Gendarmerie - Le « Plan d'action gendarmerie 2002 »
« Consciente des évolutions de son environnement, la gendarmerie réaffirme sa volonté d’être un service public proche, qualifié et soucieux de satisfaire les exigences croissantes de sécurité exprimées par la population. Dans une société en pleine mutation, la gendarmerie a l’ambition de promouvoir des réponses innovantes et d’ordonner son action dans un esprit de coopération avec ses partenaires, français et étrangers. Attentive à la motivation des personnels et de la hiérarchie, elle renforcera leur formation, les associera à la maîtrise du changement et affirmera le caractère militaire de l’institution, afin d’assurer les conditions de son efficacité ». C’est par ces quelques lignes en forme de déclaration de principes que commence le « plan d’action gendarmerie 2002 » : un document novateur qui se propose de préciser, pour les cinq prochaines années, les principaux objectifs de la gendarmerie, ainsi que les grandes lignes des mesures destinées à permettre leur réalisation.
Cette démarche programmatique résulte de la prise de conscience de l’exigence d’adapter l’organisation et le fonctionnement de la gendarmerie aux principales mutations de son environnement, parmi lesquelles, pour ne retenir que l’essentiel, il convient de souligner, d’une part, l’augmentation d’environ 7,7 millions, entre 1990 et 2015, du nombre d’habitants relevant de la zone de compétence exclusive de la gendarmerie (estimations Insee), compte tenu de l’accentuation du phénomène de périurbanisation, et corrélativement, la poursuite de la désertification des campagnes ; d’autre part, le développement des diverses formes d’exclusion, le chômage (notamment chez les jeunes), la pauvreté, la détresse des personnes sans domicile fixe, les quartiers défavorisés, la délinquance juvénile, les violences scolaires, la toxicomanie…
Au regard de sa situation d’institution administrative atypique, ni quatrième armée ni seconde police, de corps à vocation interministérielle évoluant à l’interface du militaire et du policier, la gendarmerie se doit également d’intégrer dans ses principes d’action et ses structures, outre les conséquences effectives ou attendues de l’intégration européenne (en particulier dans le domaine de la coopération des forces de police), les orientations et priorités gouvernementales définies par les réformes de l’État et des services publics (circulaire du 26 juillet 1995 et plan triennal présenté au comité interministériel du 22 mai 1996), de la sécurité intérieure (loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995) et de la défense nationale (loi de programmation militaire 1997-2002 du 2 juillet 1996). Cette nécessité d’inscrire l’action du gendarme dans le XXIe siècle ne peut pas, enfin, ne pas prendre en compte les évolutions en profondeur de la « maille humaine » de cette institution, révélées notamment par la fronde épistolière et le malaise de l’été 1989, en termes, chez les personnels, de besoin de considération et de responsabilisation, mais aussi d’attachement à l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
À la fois, selon ses rédacteurs, « référentiel d’action », « projet mobilisateur » et « instrument vivant et crédible », le « plan d’action » n’a pourtant pas pour vocation à être un authentique programme, c’est-à-dire le catalogue des actions à entreprendre entre 1997 et 2002. Il s’agit davantage d’essayer de parvenir, grâce à ce document prévisionnel évolutif, à une certaine maîtrise des changements affectant cette institution, dans une logique de cohérence, de clarté et de réalisme. Aussi le « plan d’action » comprend-il deux parties nettement différenciées : la définition des orientations et la description des principales mesures.
Les 14 mesures du « plan d’action » peuvent être regroupées en quatre ensembles.
1 - Assurer une meilleure sécurité de la population par davantage de proximité et de professionnalisme : mieux accueillir la population ; adapter les unités et les méthodes aux besoins de celle-ci ; développer le professionnalisme des enquêteurs ; améliorer les capacités de la gendarmerie mobile ; développer les capacités de traitement et de transmission du renseignement opérationnel ; créer une nouvelle réserve découlant de la réforme de la défense en cours.
2 - Favoriser I’épanouissement et la cohésion des personnels au sein de l’institution : obtenir l’adhésion ; améliorer les conditions de vie et de travail ; valoriser les déroulements de carrière.
3 - Agir ensemble avec nos partenaires de la sécurité, en France et à l’étranger : faire progresser la coopération entre les partenaires de la sécurité intérieure ; fournir des réponses opérationnelles adaptées aux besoins de la coopération européenne et internationale.
4 - Se conduire en acteur imaginatif de la réforme de l’État : moderniser la gestion quotidienne et prévisionnelle des emplois et des effectifs ; clarifier et déconcentrer les responsabilités ; améliorer la conduite des activités et des projets.
Redéploiement des effectifs des unités situées en zone de police d’État, amélioration de la formation dans le domaine de la police judiciaire, création de brigades de prévention de la délinquance juvénile, amélioration des capacités d’action de la gendarmerie mobile (avec la mise en œuvre des pelotons légers d’intervention) afin de renforcer sa participation aux missions de sécurisation et à la lutte contre les violences urbaines, extension du réseau de transmission numérique Rubis à l’ensemble des groupements de gendarmerie départementale, développement du travail en partenariat (notamment au niveau des PDS, plans départementaux de sécurité et des PDPD, plans départementaux de prévention de la délinquance)… : telles sont les principales mesures préconisées pour permettre cette indispensable adaptation de la gendarmerie à des évolutions qui apparaissent, pour cette institution séculaire, comme autant de défis et de remises en cause.
Pour autant, et même si la démarche du « plan d’action » mérite d’être signalée comme une entreprise positivement fédératrice et raisonnablement ambitieuse, force est de constater qu’elle ne peut se substituer à la définition — au terme d’un travail de prospective fondé sur une logique d’ouverture, de dialogue et d’expérimentation — de réformes d’ensemble plus que nécessaires, qui ne pourront éluder, entre autres, la délicate question de l’adaptation de l’implantation territoriale de la gendarmerie d’aujourd’hui aux réalités sociodémographiques et aux données de la délinquance et de l’insécurité. ♦