Armée de terre - La politique d'organisation de l'Armée de terre
La très profonde restructuration des armées décidée par le président de la République vient compléter la déjà longue liste des réorganisations mises en œuvre pour l’armée de terre. Il ne peut être envisagé de conduire de telles réformes sans suivre une politique clairement définie et sans disposer des méthodes et des moyens indispensables.
Tout découle de la définition de « l’action d’organiser » qui consiste à créer, transformer ou faire évoluer, dans un contexte donné, un ensemble en le dotant des structures, des procédures et des ressources nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
La politique d’organisation se caractérise par des principes, des fondements ou « piliers » et exige des actions à mener. S’affranchir des principes, fût-ce partiellement, introduit toujours un risque d’échec. Ceux-ci constituent, pour l’organisateur, des guides et des références ; ils sont au nombre de trois : adaptabilité, cohérence et optimisation des ressources.
La capacité à évoluer est une exigence de survie pour toute organisation. Elle n’existera que si les organisations sont ouvertes aux changements de structures, de procédures et de moyens qu’impliquent les modifications de mission ou les évolutions du contexte. Elle ne doit pas se limiter aux adaptations mineures conduites de façon quasi automatique à chaque variation de l’environnement. Il faut savoir, le moment venu, procéder à des réexamens en profondeur qui peuvent, le cas échéant, entraîner des réorganisations majeures, notamment dans le sens d’une meilleure productivité.
Il n’est pas dans les attributions de la fonction « organisation » de conduire en détail toutes les actions nécessaires. Toutefois, il lui appartient de s’assurer, et cela dès les études amont, de leur cohérence avec les buts généraux et particuliers de l’institution, ainsi qu’avec ce qu’il convient d’appeler l’héritage. Celui-ci apparaît comme une contrainte, dont 1a prise en compte rendra l’approche plus réaliste. Par ailleurs, les actions doivent se compléter et couvrir l’ensemble des domaines tout en évitant les redondances et les oppositions. L’organisation est, à l’évidence, fédératrice ; elle est, par obligation, garante de la convergence des actions concourant aux buts fixés par le commandement.
L’emploi des ressources est optimisé quand celles-ci sont utilisées au sein de structures et avec des procédures efficaces. S’il ne peut être question de remettre sans cesse en cause les grands choix d’organisation, il est cependant légitime de s’interroger, régulièrement ou lorsque surviennent de profondes mutations, sur l’efficacité des structures et sur leur adéquation aux missions. Une réelle optimisation des ressources nécessite de recourir à des moyens méthodologiques et informatiques performants qui permettent une vision instantanée et prospective très large. Pour être solide, une organisation est un édifice devant reposer sur sept « piliers ».
Elle doit prendre en compte le facteur humain. Les notions de « dimension humaine », d’environnement, de culture et de valeurs de l’armée de terre, doivent être intégrées dans la préparation et la conduite de toute action. Pour chacune d’entre elles, il convient de s’interroger à la fois sur le risque pris par les hommes et la cohésion de l’institution, également sur le danger qu’il y aurait à ne rien entreprendre.
L’organisation doit faciliter l’exercice du commandement et, à cette fin, permettre le travail en réseau, respecter le principe de subsidiarité et favoriser les procédures de délégation.
Adapter les structures constitue un impératif que la limitation des moyens et l’accroissement de la diversité des engagements renforcent. La constitution modulaire des forces en résulte directement.
Le respect des règles essentielles de conduite du changement est un gage de succès : vaincre les résistances, refuser les intégrismes, adopter une démarche systémique, se persuader et convaincre que l’organisation future est la meilleure, figer provisoirement la nouvelle pendant la phase transitoire, achever une réorganisation avant d’en entreprendre une autre, mais être constamment en mesure de faire face à l’imprévu.
Toute action d’organisation, aussi radicale soit-elle, s’inscrit dans une continuité temporelle.
Une structure n’a de raison d’être que pour produire un résultat, un effet. Vérifier la stricte adéquation de ces moyens aux résultats attendus est une obligation. Pour évaluer une organisation, l’armée de terre s’est dotée du conseil en organisation de l’armée de terre (Corat).
Enfin, une véritable culture d’organisation doit prendre corps. Sa diffusion doit comporter, de façon adaptée au niveau hiérarchique et aux postes tenus, une formation aux méthodes avec les moyens adéquats, ainsi qu’une information sur les principes.
Les principes et les « piliers » évoqués précédemment sont les bases de la politique d’organisation. Trois actions, qui ne sont pas les seules, permettent de l’illustrer.
La déconcentration des effectifs, qui est conforme aux principes généraux d’adaptabilité et d’optimisation des ressources et privilégie le principe de subsidiarité, vise à responsabiliser les échelons subordonnés dans la recherche locale de gains de productivité en laissant à leur disposition tout ou partie des économies réalisées, à assurer une meilleure adéquation de la ressource au besoin, à ménager l’autonomie de gestion et la marge de manœuvre indispensable à chacun, et à établir à l’échelon local un plan d’action commun à toutes les chaînes de commandement. Psychologiquement, la logique de ressource l’emporte sur celle de besoin : agir au lieu de demander. La déconcentration des effectifs favorise une forme d’exercice du commandement qui se caractérise par la définition d’objectifs et de moyens associés, le contrôle a posteriori et une participation accrue de tous les acteurs.
La création d’un groupe de programmation organisation-ressources humaines, qui est une structure de travail permanente et non organique impliquant tous les acteurs internes et externes du changement au sein de l’administration centrale, répond à la nécessité de déterminer le chemin que suivra l’armée de terre pour atteindre en 2002 les structures définies dans son projet. En veillant, dans un contexte très mouvant, à ne pas créer l’irréversible, ce groupe propose au chef d’état-major, en les hiérarchisant et en les inscrivant dans l’espace et dans 1e temps, les différentes options possibles à partir de la situation du moment et des simulations qu’il effectue.
Le conseil en organisation de l’armée de terre, créé en 1993, donne à celle-ci une capacité nouvelle d’audit, et surtout de conseil permettant d’apporter une contribution significative à l’optimisation des structures et du fonctionnement des organismes. En ce qui concerne l’organisation générale, le Corat participe à la réflexion sur les grands équilibres entre les composantes majeures de l’armée de terre, notamment quant à l’importance que doivent avoir les fonctions de commandement et de direction. Dans l’organisation locale, il assiste et conseille les autorités responsables pour les aider à adopter des structures internes et des méthodes de travail susceptibles de mieux répondre aux performances exigées aujourd’hui.
* * *
L’application de cette politique d’organisation requiert sans doute du bon sens et de l’expérience, et surtout une attitude moins hiérarchique, plus horizontale et mieux intégrée dans la conduite des actions, car, en fait, au-delà des structures, c’est bien la culture et le comportement des hommes qui font la différence. Cependant, comme dans d’autres domaines, elle exige aussi des compétences particulières et l’adhésion à des règles qui doivent être parfaitement connues des acteurs de l’organisation, celle-ci devant être considérée comme une fonction à part entière et bénéficier des efforts d’information et de formation correspondants. ♦