La paix dans le monde. Une utopie réaliste
Le général Cot a connu la guerre dès l’âge de six ans, sur le chemin de l’exode, en 1940. À dix ans, il a décidé d’être soldat, sans aucune tradition militaire familiale, « non point dans un esprit de vengeance, mais par refus de la guerre et de ses abominations », et « avec la certitude qu’il ne fallait plus jamais se mettre en situation de la subir ». L’ancien commandant de la Forpronu se définit donc comme un soldat de fortune, « c’est-à-dire de hasard, animé d’une vocation précoce et, finalement, contingente », mais un soldat qui a le devoir de contribuer à faire prévaloir la paix « partout où elle n’est encore qu’une flamme fragile ». C’est dans cet esprit qu’il nous propose cet authentique « acte de foi ».
Après un séjour en Algérie à la fin des années 50 et au tout début des années 60, le général Cot a servi pendant trente ans dans des postes d’état-major ou à la tête d’unités de combat à préparer la guerre pour ne pas la faire. Son dernier commandement fut celui de la 1re armée française qui regroupait toutes les unités opérationnelles de l’armée de terre dans l’hypothèse d’un engagement de l’Otan contre les forces du pacte de Varsovie. La chute du mur de Berlin et la désintégration du monde soviétique ont alors mis fin à des « décennies de vertige ». La conséquence majeure de cette rupture historique traduit un apaisement des tensions internationales et des « guerres interétatiques », mais avec, en contrepartie, une multiplication des « conflits intra-étatiques ». Le relâchement brutal de la violence retenue entre l’Est et l’Ouest a libéré d’autres forces comprimées, non seulement en Europe balkanique et dans le Caucase, mais aussi partout dans le monde où se marquaient au plus près les deux Grands, souvent par clients ou mercenaires interposés : en Afrique, en Asie centrale, dans le Sud-Est asiatique. La paix doit donc être recherchée, « non par des invocations incantatoires sur l’horreur de la guerre, mais par la prise en compte des confrontations inévitables et la recherche de solutions pacifiques ».
Pour l’auteur, la paix est un combat. Celui-ci doit être mené par l’Union européenne. Or, depuis dix ans, tous les pays de l’UE ont réduit d’une façon importante les budgets de la défense en prétextant de la nécessité de « toucher les dividendes de la paix ». La baisse des dépenses militaires, cumulée depuis 1992, s’élève ainsi à 22 %, alors que dans le même temps les États-Unis ont maintenu leur effort de défense (+ 7 % en 1999). Cette politique de facilité nous a placés dans la dépendance des Américains pour mener les opérations de maintien de la paix, notamment celles qui sont conduites sous l’égide de l’Onu. Le général Cot consacre d’ailleurs un long chapitre aux Nations unies. Malgré ses nombreux échecs, le gendarme du monde peut encore jouer un rôle majeur. Toutefois, l’institution internationale créée en 1949 à San Francisco doit être réformée. L’auteur propose notamment la nomination d’un officier général auprès du secrétaire général. Sur ce sujet, l’ancien commandant de la Forpronu s’est souvent plaint, lors de sa mission en ex-Yougoslavie, d’avoir été en contact avec des fonctionnaires civils sans culture militaire, ce qui rendait les échanges extrêmement difficiles, voire particulièrement tendus. Dans le sillage de ce haut responsable militaire, un état-major au sein du département des opérations de la paix serait chargé de recueillir et de traiter en temps réel l’information venant de tous les points chauds de la planète, d’en présenter la synthèse avec la gamme des réactions possibles, de transformer les décisions prises en ordres et d’en contrôler l’exécution en permanence. Le général Cot suggère enfin la création d’une brigade de 5 000 hommes, équipés, entraînés et motivés pour des actions de combat limitées. Pour l’auteur, c’est une force de ce type qu’il aurait fallu déployer en quelques jours à Srebrenica en avril 1993 puis en juillet 1995, au Rwanda en avril 1994, à Sarajevo en mai 1995, dans le Haut-Zaïre en juin 1997, au Kosovo en mars 1999, au Timor-Oriental en septembre 1999…
Pour clore ce chapitre des améliorations à apporter, l’ancien commandant de la 1re armée évoque une force immatérielle mais efficace, celle du verbe. C’est en effet par les mots, renforcés par des images, que se font et se défont les opinions, que sont suscitées les manifestations de générosité ou excitées les pulsions d’agressivité. Le propagateur du génocide rwandais a été sans conteste la Radio des mille collines qui émettait des messages de haine et dirigeait des assassins hallucinés vers leurs victimes désignées. À cette occasion, les responsables de l’Onu n’ont pas compris que le plus urgent était de détruire cette radio avec un seul avion, et de lui substituer une voix apaisante. De la même façon, le général Cot n’a jamais pu obtenir des autorités de New York un simple émetteur couvrant l’ex-Yougoslavie, grâce auquel le commandant de la Forpronu aurait eu la possibilité de dire aux peuples « où les dirigeants pervers les conduisaient et dans quels crimes ils les impliquaient ». L’auteur souhaite ardemment que la communauté internationale tire les enseignements de tous ces événements tragiques afin que la loi du plus fort ne soit plus toujours la meilleure et que l’Onu (réformée) vive, parce qu’elle reste « la chance de la paix par le droit ». ♦