L’antijudaïsme chrétien. La mutation
Paul Giniewski a étudié les tréfonds des problèmes historiques et contemporains de la communauté juive dans une vingtaine d’ouvrages. Parmi les plus pertinents, il convient de citer : Le sionisme (1969), Être Israël (1979), De Massada à Beyrouth (1983), Le combat d’Israël (1987), Préhistoire de l’État d’Israël (1997, prix Wizo)… Ce spécialiste reconnu de l’État hébreu a également traduit des documents de Theodor Herzl (Pays ancien, pays nouveau), et Shimon Peres (L’héritage des Sept). Il nous propose aujourd’hui un livre de réflexion qui dénonce l’antijudaïsme chrétien. Ce phénomène a d’ailleurs été évoqué par Jean-Paul II qui a constaté que « des interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa prétendue culpabilité ont trop longtemps circulé, engendrant des sentiments d’hostilité à l’égard du peuple juif ».
Selon l’auteur, pendant vingt siècles, les relations entre les chrétiens et les juifs ont été remplies « de méfiance, de haine et de catastrophes ». Paul Giniewski invite donc les chrétiens à faire un rigoureux effort de vérité dans leur devoir de mémoire. Le philosophe s’élève d’abord contre les thèmes de l’antijudaïsme, en particulier l’esprit théologique de ceux qui allèguent la responsabilité des juifs dans la crucifixion du Christ. Dans sa démonstration, il s’appuie sur de nombreux écrits et cite notamment l’historien Jules Isaac qui dénonce les dangereuses confusions : « Affirmer que la foule assemblée devant Pilate représente collectivement le peuple juif, alors qu’elle ne représente qu’elle-même, c’est déformer la réalité historique pour justifier certaines vues théologiques ». Paul Giniewski prétend que ces interprétations altérées sont véhiculées par une certaine catéchèse, un certain enseignement de la religion, s’adressant aux enfants comme aux adultes. Dans les Évangiles, « les méchants sont systématiquement donnés pour juifs ; les bons sont des hommes, des foules, des gens dont on omet presque toujours de préciser qu’ils sont également juifs ». C’est sur ce terrain qu’a fleuri « la plante vénéneuse » de l’antisémitisme. Cet « enseignement du mépris » se trouve aussi dans les dictionnaires qui présentent trop souvent « des stéréotypes religieux, politiques, économiques et sociaux ». Or notre société doit transformer cet « enseignement du mépris » en un nouvel « enseignement de l’estime » pour faire évoluer les relations judéo-chrétiennes. Sur ce sujet, l’auteur est formel : la modification « d’exégèses périmées » et d’interprétations erronées des Écritures rendra un grand service à la chrétienté. Paul Giniewski croit fermement que de plus en plus de chrétiens retrouveront la source du christianisme dans le judaïsme, car « cette découverte sera la véritable clef d’un dialogue fraternel ». ♦