Le piège de l’armée professionnelle
Requiem pour un service défunt, tel pourrait être le sous-titre de ce livre : l’auteur, soutenu par l’autorité du général de Zélicourt, est sans illusions sur « l’erreur irréversible ». Sans illusions, mais non sans amertume, les deux plaideurs commencent par rappeler la comédie à acteurs multiples qui a entouré la révolution militaire décidée en 1996 par le président de la République. La loi de programmation de 1994 faisait de la conscription la base de notre système ; celle de 1996 la répudie. La commission Marceau Long pour la préparation du Livre blanc prône en 1994 une armée mixte alliant conscrits et professionnels, et pareillement, un an plus tard, le comité stratégique ; le 22 février 1996, M. Chirac annonce à la télévision la décision inverse. Décision prise, on lance de faux débats, « mise en scène pour des jeux déjà faits », et on invite les militaires à y participer, sous réserve qu’ils ne débattent point. Le 7 juin 1996, le vote de l’Assemblée (167 votants sur 577 députés) souligne l’indifférence des partis politiques. Les Français enfin, bêtes à sondages qui approuvaient le service militaire à près de 70 %, applaudissent à sa suppression à 57 %.
Devant ces légèretés et ces incohérences, les auteurs ne désarment pas. Ils rappellent les mérites du service militaire et ramènent à leur juste mesure les critiques dont il était l’objet. Ils réfutent l’argument de l’inégalité devant l’appel. Les 20 % d’exemptés et de dispensés étaient une proportion très acceptable et il ne tenait qu’à nous (ou au législateur) de supprimer les formes civiles du service national, vrai scandale celui-là : « Il n’y a pas de plus sûr moyen de condamner la conscription que de prétendre l’employer en dehors de sa finalité légitime : la défense nationale ».
Lien de l’armée et de la nation, formation civique que l’école ne dispense plus et que le rendez-vous citoyen ne saurait assurer, voilà donc ce qui va disparaître ; mais ce qui tient surtout au cœur de Ramu de Bellescize, c’est « l’opérationnel ». Il rappelle que les appelés volontaires pour les opérations extérieures n’ont jamais manqué (lui-même fut, durant son service, engagé en Yougoslavie). Il constate que la menace la plus inquiétante se situe à l’intérieur de nos frontières et que la réforme, supprimant les unités de DOT et réduisant les réserves à quelques dizaines de milliers d’hommes, ne permet plus d’y faire face.
L’auteur défend une noble cause. Il étaye sa thèse de sérieuses références. Accents polémiques et négligences de style sont à mettre au compte de la passion qui l’anime. ♦