Gendarmerie - La Gendarmerie et les opérations de maintien de la paix
Quatrième volet des activités internationales de la gendarmerie (1), la participation à ce qu’il est convenu d’appeler les opérations de maintien, de rétablissement ou de consolidation de la paix apparaît comme la conjonction de la mission traditionnelle de prévôté aux armées et du récent développement, dans le contexte de l’après-guerre froide, des opérations conduites ou mandatées par l’Onu dans le dessein de promouvoir l’idée de sécurité collective. Indissociable de sa situation spécifique de force de police à statut militaire, cet engagement extérieur a mobilisé, depuis 1990, pas moins de 1 500 officiers et sous-officiers de gendarmerie appelés à servir au sein des casques bleus au Liban, au Salvador, au Cambodge, en Somalie, au Sahara occidental et dans l’ex-Yougoslavie.
À l’heure actuelle, la gendarmerie participe aux opérations internationales menées en Bosnie-Herzégovine, en Albanie et en Haïti (2).
Bosnie-Herzégovine (11 officiers et 142 sous-officiers). Pour garantir l’application du plan de paix, et compte tenu du renouvellement de l’engagement international dans ce pays (Conseil de sécurité, résolution 1 088 du 12 décembre 1996), l’Otan s’est vu confier le mandat de déployer, pour une période de dix-huit mois, une force de stabilisation de la paix (Sfor) de 30 000 hommes (répartis en trois divisions multinationales) en remplacement de l’Ifor. Le mandat du groupe international de police (GIP), volet civil du plan de paix, a été prorogé, quant à lui, jusqu’au 20 décembre 1997. Les gendarmes intégrés dans ce groupe ont pour mission principale le contrôle et la formation des forces de police locales.
Albanie (2 officiers et 22 sous-officiers). Afin de faciliter l’acheminement de l’assistance humanitaire et de restaurer un climat de sécurité, l’Onu a décidé l’envoi d’une force multinationale en Albanie (Conseil de sécurité, résolution 1 101 du 28 mars 1997). Placée sous commandement italien, cette force est composée d’environ 6 000 hommes, parmi lesquels un millier de militaires français. Pour cette opération « Alba », un peloton de gendarmerie de surveillance et d’investigation (PGSI) a été déployé dans la région de Durrës sur la côte Adriatique. Outre les missions prévôtales, ce peloton apporte une dimension sécurité publique au bataillon interarmes français, en développant notamment des liaisons suivies avec les autorités administratives et les forces de police locales.
Haïti (3 officiers et 38 sous-officiers). Depuis 1994, la gendarmerie prend une part importante à l’action de la mission d’appui des Nations unies en Haïti (Manuh), dont le mandat a été prorogé jusqu’au 31 juillet prochain, en contribuant notamment à la mise sur pied et à la formation des forces de police locales, un officier supérieur de gendarmerie assurant d’ailleurs actuellement la responsabilité de haut-commissaire de la police civile de l’Onu en Haïti.
Compte tenu de l’évolution, ces dernières années, des opérations internationales, qui s’apparentent de plus en plus, au moins dans un second temps, à des opérations de police élargie du type restauration ou consolidation de la paix, le champ des missions externes de la gendarmerie s’est considérablement étendu. En effet, cette participation déborde largement aujourd’hui le simple cadre de la prévôté aux armées pour intégrer également le domaine de la police militaire internationale et du contrôle de police, et se situer désormais dans la fonction « actions civilo-militaires » (ACM). Parce qu’elle est liée aux institutions militaire et policière, la gendarmerie représente, dans ce type d’opération, un moyen particulièrement adapté à ces périodes transitoires de paix encore incertaine, précaire et relative, lorsque la place n’est peut-être plus celle des militaires onusiens, mais n’est certainement pas encore celle des forces de sécurité locales. En somme, ce type d’engagement apparaît comme un degré (militaro-policier) supplémentaire dans l’échelle des opérations de maintien de la paix permettant de se rapprocher de plus en plus d’un retour à la normale, synonyme, dans le respect du droit international et du devoir d’intervention humanitaire, d’un retrait (au moins progressif) de l’engagement de la communauté internationale.
En précisant que « la gendarmerie, force militaire, entretiendra les aptitudes à participer aux opérations civiles et militaires menées par la France hors du territoire national dans le cadre de ses engagements internationaux, avec ses alliés et sous l’égide de l’Onu notamment », le plan d’action gendarmerie 2002 a expressément assimilé cet engagement extérieur au rang de priorité, ce qui d’ailleurs paraît parfaitement conforme aux prévisions et autres analyses prospectives auxquelles il est bien difficile d’échapper en ce domaine. En effet, dans un contexte international pour le moins inquiétant, largement dominé par le réveil des intégrismes et des nationalismes, avec leur cortège de haines, de tensions et de violences, de menaces, de déséquilibres et de conflits, il est à craindre que les opérations de maintien de la paix n’aillent, dans les années à venir, sinon se développer, au moins se pérenniser. La nécessité de prendre en compte cette dimension internationale a conduit la gendarmerie à engager récemment diverses actions destinées à améliorer la connaissance des langues étrangères et la culture juridique internationale de son personnel. Ainsi, à titre d’exemple, des officiers de gendarmerie sont régulièrement envoyés en formation à l’Institut international de droit humanitaire de San Remo. Dans le même ordre d’idées, la gendarmerie a été associée à la conférence de Singapour sur la police civile (décembre 1995) organisée par l’Unitar (Institut des Nations unies pour la formation et la recherche). Par ailleurs, une réflexion d’ensemble est conduite dans la section « opérations extérieures » (sous-direction des opérations) de la direction générale de la gendarmerie, de manière à contribuer à la définition d’un véritable concept d’emploi, prenant en compte les divers aspects doctrinaux, les ressources humaines et les moyens logistiques. Dans cette perspective, cet engagement international affirmé pourrait être utilement renforcé par la présence de représentants de la gendarmerie au sein des états-majors des organisations internationales, plus particulièrement auprès du département des opérations de maintien de la paix (notamment de l’unité de police civile) au siège de l’Onu à New York.
Maillon de la politique étrangère française, la participation croissante de la gendarmerie aux opérations de maintien de la paix a permis de faire mieux connaître dans le monde les caractéristiques historiques, organisationnelles et culturelles de cette institution si spécifique, en contribuant notamment à dissiper les réserves perceptibles dans certains pays à l’égard des forces de police à statut militaire, tout en fournissant à son propre personnel d’enrichissantes expériences professionnelles et humaines. ♦
(1) Pour ce qui est des autres domaines, à savoir la protection des ambassades et représentations diplomatiques, l’assistance militaire technique, ainsi que la coopération policière multilatérale et bilatérale, lire « Les activités internationales de la gendarmerie » ; Défense Nationale, avril 1997.
(2) Au 1er juin 1997. Pour être complet, il convient d’ajouter le détachement de cinq sous-officiers au sein de la Finul (Liban) et d’un officier auprès de la mission d’observation de l’OSCE (chargée de l’organisation des élections en Bosnie-Herzégovine) à Tbilissi (Géorgie).