Dictionnaire technique et critique des nouvelles menaces
Le laboratoire Minos (Menaces internationales nouvelles d’ordre stratégique) constitue un groupe de recherche animé par le Centre des hautes études de l’armement (Chear). Il est composé d’experts et de personnalités qualifiées qui exercent d’importantes fonctions dans des organismes internationaux (OCDE), dans de grandes firmes privées et dans les centres de décision et de réflexion du pays : organismes ministériels (SGDN), comité de sécurité nucléaire ; ministères : Affaires étrangères, Défense (centre d’études et de prospective, état-major de l’armée de terre, commandement des opérations spéciales, services de renseignement, gendarmerie nationale), Finances (douanes), Intérieur, etc.
Xavier Raufer, directeur de collection aux Presses universitaires de France, chargé de cours à l’Institut de criminologie de Paris, supervise la publication des études produites par Minos. Il nous propose ici ce dictionnaire des nouvelles menaces sous une forme claire et pédagogique qui permet de traiter soixante sujets d’actualité dans l’ordre alphabétique : Afrique, amphétamines, corruption, crime organisé, « cyberterrorisme », fanatisme, guérillas dégénérées, groupe islamique armé, immigration, loups solitaires, narcotrafic, nucléaire, opérations spéciales, piraterie, sectes, triangle d’or, zones grises…
De toutes ces analyses, il ressort que la mondialisation de l’économie représente une aubaine pour les « blanchisseurs » qui profitent de la généralisation de phénomènes permissifs (libre circulation des capitaux, indifférence du secteur bancaire aux affaires criminelles) pour se livrer à des activités fructueuses et illicites. La « surface mondiale du blanchiment » s’est ainsi développée d’une façon inquiétante. Les experts ont également un autre motif d’angoisse : l’évolution des méthodes de recyclage. Sur ce sujet, il est bon de rappeler que la Cosa nostra, les triades chinoises, les yakuza japonais, les mafias turco-kurdes et les grands cartels latino-américains sont des entités stables qui ont accumulé un capital énorme pendant les années fastes (1970-1990) des stupéfiants. Aujourd’hui, ces puissants groupuscules s’efforcent de convertir des espèces en fonds faciles à stocker et accessibles, désormais sans urgence, grâce à des techniques subtiles et complexes qui brouillent encore plus la distinction entre argent propre et sale.
Un autre danger permanent menace l’équilibre fragile de notre civilisation : l’extension de l’informatique à tous les rouages de la société contemporaine dont les fonctions vitales sont assurées par des systèmes « toujours plus interconnectés ». Que l’un des réseaux soit paralysé par des « cyberterroristes », et le chaos s’installe dans une partie de la planète. Ce sujet concerne tout particulièrement le système de l’information qui englobe en un « cybermonde » un ensemble d’activités financières, commerciales, scientifiques, militaires et médiatiques. Le terrorisme de la nouvelle désorganisation planétaire ne touche plus seulement les poseurs de bombes, mais il revêt d’autres aspects difficiles à discerner. À l’aube du XXIe siècle, ce phénomène constitue « une préoccupation centrale de sécurité pour nos gouvernements ».
Cette évolution alarmante peut être résumée dans cette déclaration du Premier ministre à l’occasion de l’ouverture de la session 1997-1998 de l’IHEDN : « Aux facteurs traditionnels de crise, rivalités de puissances, problèmes de minorités, lutte pour les ressources énergétiques, déséquilibres économiques, sociaux et démographiques, s’ajoutent des risques nouveaux qui échappent le plus souvent au contrôle des États dont la légitimité est de ce fait contestée […]. Des groupes internationaux dont le nombre, le volume et l’influence augmentent sans cesse dans les domaines économique, social et politique, mais qui, pour certains d’entre eux, mènent des actions criminelles, mafieuses, terroristes ou qui se livrent à des trafics en tous genres ». Le monde d’aujourd’hui est ainsi couvert de « zones grises » qui désignent ces territoires nébuleux où sévissent des entités criminelles « à mi-chemin entre le politique et le droit commun ».
L’ouvrage du laboratoire Minos a le grand mérite de nous faire prendre conscience de ce qui est vraiment dangereux aujourd’hui, et le restera demain. Il nous permet de mieux connaître les « territoires hors contrôle », afin de pouvoir combattre les entités menaçantes du nouveau désordre mondial. Ce dictionnaire ne s’adresse pas seulement à ceux qui sont et seront demain magistrats, officiers, commissaires de police, ingénieurs de l’armement, cadres des services de renseignement ou fonctionnaires des affaires étrangères. Il concerne également les esprits curieux et réalistes qui veulent se familiariser avec les menaces instables, mouvantes et souvent obscures du grand chaos mondial. ♦