y parvenir.
La loi de programmation permettra à l’armée de terre d’arrêter son organisation future. Celle-ci une fois décrite dans Credo, il sera alors possible de préciser, notamment dans le domaine des ressources humaines, ses besoins à l’horizon 2002, et de conduire les politiques de recrutement, de formation et de reconversion qui permettront de faire face dans les meilleures conditions aux profonds changements à venir.
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La déconcentration s’inscrit dans les principes généraux d’organisation que sont l’adaptabilité et l’optimisation des ressources. Elle se fonde sur l’exigence d’un commandement plus complexe et plus souple privilégiant le principe de subsidiarité qui se révèle aujourd’hui essentiel dans l’exercice de l’autorité. Les échelons déconcentrés disposeront, avec Credo, d’une large autonomie pour décrire leurs structures dans les enveloppes qui leur seront allouées.
La mise en œuvre de ces dispositions exige un profond changement des mentalités. Il s’agit de remplacer une logique de besoin, suscitant un système du « toujours plus », par une logique de ressource, qui se traduit par un meilleur emploi des moyens disponibles, tout en préservant une marge de manœuvre nécessaire aux organismes gestionnaires. Elle s’accompagne de principes (autonomie des chaînes définie par « Armées 2000 »), de règles (enveloppes déconcentrées par têtes de chaînes et CMD) et de procédures (directives annuelles, schémas directeurs, concertation…).
À terme, Credo sera pourvu d’un ensemble d’indicateurs qui offrira à tous les commandements concernés et à l’état-major de l’armée de terre une capacité de pilotage dans le domaine de l’organisation.
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À une description très rigide, mais faisant appel à plusieurs documents d’organisation, se substitue désormais une présentation plus modulaire de nos formations dans des DUO (documents uniques d’organisation). Ceux-ci, rédigés en étroite collaboration avec les inspections et grands commandements, ont fait l’objet d’une première diffusion à titre de « projet ». La version 1996, qui deviendra la version officielle de référence de l’organisation des formations de l’armée de terre, est en cours d’achèvement au bureau organisation-effectifs de l’état-major et sera diffusée au cours de l’été.
Les objectifs initiaux définis en juillet 1992 lors du lancement du projet ont tous été globalement atteints. L’appropriation complète du système par l’ensemble des acteurs ne sera effective que dans un an ou deux, délai indispensable aux dernières mises au point techniques, à la maîtrise fonctionnelle du système et à l’évolution des mentalités qu’exigent les nouveaux concepts d’organisation.
Le système couvre l’ensemble des besoins fonctionnels spécifiés au début du projet, et au prix de quelques améliorations, en cours de mise en œuvre, il devrait s’affirmer comme un moyen performant qui permettra de conduire dans les meilleures conditions la profonde réorganisation que vivra l’armée de terre dans les prochaines années. Credo démontre aussi la capacité d’anticipation de l’armée de terre qui, dans son organisation, avait très tôt pris en compte les conséquences de la chute du mur de Berlin. ♦