La diplomatie japonaise à l’aube du XXIe siècle
L’ambassadeur du Japon en France, M. Matsuura Koïchiro vient d‘écrire, directement en français, un passionnant ouvrage sur la diplomatie japonaise envisagée aussi bien dans le domaine des relations franco-japonaises que dans une optique mondiale. L’auteur connaît admirablement la France et sa langue, et il a passé au total huit ans de sa carrière dans notre pays : longue carrière, puisque c’est il y a quarante ans qu’il a commencé celle-ci au ministère des Affaires étrangères nippon. Depuis lors, il a été associé aux grandes étapes de la politique étrangère japonaise, partageant son activité entre l’administration centrale et des postes à l’étranger, en France, aux États-Unis, en Asie et en Afrique.
L’histoire des relations entre nos deux pays peut se diviser en quatre périodes dans l’histoire récente : 1858-1911, 1911-1945, 1945-1980, depuis 1980 ; découverte, alliance et renversement, reprise, développement, ces termes pourraient synthétiser, très schématiquement, ces années riches et contrastées dans les échanges politiques, culturels et économiques.
L’ambassadeur ne dissimule ni les difficultés rencontrées au cours de cette histoire mouvementée, ni les problèmes qui restent à résoudre en raison des différences culturelles importantes et de stratégies parfois opposées. Il souligne à juste titre les novations récentes — en tout cas dans le domaine politique — entraînées par le renforcement de l’Union européenne avec une Europe qui parle de plus en plus d’une seule voix. Dans le domaine économique se développe aussi le multilatéralisme avec, notamment, la vocation de l’Organisation mondiale du commerce. De même, de grandes questions se posent à l’ensemble du monde : vieillissement des populations, développement Nord-Sud inégal, environnement, drogue, sida, etc. Tout cela explique l’évolution des relations bilatérales qui restent et doivent rester importantes, mais qui se situent nécessairement aussi dans un domaine plus étendu. C’est ce que décrit l’ambassadeur dans une seconde partie, largement traitée, où il évoque successivement le rôle du Japon au sommet des pays industrialisés, le problème Nord-Sud et la conception japonaise de l’aide au développement, les relations avec l’Afrique, la crise financière actuelle et enfin les rapports avec la Russie.
Ce fut d’abord une lente reconquête de 1945 à 1956 de sa place dans le concert des nations, puis la croissance spectaculaire qui ont fait du Japon la deuxième puissance industrialisée du monde. Pendant toutes ces années, sa spécificité ne s’est jamais démentie, reposant sur un modèle de société très particulier, organisé, à la fois hiérarchique et consensuel, paternaliste et rude à l’égard de ceux qui ne sont pas dans le moule.
Dans le domaine de la politique japonaise, on remarque, en dehors de la volonté très normale du Japon d’occuper sa place, toute sa place, parmi les grandes puissances, l’importance des relations avec la Russie et bien sûr avec les États-Unis, alors qu’on s’étonne, dans l’ouvrage, de la faible présence de la Chine, pourtant un puissant voisin avec lequel les échanges économiques sont très importants. Quant à la crise asiatique, l’analyse qui en est faite par l’auteur est classique : des surinvestissements mal dirigés et mal financés, ainsi que les inconvénients de monnaies trop rigidement liées au dollar. Cependant, sur la crise japonaise, plus ancienne et peut-être plus grave, donc plus durable aussi, les propos ne s’éloignent guère de la doctrine officielle, ce que l’on peut comprendre, mais laisse un peu sur sa faim. Malgré ces légères remarques, on ne peut que recommander ce très bel ouvrage, clef d’une meilleure compréhension du Japon contemporain. ♦